04/12/2025
Fenêtre 4 - Parent
En thérapie, il y a toujours un moment où la phrase tombe :« Et votre père ? Votre mère ? ».
Soyons honnêtes, elle arrive assez vite à vrai dire. Avec une petite grimace, un soupir, ou un rire nerveux.
Parce qu’on sait. On sent. On pressent que c’est un des chapitres les plus délicats.
La relation à nos parents, c’est un peu comme ces vieilles armoires familiales :
on y range de tout — des trésors, des brouillons de nous, des souvenirs qui piquent, et des choses qu’on garde parce qu’on ne sait pas trop.
Je n’y ai pas échappé. A rouvrir certaines de mes armoires, à regarder des trucs que j’aurais préféré laisser prendre la poussière. Ça bouscule, ça secoue, mais ça libère aussi une place f***e à l’intérieur.
Ce n’est jamais simple. Ce n’est jamais réglé. Ce n’est jamais figé. Il n’est pas rare de voir des adultes retrouver, en quelques secondes, l’enfant en eux lorsqu’ils évoquent un geste mal reçu, une phrase restée en travers, un silence jamais compris. Il y a tant de traces qu’on a enfouies, tant de mots qu’on n’a pas su dire, tant de ressentis qu’on a étouffés pour préserver l’équilibre familial.
Et pourtant, derrière les irritations, derrière les reproches, il y a souvent un terreau plus tendre. Celui de vouloir être vu, entendu, reconnu. Le besoin aussi d’habiter l’adulte qu’on est devenu. Sans se sentir encore coincé dans l’enfant qu’on a été.
Travailler la relation à nos parents, ce n’est pas refaire l’histoire. C’est souvent retrouver de l’air, mettre des mots là où il n’y en a jamais eu, et se donner la permission de ne plus tout porter.
C’est parfois comprendre que nos parents ont fait ce qu’ils ont pu avec leur monde, leurs peurs, leurs angles morts. Accepter que certaines blessures existent, qu’elles ne s’excusent pas, mais qu’elles peuvent se traverser.
Et quelque part, c’est une bonne nouvelle. Notre histoire familiale n’est pas une fatalité, c’est un matériau. Un truc vivant. Transformable. Malléable. Un territoire où l’on peut apprendre à se redonner du souffle, à se repositionner, à aimer un peu mieux aussi.
Je m’y prépare. Je suis lucide. Arrivera mon tour. Notre tour. Le parfait n’existe pas. J’ai mes fractures, mes creux, mes zones sensibles. Je sais que, même avec tout mon amour, je laisserai aussi des traces, des fissures dans leurs petits corps, dans leurs petits cœurs. Et c’est très bien comme ça. Parce que j’ai confiance.
« Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière » – Michel Audiard