25/09/2020
C’est Notre Histoire_192
HENRI OMGBA DAMASE
Homme de l'Ombre et Faiseur de Rois
Henri Damase Omgba est décédé le 7 mars 2013, à 76 ans, avec tous ses secrets. Son nom était associé aux épisodes les plus obscurs de la Françafrique, même si, pendant de longues années, les journaux se sont arraché les cheveux pour obtenir une photographie de ce personnage de roman noir. Ces dernières années, il vivait reclus dans son hôtel particulier de Neuilly-sur-Seine, près de Paris, entouré de ses enfants, dont l'un se prénomme Félix Houphouët, en hommage à son ami le président ivoirien disparu. Riche, malade, mais aussi déconnecté de la nouvelle génération de dirigeants du continent.
« Ses amis sont morts ou ne veulent plus le voir », présumait un ancien journaliste qui l'a connu. Dans la liste de ceux qui l'avaient rayé de leur carnet d'adresses figure en bonne place le chef de l'État camerounais, Paul Biya, dont cet « homme d'affaires » au parcours singulier a été pendant plus d'une décennie l'un des visiteurs du soir les plus influents.
Des missions secrètes lui auraient été plusieurs fois confiées. On prête au patriarche de Nsimeyong la prouesse d'avoir amené les bâtisseurs allemands de l'Aéroport de Nsimalen qui est une petite copie de l'Aéroport de Cologne. Une certaine opinion soutient même qu'il aurait, pour le compte du Cameroun, négocié l'achat des équipements militaires dans plusieurs pays.
Les deux hommes finiront par se brouiller lorsque le « milliardaire de Nsimeyong » se piquera de soutenir Victor Ayissi Mvodo, meilleur ennemi de Biya, qui préparait une candidature à la présidentielle. Pour Paul Biya, c'est un sacrilège voire une trahison. Les cartes entre les deux hommes se brouillent. C'est la rupture, même si on a su garder les civilités.
Quand Ayssi Mvondo décède, c'est le ciel qui s'écroule sur Damase. Il est certes riche, mais que vaut la richesse quand on est désormais sevré de ses grands amis? Omgba Damase s'est lancé dans un certain nombre d'initiatives heureuses ou malheureuses. On en veut pour preuve la création du club mythique Olympique de Mvolyé qui va instaurer une sorte de semi-professionnalisme au Cameroun. Les joueurs de ce club sont les mieux traités du pays. Damase Henri en confie la gestion à Philippe Mbarga Mboa
Mais, avant qu'il ne tombe en disgrâce, la fréquentation de sa somptueuse propriété de Yaoundé était dans les années 1990 le meilleur tremplin pour accéder au gouvernement.
Il était un homme puissant, tellement puissant qu'il a fait et défait des carrières. A son actif, la promotion des hommes comme Essomba Tsoungui (ancien député), Cikouda Aristide (ancien ministre) Mballa Bounoung, Amougou Noma (ex-Délégué du Gouvernement auprès de la CUY décédé) feu Henri Bandolo, Tchouta Moussa (ancien DG du Port de Douala décédé) Raphaël Onambelé (ancien Secrétaire d'Etat), pour ne citer que ceux-là dont on dit que sans Damase, ils ne seraient pas aux avant-postes
Son neveu, Séraphin Fouda, à l’époque secrétaire général adjoint de la présidence est à ce jour SG des services du Premier Ministre.
Après ses divergences avec Paul Biya, sa côte a sérieusement baissé. Bon nombre de ses amis Chefs d'Etat ont tiré leur révérence ou ont quitté le pouvoir. Son meilleur ami, Felix Houphouel Boigny s'en est allé. Du temps de sa splendeur pourtant, Damase a été noyé dans une sombre histoire d'assassinat qu'il aurait commandité. Le 11 novembre 1988, Me Ngongo Ottou, le plus célèbre avocat camerounais de l'époque décède à l'hôpital américain de Neuilly, où il avait été évacué quelques jours plus tôt en provenance de Yaoundé où des agresseurs l'ont laissé à demi-mort sur son lit couvert de sang.
On a même mis au passif de Damase Omgba, l'assassinat de l'Abbé Mbassi, journaliste, rédacteur en chef du journal L'Effort Camerounais de l'Eglise Catholique. Le patriarche de Nsimeyong n'a jamais daigné répondre à ces accusations.
En définitive, que l'on ait aimé ou abhorré, Henri Damase Omgba n'a laissé personne indifférent.
Belle revanche pour cet ancien tailleur parti de rien, arrivé en France pour démarrer une carrière de mannequin avant de faire la connaissance de Jacques Foccart, qui en fait un de ces sulfureux intermédiaires de l'ombre, familier des palais africains. Le 17 juillet 1995, c'est lui qui porte la lettre du président zaïrois Mobutu Sese Seko à l'Américain Jimmy Carter sollicitant son aide pour sortir de son isolement international.
C'est encore lui qui facilite, avec Charles Pasqua, l'installation du PMU au Cameroun. L'origine de sa fortune est aussi attribuée à la vente de matériel militaire et aux privatisations des entreprises publiques camerounaises, notamment. Sa complicité avec Biya reposait en partie sur des goûts communs : d'abord leur passion pour les Jaguar, qu'ils étaient les seuls à posséder à Yaoundé dans les années 1970. Puis la dégustation des bons vins français, la musique classique, le football, les films de Francis Ford Coppola...
La vraie force de cet homme ne résidait pas dans le pouvoir qu'il avait mais dans celui qu'on lui prêtait du fait de sa proximité avec les puissants. Son histoire romanesque se finit dans la quasi-indifférence de ses amis d'hier, qu'il a fini par exaspérer à force d'user de leur attachement comme d'un viatique.
Sources
Georges Dougueli Jeune Afrique
Alain J. Ndongo Sans Détour