03/11/2025
Ce que je dirais à la petite moi qui voulait devenir infirmière
Conseils pas du tout scientifiques d’une infirmière presque zen sous caféine aux jeunes qui rêvent de faire ce métier.
Ma petite Gaëlle,
Toi qui rêvais déjà, à six ans, d’avoir un stéthoscope autour du cou et de sauver des vies en souriant, laisse-moi te raconter la vraie histoire. Celle qu’on ne trouve pas dans les manuels ni dans les séries télé où les blouses sont immaculées et les cheveux toujours propres.
Devenir infirmière c’est un peu comme s’inscrire à une grande aventure humaine avec en prime un abonnement illimité à la fatigue et au café froid. C’est se lever quand tout le monde dort, partir dans la nuit avec les yeux collés et regarder le soleil se lever depuis la voiture, un thermos à la main et une pensée émue pour ton oreiller abandonné.
Les horaires, c’est une blague cosmique. Tu travailles quand les autres dorment, tu dors quand les autres font des barbecues. Les week-ends ? Disparus. Les jours fériés ? Effacés du calendrier.
Et les vacances… ah, les vacances ! Ces mirages qu’on voit au loin avant qu’un collègue tombe malade.
Mais bon, au moins, tu sais que ton bronzage sera toujours uniforme : celui de la blouse.
Tu apprendras que les visites à domicile c’est un peu comme ouvrir chaque jour un nouvel épisode d’une série dont tu es à la fois l’actrice principale, la réalisatrice et le figurant de service. Un jour, tu seras accueillie par un chat qui décide que ton sac est sa nouvelle maison, le lendemain par un papy en slip kangourou qui t’appelle « ma belle infirmière ». Tu seras servie en café soluble, en biscuits périmés, en confidences parfois lourdes, souvent touchantes. Tu feras la psychologue, la confidente, la réparatrice de perf et la technicienne du moral en chute libre. Et entre deux pansements, tu développeras une patience de moine tibétain, un humour bien trempé et un instinct de survie redoutable.
Oui, tu râleras. Tu râleras dans ta voiture entre deux visites quand ton dos criera au secours et que ton GPS décidera de te faire passer par un champ de betteraves. Tu râleras quand il pleuvra, quand il fera trop chaud, quand le planning changera pour la cinquième fois de la journée. Mais malgré tout, tu continueras. Parce qu’au détour d’un regard, d’un merci murmuré, d’une main serrée, tu sentiras que tu es exactement là où tu dois être.
Tu verras la vraie vie, celle sans filtre, parfois dure, souvent belle. Tu comprendras que l’humanité, la vraie, se trouve souvent derrière une tasse de café tiède, un sourire timide ou un simple « merci d’être venue ». Et même si tu rentres chez toi avec le dos en miettes et la tête pleine, tu auras ce sentiment étrange d’avoir fait quelque chose d’utile. Quelque chose de juste.
Alors, si je pouvais te parler, petite Gaëlle, avant que tu te lances, je ne te dirais pas « ne fais pas ce métier ». Bon, peut-être un tout petit peu, les jours de pleine lune 😜. Je te dirais surtout : « fais-le, mais fais-le les yeux ouverts ». Tu vas en baver, tu vas pleurer, tu vas jurer. Mais tu vas aussi rire, aimer, apprendre et te sentir vivante comme jamais.
Et si c’était à refaire ? Sans doute que je râlerais encore, que je maudirais mes réveils à 5h30 et que je me plaindrais de mes genoux fatigués… mais je recommencerais. Parce qu’être une petite infirmière presque zen, c’est un art à part entière : celui de rester debout, humaine et un peu cabossée mais le cœur grand ouvert.
Alors vas-y, petite moi. Mets ta blouse, accroche ton sourire et fonce.
Le monde a besoin de ton courage, de ton humour… et de ta boîte à pansements.
