27/11/2025
Handicap « invisible » ?
Réflexion sur un mot qui efface
On dit handicap invisible.
Parce qu’autrefois les handicap n’étaient que visibles, ils parlaient des regards qui se détournaient et qui ne voulaient pas voir.
Aujourd’hui, le handicap ne parle plus du regard porté mais des situations de handicap qu’il ne faut plus ignorer.
Pourtant, “Invisible”
parle toujours du regard.
De ce que l’œil ne voit pas.
Mais pas du vécu de la personne.
C’est un mot qui rassure et qui jauge :
« Ce n’est pas si grave. »
« Tu peux t’en sortir. »
« Tu exagères. »
Et pour celui qui le reçoit, c’est un piège.
Un mot qui efface, qui fait douter, qui pousse à se taire.
🧠 Quand le handicap est cognitif, neurodéveloppemental…
Le mot invisible devient encore plus flou.
Il permet de dire : « On ne sait pas. » — Sous-entendu : « On n’en a rien à faire. »
Il permet de penser : « Si ça ne se voit pas, c’est qu’il n’y a presque rien. » — Sous-entendu : « Ce n’est pas un vrai handicap. »
Il permet de juger : « Si tu parles, c’est que tu exagères. » — Sous-entendu : « Tais-toi. »
Il permet de dire : « Non, t’es pas autiste, tu vas très bien. »
« TDAH ? Tu t’écoutes trop. C’est la mode. »
Et de maintenir les silences.
Et de détourner le regard.
Les personnes avec des TND expriment, montrent, se trahissent — et certaines parlent mieux que personne.
Mais leur parole passe d’autant moins bien.
On leur répond :
« C’est pour tout le monde pareil. »
« Tu t’écoutes trop. »
« Tu vas bien, regarde-toi. »
🔊 Inaudible, c’est le mot juste.
Il ne parle pas du corps — il parle de la parole qu’on refuse d’entendre.
Il désigne le refus d’écoute, le confort du stéréotype.
Changer le mot, c’est changer le regard.
“Invisible” protège la conscience.
“Inaudible” interroge les consciences.
🪞 Le paradoxe
Le handicap est mieux reconnu à condition qu’il corresponde à l’image qu’on s’en fait — à condition, donc, qu’il soit visible.
Mais les handicaps qui ne se voient pas, ceux qui ne cochent aucune case, dérangent et sont invisibilisés.
Ils demandent un effort de compréhension.
Une écoute active.
Une remise en question des stéréotypes.
Et c’est là que le paradoxe surgit :
Ce n’est plus le handicap visible qui dérange —
C’est celui qu’on ne voit pas.
Celui qu’il faut taire, cacher, laisser de côté.
🧩 De “invisible” à “inaudible”
Le handicap neurocognitif n’est pas flou, il génère des situations de handicap multiples qui s’additionnent.
Il est quotidien, précis, vécu.
Mais il est tenu à distance, s’il n’est pas visuel et s’il ne perturbe personne d’autres que la personnes elle-même, le handicap n’existe pas — paradoxe.
Nous existons.
Nous parlons.
Et si notre parole ne résonne pas,
c’est qu’elle est inaudible — pas invisible.
Article de P-A Le Moüel ( LinkedIn)