11/11/2025
Un témoignage, une écriture, de l'émotion et la réalité de toute une vie, de toutes ces familles touchées par le handicap et/ou la maladie. Merci Entr'aidants44-85. Ce portail du 11-11 🌈 appelle aussi à des mouvements sociétaux. La politique ⚖️, c'est nous qui la construisons tous les jours, à travers nos choix. Choisir c'est élire ! Mais il y a plein de façons d'élire. Faire des choix en conscience, quand on le peut encore ! Comment sommes-nous présents à nous, à l'autre et à notre environnement ? 💫 De quelle manière faisons-nous notre part, pour un monde plus juste, solidaire et plus inclusif ? 🌏 Comment aime t-on ? Que voulons-nous vivre ? S'engager. Je crois que ce verbe me vibre tellement dans cette vie. Depuis toujours. ✊️ S'engager. Pour ne pas rester passif. Reprendre notre pouvoir et nous engager. Nous engager pour nous-même, pour les autres. Cette force d'être ensemble et d'être vivants. Il ne suffit pas de prier, il faut oser, agir et s'engager. Belle journée du 11-11 ! 🍀 Nolwenn Le Calvez , membre du CA Alya Vendée. Adhérente à APF France handicap 85 Co fondatrice de l' Association Nolemi ✨️" Notre expertise du social, au service de votre bien-être familial."✨️
Au détour d’un étal de sardines - Saint Gilles Croix de Vie - Vendée
L'autre matin au marché, j’aperçois une femme. Le ciel est gris-bleu, les pavés encore humides de la rosée. Elle tient un panier assez usé, dedans : des sardines, un bouquet de persil, quatre pots de yaourt nature.
À ses côtés, un jeune adulte, son fils qui marche lentement, un peu voûté, l’air alangui.
Elle s’appelle Hélène. Elle a tout juste soixante ans, mais elle paraît fatiguée. Elle aide son fils, Michel, depuis vingt quatre années. Parce que le handicap s'est invité dés ses premiers jours, et qu'il leur a littéralement changé la vie. Au quotidien, elle l’aide pour manger, pour marcher, pour parler un peu avec sa tablette, pour voir du monde. Elle est « aidante » invisible, silencieuse, toujours là.
Et ce matin là, au marché, en me parlant, elle fouille son panier : « Les sardines, c’est un peu de protéines et c'est pas cher… faut faire avec » Oui : les sardines — l’un des aliments protéinés les moins chers — deviennent un symbole de leur vie : peu de moyens, beaucoup d’efforts... Elle n'a pas toujours été comme ça Hélène, elle avait un emploi et une maison en second rideau de la mer, avant.
Et les chiffres derrière le panier ?
* En France, en 2021, 9,3 millions de personnes déclaraient aider régulièrement un proche en situation de handicap ou âgé en perte d’autonomie.
• Parmi les salariés-aidants, 44 % ont le sentiment de pouvoir perdre leur emploi en raison de leur situation d’aide.
• Toujours parmi eux, 57 % (et 63 % chez les femmes) déclarent être en grande difficulté (quand le handicap limite fortement l'autonomie Alzheimer).
• Et : 48 % des aidants déclarent avoir une maladie chronique.
Ces chiffres s’invitent dans l’air du marché ce matin. Et Hélène est l'une d'entre elles. Elle porte un poids silencieux qu'elle me raconte "J’ai dû quitter mon temps plein, mon poste, car Michel avait été exclu de son foyer, sans proposition alternative mis à part le retour à domicile. Il n'etait pas autonome, il avait besoin de tout. J’ai réduit mes horaires, jai aussi plongé dans une dépression, donc arrêt maladie, et toujours sans solution à la suite j’ai arrêté… son papa est parti dès les premiers signes autistiques de Michel".
Elle ne cite pas de pourcentage Hélène, mais ce que je sais c'est qu'elle est loin d'être isolée. Dans le creux de son récit j’entends encore une fois : le travail qui s’éloigne, l’emploi stable qui vacille, le salaire qui baisse, la maison qu'on vend. Le panier qu’on remplit moins.
— Perte de solution à l’âge adulte, pas de solution de logement autonome et Michel ne peut pas travailler
— Perte d’emploi : Hélène a dû adapter, puis abandonner car Michel ne reste pas seul
— Risque accru de chômage, fin de droits et bascule dans la précarité
— « Pas assez de Prestation de compensation du handicap (PCH) pour payer les salaires demandés par certains intervenants qui pratiquent le dépassement
Elle rit presque en disant : « On mange des sardines…c'est bon, mais on ne choisit pas vraiment. »
Est-ce donc ça ? Le prix du don ? L’État rembourse à la minute ce que l’amour donne à la vie entière ?
Hélène reçoit quelques centaines d’euros par mois — à peine assez pour couvrir la lumière, l’eau, le pain, et les médicaments pas tous remboursés de Michel. Son fils n’a plus de solution d’accueil depuis qu’il est adulte ; contrainte elle s’est adaptée, comme un bambou qui plie sous le poids.
Autour d’elle, le marché bruisse.
Les voix montent, les pièces tintent, les étals regorgent de couleurs.
Et au milieu de ce spectacle de l’abondance, Hélène, avec ses sardines, me rappelle l’ironie la plus cruelle : c’est souvent ceux qui donnent le plus que l’on reconnaît le moins.
Alors qu'à coups de com' on s'acharne à gagner des élections et parfaire sa sémantique d’inclusion, de solidarité, de reconnaissance... dans les cuisines des aidants, on compte les trimestres de retraite comme des grains de riz.
On se demande combien vaut une journée à tenir debout, à soulever un corps qui pèse, et à se résigner dans un silence qui pèse plus encore.
C'est dans ce même silence que sont toutes les familles, qui ont dépensé leur énergie à bâtir un monde vivable pour leurs enfants à besoins particuliers, et qui aujourd’hui…n’en n'ont plus assez pour rebâtir un monde idéal.
Le marché se vide, les marchands replient leurs bâches, les voix s’éteignent. Hélène replace le citron dans le panier, Michel la suit, elle a preparé un renfo pour qu'il accepte de repartir sans crier qu'il veut rester encore... et lentement, sur le pavé qui brille d’humidité leurs ombres s’étirent comme deux lignes parallèles : jamais séparées, jamais rejointes.
Et moi, je reste là, devant les sardines.
Je pense à ce besoin urgent d'une reconnaissance réelle, pas seulement symbolique. Des aides suffisantes pour que son fils ait un réel défilé d'intervenants, dans son vrai "chez lui", pour que chacun puisse avoir sa propre autonomie et Hélène se reposer, enfin... Et donc aux PCH permettant de revaloriser les CESU., aux intervenants qui veulent arrêter l’établissement mais trouver du temps plein en CESU, à recruter, à coordonner, à former pour le domicile.
Je m'embrouille dans les "il faut", "oui mais", puis... je m'incline,...
Ce système est encore loin d’être à la hauteur de l’humanité qu’il sollicite...