09/11/2025
On dirait que nos corps sont devenus des vitrines.
Qu’on y expose des émotions comme des bijoux rares,
qu’on y vend des vertiges en solde,
des frissons calibrés,
des éblouissements manufacturés.
On nous promet des tempêtes intérieures
à l’heure précise du rendez-vous,
des métamorphoses garanties,
comme si l’âme pouvait se commander en ligne
et se livrer en express.
Alors nous courons.
Toujours plus haut,
toujours plus fort,
toujours plus loin de nous-mêmes.
C’est la religion de la progression :
une ascension qui n’a plus de sommet,
un escalier mécanique qui n’arrête jamais de monter.
Mais à force de vouloir grandir sans respirer,
nous devenons des arbres sans sève.
À force d’avaler des expériences intenses,
nous avons l’estomac saturé d’émotions fortes,
comme une boulimie de sensations
pour oublier le vide qui se creuse en dedans.
Et la fatigue — cette vieille compagne silencieuse —
s’installe dans les plis du corps.
Une fatigue lourde,
pas celle du muscle,
mais celle de l’être.
Comme si nos cœurs réclamaient moins de tonnerre
et un peu plus de pluie fine.
Dans le souffle du podcast “Pourquoi est-on si fatigué ?”
résonne cette vérité douce-amère :
peut-être que notre épuisement vient
de cette vie tout en accélération,
de cette quête infinie de sentir plus
au lieu de sentir mieux.
Peut-être qu’il faudrait apprendre
à se reposer dans le simple,
à laisser la lumière entrer sans la convoquer,
à redécouvrir la lenteur comme une étoffe précieuse
et le silence comme un pays natal.
Car certaines transformations ne se provoquent pas :
elles se déposent.
Elles arrivent dans l’espace que l'on cesse de remplir.
Elles naissent quand on accepte enfin
de ne pas être extraordinaire,
mais simplement vivant.