25/11/2025
Intéressant
🤯 TDAH et discours
Une r***e systématique récente (Hill et al., 2025) met en lumière un aspect souvent ignoré du TDAH : la façon dont il influence l’architecture du discours, la manière dont certaines personnes organisent, articulent et déroulent leur récit.
Les auteurs ont passé 39 études au crible selon un modèle en quatre niveaux, du micro-linguistique (morphologie, syntaxe) jusqu’au super-structurel (organisation globale du récit).
🎯 Le discours, qu’il soit narratif, explicatif, procédural ou conversationnel, est l’outil central de la vie sociale, professionnelle et clinique.
🧩 Résultats
Les manifestations diffèrent selon l’âge et le contexte :
🟦 1. Enfants + tâches narratives structurées
➡️ Tendance à une brièveté atypique :
🔹 Phrases plus courtes et moins complexes
🔹 Plus d’erreurs grammaticales
🔹 Dysfluences fréquentes
🔹 Omission d’éléments narratifs clés (début, enjeu, résolution)
L’histoire devient un puzzle où plusieurs pièces manquent.
🟩 2. Enfants + conversation spontanée
➡️ Phénomène opposé : logorrhée
🔸 Verbiage
🔸 Contenu redondant
🔸 Changements de sujet rapides
🔸 Cohérence fragilisée
🟧 3. Adultes avec TDAH
Même si les études sont rares, elles convergent vers un tableau cohérent :
➡️ Discours plus long, verbeux, digressif, tangentiel
Parenthèses multiples
Retours tardifs (ou absents) au fil initial
Déploiement d’idées parallèles difficilement hiérarchisées
🔗 Cohésion réduite : quand les connecteurs manquent
Les travaux montrent aussi une moindre utilisation :
🔵 des pronoms bien référencés
🔵 des conjonctions logiques
🔵 des marqueurs de cohésion
👉 Ce qui peut produire pour l’auditeur :
une chaîne référentielle floue (« il/elle/ça » peu clairs)
un récit perçu comme moins fluide, moins linéaire
Ces observations s’intègrent parfaitement aux données classiques sur le TDAH : variabilité des fonctions exécutives, mémoire de travail sollicitée, difficultés d’inhibition cognitive, organisation séquentielle fragile.
🌿 Quand la parole devient le reflet de la lutte interne
Au-delà des données techniques, cette r***e illustre la lutte pour l’auto-régulation de la pensée qui s’exprime dans le langage.
Pour articuler un récit cohérent, il faut :
🟣 sélectionner l’information pertinente (inhibition)
🟣 maintenir le cap (mémoire de travail)
🟣 organiser → prioriser → séquencer
🟣 s’ajuster en temps réel à l’auditeur
Or ce sont précisément ces fonctions qui sont souvent variables dans le TDAH.
🎤 Conséquences :
détails secondaires qui prennent le pas sur l’essentiel
digressions involontaires
difficulté à évaluer ce que l’auditeur sait déjà
redondances, ruptures, bifurcations
Ce n’est pas une question d’intelligence :
➡️ C’est le reflet d’une mécanique mentale qui doit composer avec des flux d’informations internes très dynamiques.
🧠 Le langage n’est pas un simple vecteur d’information : c’est le lieu de la rencontre.
Il conditionne :
🟨 la compréhension mutuelle
🟨 la capacité à faire son histoire en consultation
🟨 la qualité de l’alliance thérapeutique
🟨 la perception sociale au quotidien (« brouillon », « confus », « éparpillé »)
Les difficultés discursives peuvent donc amplifier :
les malentendus
les risques de sous-diagnostic
des étiquetages alternatifs (anxiété, dépression, traits de personnalité…)
le sentiment de ne pas réussir à « dire ce qu’on vit »
La r***e rappelle une vérité essentielle :
➡️ Le récit de soi n’est pas acquis. Il se construit. Il peut aussi être fragilisé.
🧰 Que faire en clinique ?
Les auteurs recommandent d’intégrer systématiquement l’évaluation du discours dans l’évaluation fonctionnelle du TDAH :
🎯 À observer :
🔻 Comment un événement est raconté
🔻 Comment la personne gère digressions, retours au thème, cohésion
🔻 Comment elle organise un récit procédural ou explicatif
🎯 À intégrer dans la prise en charge :
🔹 psychoéducation
🔹 TCC centrée sur les fonctions exécutives
🔹 entraînement aux compétences de communication
🔹 stratégies de structuration du discours
Parce que maîtriser la parole ne signifie pas seulement « bien parler » :
➡️ c’est pouvoir créer du lien, partager une histoire, et se sentir entendu.
SOURCE :
Hill, E., Wells, R., & Chen, W. (2025). Narrative and non-narrative discourse skills in ADHD across the lifespan: A systematic review of the literature. Journal of Attention Disorders. Advance online publication. https://doi.org/10.1177/10870547251389329