21/10/2025
L’INTESTIN — TUNNEL DE LA VIE
(Poème de rue, assimilation et silence)
© Alessandro Catanzaro
C’est la galerie qui coule à travers nous,
un voyage d’explorateur, un long voyage.
Les anciennes archives…
Pas seulement un tube de chair et de muqueuses,
mais un lieu de mémoire :
celui qui assimile et qui se débarrasse.
C’est la racine de la vie, le lieu du discernement.
Au centre du ventre, entre les viscères et les ombres,
l’instinct décide : quoi accueillir, quoi rejeter.
Ce qui devient nourriture,
et ce qui reste pourri.
Il filtre notre monde,
transforme la matière en énergie,
sépare le don du poison.
Comme Ulysse traversant la mer du corps,
chaque tempête est une pensée,
chaque leçon un choix.
Les sirènes : l’envie, la tentation.
L’instinct est un voyage vers l’intérieur :
il distingue, absorbe,
et finit toujours par revenir.
Chez le petit enfant, tout est encore ouvert :
tout entre, tout passe.
C’est là que se crée la connexion avec la mère,
avec son lait, avec son amour.
C’est là que naît la confiance dans le monde.
Puis on grandit.
Les mots non digérés se sédimentent dans l’intestin,
les rancunes mal évacuées,
les secrets cachés entre les plis et les recoins.
Les émotions oubliées deviennent coliques, spasmes,
ulcères :
des trous profonds du corps et de l’âme.
Comme Orphée, l’intestin descend chaque jour
dans son enfer silencieux
pour ramener à la lumière ce que nous avons perdu.
Dans l’obscurité de l’utérus,
il chante les notes de la guérison.
Chaque segment a son destin :
celui qui retient, celui qui absorbe la vie,
celui qui nous apprend à accueillir,
à recevoir enfin sans culpabilité.
Mais que se passe-t-il
quand on ne sait plus recevoir ?
Quand on refuse l’amour,
quand on ne sait pas comment faire ?
On le rejette, on fuit,
parce qu’il ne nous a jamais été vraiment donné.
Et tout se ferme, se bloque, se crispe.
C’est ici que naît notre fragilité :
la rareté corrompt de l’intérieur.
Le côlon, gardien de la ferraille,
gardien des souvenirs,
retient ce que nous ne voulons pas laisser partir :
les douleurs, les photos, les traces du passé.
Et alors tout devient dur, fermé, contracté.
Constipation : le mot jamais dit.
Ou diarrhée : la fuite incontrôlée.
Toujours le corps nous parle.
Et puis, le microbiote :
ces êtres invisibles qui vivent et se nourrissent en nous.
Des millions d’ancêtres, des milliards de voix silencieuses
qui décident si nous vivrons dans la santé ou la douleur.
L’intestin est un vaisseau Argo,
et nous sommes ses Argonautes :
une communauté intérieure
naviguant entre courants et murmures,
un chant de cellules et de bactéries
qui tissent le cours de notre vie.
Et au fond, comme Jonas dans le ventre de la baleine,
restons un moment dans le silence,
pour digérer nos peurs,
jusqu’à renaître à la lumière,
vides et prêts à recommencer.
Chaque maladie naît ici,
car tout commence par absorber ou repousser.
C’est l’intestin qui décide
s’il faut accueillir la vie ou la maladie.
Honore ton instinct.
Assieds-toi dans son silence.
Reste là : c’est juste.
Remercie pour ce que tu as su retenir
et apprends à laisser partir ce qui ne t’est plus nécessaire.
Comme Héraclès nettoyant les écuries d’Augias,
laisse la rivière intérieure balayer l’ancien,
et ramène la lumière
là où régnaient le bruit et les ténèbres.
Trouve en lui la racine de la vie.
Prends-en soin, en toute confiance.
Être en bonne santé,
ce n’est pas se remplir comme s’il n’y avait pas de lendemain,
mais apprendre à choisir ce qui reste,
et ce qui s’en va.
Même en amour.