05/12/2025
LES PRINCIPALES PRATIQUES SEXUELLES ET DE LA SEXOLOGIE EN AFRIQUE DE L’EST
GÉNÉRALITÉS ET PAYS PAR PAYS
INTRODUCTION
La s*xualité et la s*xologie en Afrique de l'Est constituent un sujet complexe et multidimensionnel, touchant à la fois la santé, la culture, la religion, la tradition et l’évolution des sociétés contemporaines. La région englobe des pays tels que le Kenya, la Tanzanie, l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, l’Ethiopie, l’Erythrée, le Soudan du Sud, la Somalie, et Djibouti. Chacun possède ses spécificités, mais tous partagent certains traits marquants quant aux approches vis-à-vis de la s*xualité et de la s*xologie, à l’intersection de traditions ancestrales et des dynamiques de la modernité.
Dans ce développement, nous aborderons d’abord les grandes tendances communes en Afrique de l’Est, puis progressivement les particularités pays par pays, tout en abordant les influences des facteurs historiques, sociaux, religieux et économiques sur les pratiques s*xuelles et la perception de la s*xualité.
GÉNÉRALITÉS SUR LA SEXUALITÉ ET LA SEXOLOGIE EN AFRIQUE DE L’EST
La s*xualité en Afrique de l’Est se caractérise par une grande diversité de pratiques, souvent structurées par les traditions, la religion, l’éducation, et les politiques publiques. Dans de nombreux contextes, la s*xualité demeure un sujet tabou, ce qui rend la connaissance et la discussion autour de la s*xologie (étude scientifique de la s*xualité humaine) encore timide et sous-développée par rapport aux critères occidentaux.
La prévalence de certaines pratiques traditionnelles (mariages précoces, mutilations génitales féminines, rituels de fécondité, traduction du genre, etc.), l’évolution de la s*xualité urbaine face à la mondialisation et à l’urbanisation, ainsi que le rôle des maladies s*xuellement transmissibles (MST), particulièrement le VIH/Sida, constituent des éléments saillants du paysage s*xuel dans cette région.
Les dynamiques de genre et le rapport entre les s*xes affectent également la s*xualité : les questions de consentement, d’autonomie, de violence s*xuelle et d’éducation s*xuelle émergent avec force, dans un espace de négociation entre valeurs traditionnelles et évolutions légales.
PRINCIPALES PRATIQUES SEXUELLES EN AFRIQUE DE L’EST
1. Mariages précoces et mariages arrangés
Le mariage joue un rôle central dans la prescription des pratiques s*xuelles traditionnelles. Dans de vastes zones rurales, le mariage précoce, souvent dès l’adolescence, reste courant, favorisé par des considérations économiques (dot, alliances) et sociales (préservation de la virginité, contrôle de la fertilité féminine). Il n’est pas rare que des filles soient mariées dès l’âge de 12 ou 13 ans, ce qui a des conséquences sur leur développement physique, psychique et s*xuel.
2. Mutilations génitales féminines (MGF)
Pratique ancestrale persistante dans plusieurs communautés, notamment chez les Somali, Maasai, Oromo, Afar et d’autres populations, la MGF (ou excision) est souvent justifiée par des raisons culturelles (rite de passage, pureté, préparation au mariage). Néanmoins, de nombreux mouvements sociaux et gouvernementaux tentent d’éradiquer cette pratique néfaste pour la santé physique et psychologique des femmes.
3. Pratiques s*xuelles traditionnelles et rituels
Plusieurs communautés pratiquent des rites s*xuels de passage ou d’initiation (Bakaga en Ouganda, Luo au Kenya, etc.), incluant parfois l’instruction s*xuelle des jeunes par des ainé.e.s, des rites de fécondité et de purification, ainsi que des pratiques considérées comme renforçant l’unité conjugale (comme le kunyaza au Rwanda et au Burundi).
4. Multiplicité des partenaires et polygamie
La polygamie (le plus souvent polygynie) est encore répandue sous diverses formes, notamment dans des sociétés musulmanes ou traditionnelles. De plus, les relations s*xuelles extraconjugales, bien que souvent stigmatisées, sont courantes et sont parfois vues comme un signe de virilité pour les hommes.
5. Éducation s*xuelle et tabous
Traditionnellement, l’éducation s*xuelle formelle est rare. Les informations sont transmises de manière informelle, souvent par les pairs ou les ainé.e.s, alimentant des mythes et des incompréhensions. Le silence sur les thèmes du plaisir, du consentement ou de la diversité s*xuelle pèse sur la santé s*xuelle des jeunes et des femmes en particulier.
6. Homos*xualité et diversité s*xuelle
La s*xualité en dehors de l’hétéros*xualité classique (homos*xualité, bis*xualité, etc.) reste largement rejetée, criminalisée ou stigmatisée au sein des sociétés d’Afrique de l’Est, souvent en raison d’influences religieuses ou culturelles. Toutefois, des réseaux clandestins existent et quelques groupes militants gagnent en visibilité, surtout dans les grandes villes.
7. Modernisation, urbanisation et changements de pratiques
L’urbanisation a profondément changé les comportements s*xuels. L’accès à l’information via les médias, l’éducation, et la mobilité accrue, ont favorisé l’émergence de nouvelles attitudes envers la s*xualité : usage accru de la contraception, apparition de la s*xualité de loisir, multiplication des rencontres hors mariage, essor du commerce s*xuel urbain, affirmation des droits des femmes.
8. Problématiques de santé s*xuelle et reproductive
La lutte contre le VIH/Sida et les IST, la planification familiale, l’accès aux services de santé s*xuelle, restent des enjeux majeurs dans la région en raison de la forte prévalence des maladies et du manque d’accès aux services adaptés, notamment pour la jeunesse et les minorités.
PANORAMA PAYS PAR PAYS
KENYA
Au Kenya, la s*xualité demeure fortement influencée par les traditions ethniques (Kikuyu, Luo, Maasai, Luhya…) mais la modernité gagne du terrain, surtout à Nairobi et dans les autres grandes villes.
- Éducation s*xuelle : L’enseignement reste très limité, mais des campagnes visent à intégrer la santé reproductive dans les programmes scolaires, en réponse à l’épidémie de VIH/Sida et aux grossesses précoces.
- Mariages précoces : Pratique courante dans les zones rurales, mais de plus en plus contestée par la loi et les mouvements féministes.
- Polygamie : Toujours présente dans certaines communautés, mais moins répandue en milieu urbain.
- Homos*xualité : Criminalisée (pouvant aller jusqu’à 14 ans de prison), ce qui engendre une forte marginalisation des personnes LGBTQI+.
- MGF : Courante dans certaines régions, notamment chez les Somali et Maasai, mais en diminution globale grâce aux efforts de prévention.
- Commerce s*xuel : Présent, notamment dans les villes et sur la côte, lié au tourisme s*xuel, ce qui accroît les risques d’IST.
TANZANIE
En Tanzanie, la s*xualité est également très influencée par la religion (islam majoritaire à Zanzibar, christianisme sur le continent) et l’ethnie.
- Mariages précoces : La loi a récemment élevé l’âge légal du mariage à 18 ans, mais la tradition persiste.
- MGF : Moins fréquente sur le continent que sur la côte.
- Polygamie : Pratique légale reconnue dans le droit coutumier et islamique.
- Homos*xualité : Illégale et très stigmatisée, passible de peines sévères.
- Éducation s*xuelle : Timidement présente, avec des ONG actives dans la sensibilisation à la santé reproductive.
OUGANDA
L’Ouganda est caractérisé par une forte religiosité (églises évangéliques puissantes, catholicisme et islam).
- VIH/Sida : Le pays fut un modèle dans la lutte contre l’épidémie, grâce à la campagne « ABC » (Abstinence, Be Faithful, Condom Use).
- Lois anti-LGBT : Des lois très répressives ont été votées, allant jusqu’à la peine de mort dans certains cas de récidive.
- Mariages précoces et s*xuelles transactionnelles : Restent fréquents, affectant la santé et la scolarisation des filles.
- Pratiques traditionnelles : Rites d’initiation s*xuelle chez plusieurs groupes ethniques.
RWANDA
Le Rwanda a connu un virage modernisateur rapide depuis la fin du génocide, avec de profondes réformes sociales, éducatives et sanitaires :
- Kunyaza : Pratique s*xuelle traditionnelle visant à optimiser le plaisir féminin, populaire au Rwanda et au Burundi voisins.
- Statut des femmes : Le Rwanda a l’un des plus forts taux de participation féminine au parlement, ce qui se traduit par une politique volontariste en matière de droits des femmes.
- Éducation s*xuelle : Plus présente que dans les autres pays, soutenue par les politiques publiques de santé reproductive.
- Discrimination LGBTQI+ : Présente, bien que l’homos*xualité ne soit pas explicitement criminalisée.
BURUNDI
Le Burundi partage de nombreuses pratiques s*xuelles traditionnelles avec le Rwanda.
- Polygamie : Illégale mais persistante.
- Kunyaza : Commun aux deux pays.
- Mariages précoces : Encore courants dans les zones rurales.
- Santé s*xuelle : Accès difficile en raison de la précarité et de l’instabilité politique.
ETHIOPIE
En Ethiopie, la diversité ethnique (Oromo, Amhara, Tigré, Somali, Afar, etc.) et religieuse marque fortement les comportements s*xuels.
- Mariages précoces et infantilisés : Le pays affiche l’un des taux les plus élevés d’Afrique.
- MGF : Très répandue dans certaines communautés, notamment Afar et Somali.
- Polygamie : Pratiquée parmi les musulmans.
- Accès à la santé et à l’éducation s*xuelle : Limité, notamment en milieu rural.
- Homos*xualité : Sévèrement pénalisée.
ERYTHRÉE
Sortie de décennies de guerre, l’Érythrée reste marquée par un fort contrôle social et un accès restreint à l’éducation s*xuelle.
- MGF : Pratique courante mais en déclin, grâce à des campagnes gouvernementales.
- Mariages précoces : Encore répandus dans les campagnes.
- Santé reproductive : Accès médiocre, surtout dans les zones rurales et chez les populations déplacées.
SUD SOUDAN
Le plus jeune pays du monde subit les conséquences de la guerre civile, avec de très mauvaises conditions sanitaires et économiques, affectant profondément la s*xualité.
- Mariages précoces et forcés : Extrêmement fréquents, souvent pour des raisons économiques.
- Polygamie : Socialement et religieusement acceptée.
- Éducation s*xuelle : Presque totalement absente.
- MGF : Pratique localisée chez certaines ethnies.
SOMALIE
Pays très conservateur à majorité musulmane, la Somalie présente des facteurs limitants aggravants en matière de s*xologie.
- MGF : L’une des prévalences les plus élevées au monde (90-98% des femmes selon l’UNICEF).
- Mariages précoces : Très répandus.
- Homos*xualité : Totalement prohibée, parfois passible de la peine de mort selon la charia.
- Santé s*xuelle : Fragilisée par la guerre et le sous-développement économique.
DJIBOUTI
Petit pays de la Corne de l’Afrique, Djibouti est marqué par la coexistence d’influences éthiopiennes, somaliennes et arabes.
- MGF : Également très pratiquée, bien que des campagnes de sensibilisation soient menées.
- Mariages précoces : Persistent malgré la législation.
- Polygamie : Acceptée dans la loi islamique.
- Santé s*xuelle : Accès en amélioration grâce à des politiques de santé maternelle.
FACTEURS TRANSVERSAUX ET ENJEUX CONTEMPORAINS
VIH/SIDA ET AUTRES IST
L’Afrique de l’Est a été lourdement touchée par l’épidémie de VIH/Sida à partir des années 1980-90. Grâce à d’importants efforts de prévention, à l’accès progressif aux traitements et à l’éducation, des progrès notables ont été réalisés. Toutefois, la stigmatisation des personnes infectées demeure tenace, et l’accès aux services adaptés reste inégal, pénalisant les jeunes, les femmes et les minorités s*xuelles.
RÔLE DES RELIGIONS
Le christianisme (catholicisme, protestantisme), l’islam et les religions traditionnelles conservent une forte influence. Elles prônent la chasteté avant le mariage, condamnent l’homos*xualité, interdisent l’adultère, voire la contraception. La politisation de la religion et l’essor des mouvements évangéliques renforcent parfois le conservatisme s*xuel.
ÉMERGENCE DE LA SEXOLOGIE
La discipline de la s*xologie, entendue comme l’étude scientifique et l’accompagnement des individus autour de la s*xualité, reste peu développée en Afrique de l’Est. Les tabous culturels, le manque de formation et de spécialistes, et le poids des normes morales limitent l’offre. Cependant, des ONG internationales, quelques initiatives universitaires (notamment à Nairobi, Kampala, Addis Ababa…) travaillent à former des professionnels à la santé s*xuelle et à la prise en charge des questions s*xologiques (dysfonctions, violences s*xuelles, s*xualité des personnes handicapées…).
EDUCATION SEXUELLE ET PRÉVENTION
La demande pour une éducation s*xuelle respectant les réalités locales, intégrant la question du consentement, du respect de l’autre, de la diversité, est croissante, surtout auprès des jeunes générations. Les gouvernements et ONG rencontrent toutefois des résistances, notamment de la part des leaders religieux et coutumiers.
VIOLENCES SEXUELLES
Les violences s*xuelles (viols, harcèlement, mutilations, mariages et grossesses forcées) restent un problème majeur, peu dénoncé en raison du tabou, de la honte, et de la crainte des représailles, mais font l’objet d’une prise de conscience croissante, notamment via les réseaux sociaux et la mobilisation d’organismes de défense des droits humains.
DROITS DES FEMMES ET DYNAMIQUE DE GENRE
Les inégalités de genre influencent profondément la s*xualité, surtout le contrôle du corps et le choix reproductive des femmes. Les mouvements féministes, bien que variés selon les pays, portent la question de la s*xualité autonome, du plaisir, de la contraception et de l’éducation.
URBANISATION ET MUTATIONS SOCIALES
Le développement des centres urbains s’accompagne d’évolutions majeures : recul relatif du mariage précoce, augmentation de l’âge au premier rapport s*xuel, diversification des unions et des pratiques, et émergence d’une s*xualité plus « choisie » et moins prescrite par la tradition, surtout chez les jeunes générations.
NOUVELLES TECHNOLOGIES ET RÉSEAUX SOCIAUX
L’accès aux smartphones, à internet et aux réseaux sociaux a favorisé l’échange d’informations sur la s*xualité, l’apparition de groupes de soutien pour les minorités s*xuelles, et parfois la propagation de contenus pornographiques. Ceci génère de nouveaux débats sur la régulation, la diffusion des valeurs et l’adaptation des systèmes éducatifs.
SPÉCIFICITÉS CULTURELLES NOTABLES
Certaines pratiques témoignant de la richesse et de la diversité culturelle ont retenu l’attention :
- Kunyaza (Rwanda, Burundi) : Technique s*xuelle axée sur la stimulation du plaisir féminin, remise en valeur comme symbole d’émancipation s*xuelle et d’affirmation du respect du plaisir de la femme.
- Rites d’initiation (circumcision masculine et féminine, apprentissage s*xuel auprès d’ainé.e.s) : Pratiqués dans nombre d’ethnies, ils marquent le passage à l’âge adulte.
- Amour transactionnel : Systèmes d’échanges économiques et matériels contre des faveurs s*xuelles, courant parmi les jeunes et les étudiants en contexte urbain.
CHALLENGES ET PERSPECTIVES
La région fait face à de nombreux défis, mais aussi à des opportunités :
- Renforcement des droits et de l’autonomie s*xuelle des femmes.
- Lutte contre les discriminations envers les minorités s*xuelles.
- Accès équitable à une santé s*xuelle et reproductive de qualité.
- Modernisation des lois et pratiques s*xologiques, adaptées aux nouveaux enjeux (cybers*xualité, consentement, changement des modèles familiaux).
- Consolidation de l’éducation s*xuelle adaptée au contexte culturel, en dialoguant avec les acteurs traditionnels et religieux.
CONCLUSION
La s*xualité et la s*xologie en Afrique de l’Est constituent un champ en mutation rapide, témoin de la tension entre héritages anciens et défis modernes. L’évolution vers une plus grande autonomie, une reconnaissance de tous les droits s*xuels et reproductifs, ainsi qu’une meilleure prise en compte du plaisir et du consentement, dépend de la capacité des sociétés à dialoguer, à s’ouvrir à la connaissance et à inclure tous les acteurs concernés, notamment les femmes et les jeunes.
Les enjeux de la santé publique, de l’éducation, des droits humains, et de la culture dialoguent au cœur de ces pratiques, pour inventer des s*xualités africaines du 21e siècle, respectueuses des diversité et de la dignité de chacun.
SOURCES
1. UNICEF (2022). State of the World's Children.
2. Human Rights Watch (2022). World Report 2022: Events of 2021.
3. UNAIDS (2022). Global AIDS Update.
4. African Population and Health Research Center (2020). Sexual & Reproductive Health in East Africa.
5. Bagnol, B., & Mariano, E. (2012). Sexuality, African Religions and the Practice of Kunyaza: Cultures and Societies, African Studies Review.