19/09/2025
Il y a 212 ans exactement, le 19 septembre 1813, à 4 heures du matin, mourait dans d'atroces souffrances à Houécourt (88), Pierre LESCURE, 33 ans, né à Rilhac-Xaintrie en Corrèze, fils de Pierre LESCURE. De son état, il était marchand chaudronnier, c'est-à-dire qu'il vendait ses casseroles en fer et en fonte, de villages en villages.
Ce malheureux a eu la disgrâce de croiser la route de mon cousin François GADAULT (1784 - 1824), maréchal-ferrant, et de son comparse Léopold GEOFFROY (1775 - 1850), manœuvre. C'était le 29 juin 1813, pourtant jour de fête à Saint-Menge (88) puisque la paroisse célébrait la Saint-Pierre.
Les hommes refaisaient le monde et s’enivraient au cabaret d'Antoine BUSQUE à Saint-Menge. Pierre était attablé non loin de Léopold et de François, quand ce dernier a commencé à l'invectiver d'injures grossières sous prétexte qu'il lui tournait le dos. Préférant la prudence, Pierre a dans un premier temps ignoré la situation jusqu'à ce que François le saisisse au collet, l'obligeant à se battre. Pierre l'a alors repoussé vers la fenêtre du troquet dont un carreau fut cassé. Lui-même tombé au sol, Pierre s'est relevé et a quitté le cabaret afin d'éviter une longue rixe.
Pris de fureur, probablement car le propriétaire du cabaret leur avait demandé de rembourser le carreau cassé, François et Léopold sont partis à la poursuite de Pierre avec l'idée de lui faire payer la vitre. François a été le premier à l'atteindre sur le chemin menant à Belmont {chemin de Bouzey, cf. plan}, et un voisin Charles COLLOT, témoin de la scène lui a demandé de le lâcher. Ce qu'il fit. Mais Léopold est alors arrivé, et a commencé à battre le malheureux avec un "bâton ferré". François s'est joint à son comparse et les deux hommes ont violemment battu Pierre à coups de pierre et de poings, et l'ont piétiné jusqu'à le laisser baignant dans son sang.
Recueilli très mal en point par des voisins, Pierre a été transporté à Gemmelaincourt (88) chez un maître chirurgien, où il est resté deux semaines. Se rendant probablement compte de la grave situation dans laquelle ils s'étaient mis et surtout pour arrêter le cours de la Justice, François et Léopold se sont rendus à son chevet. Mon cousin lui a proposé un arrangement verbal : il proposa de souscrire au profit de Pierre une obligation de 172 francs payables en novembre 1813.
Le blessé quitta Gemmelaincourt, contre l'avis du médecin, pour reprendre ses activités. Partout où il passait, il se plaignait de sa santé, accusant François et Pierre de son état. Début septembre 1813, à bout de force, il arriva à Houécourt, et c'est là qu'après avoir souffert le martyre, il expira le 19 septembre chez l'aubergiste COLLIN où il logeait.
La Justice s'est saisie de l'affaire. François et Léopold ont été arrêtés, les témoins (nombreux) ont été entendu et la Cour impériale de Nancy a qualifié les faits et renvoyé les prévenus devant la Cour d'Assises des Vosges siégeant à Épinal. Cette dernière a rendu son arrêt le 8 décembre 1813, reconnaissant les "violences et excès avec préméditation dont ont résulté des blessures et maladie avec incapacité de travail personnel pendant plus de 20 jours" sur la personne de Pierre LESCURE, entraînant sa mort.
François GADAULT et Léopold GEOFFROY ont donc été condamnés à 5 ans d'emprisonnement chacun. Sur le chemin les menant à la prison, ils ont été exposés sur la place des Vosges d'Épinal pendant une heure, avec un grand écriteau au dessus de leurs têtes sur lequel était écrit leurs noms, adresses, méfaits et condamnation.
Des exemples à ne pas suivre, en somme...
François GADAULT, né à Gironcourt-sur-Vraine le 22 février 1784, est mort en 1824, chez lui à Saint-Menge, rue Basse. Dans les registres et pour l'état civil, alors qu'il était incarcéré dans une geôle spinalienne, il est désigné comme étant le père d'un fils unique, Claude Nicolas, né le 22 mai 1815 de son épouse Thérèse LEBLANC...
Léopold GEOFFROY est mort chez lui aussi, à Saint-Menge, en 1850.
Je suis certainement la seule aujourd'hui à avoir une pensée pour ce pauvre Pierre LESCURE, mort loin de chez lui, victime oubliée de la folie furieuse de deux de ses contemporains... dont l'un est mon cousin.
(ou pas !!)
Sources :
Archives départementales des Vosges :
- Dossier d'accusation 2U158 et arrêt de la Cour d'Assises des Vosges 8 décembre 1813 2U84
- Décès de François Antoine GADAULT le 29 mai 184 à Saint-Menge (88) et de Léopold GEOFFROY le 22 mai 1850 à Saint-Menge (88)
- Décès de Pierre LESCURE le 19 septembre 1813 à Houécourt (88)
- Cadastre de Saint-Menge (88) 1834 https://recherche-archives.vosges.fr/ark:/50275/487969.1096834/img:FRAD088_3NUM3_88427_3P5367_1
Archives Départementales de la Corrèze
- Baptême de Pierre LESCURE le 26 mars 1778 à Rilhac-Xaintrie (19)