14/11/2025
𝑱’𝒚 𝒂𝒊 𝒎𝒊𝒔 𝒎𝒆𝒔 𝒕𝒓𝒊𝒑𝒆𝒔, 𝒎𝒐𝒏 𝒉𝒖𝒎𝒂𝒏𝒊𝒕𝒆́, 𝒎𝒐𝒏 𝒆𝒙𝒑𝒆́𝒓𝒊𝒆𝒏𝒄𝒆 𝒄𝒍𝒊𝒏𝒊𝒒𝒖𝒆 𝒆𝒕 𝒍𝒆𝒔 𝒎𝒊𝒍𝒍𝒊𝒆𝒓𝒔 𝒅𝒆 𝒓𝒆𝒏𝒄𝒐𝒏𝒕𝒓𝒆𝒔 𝒒𝒖𝒊 𝒎’𝒐𝒏𝒕 𝒇𝒂𝒄̧𝒐𝒏𝒏𝒆́𝒆, 𝒕𝒐𝒖𝒕 𝒔𝒊𝒎𝒑𝒍𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕…
Le corps sous invisibilisation…
Ça tue presque.
Pas assez, peut-être heureusement, pour en mourir directement.
C’est long. Ça use infiniment.
C’est porter des blessures que personne ne reconnaît comme béantes, ouvertes, encore en train de saigner au moment même où l’on parle.
Le corps se rétracte, se tait et se dissocie souvent :
le ventre serré, le plexus solaire en feu, les larmes retenues derrière les paupières, sur des yeux trop secs.
Dans le silence, la voix s’étouffe.
Sans autre témoin que soi-même.
La solitude au creux de la gorge serrée, la trahison dans le cœur, avec cette impression d’être transparent·e au regard de l’autre.
La respiration ? Quelle respiration ?
Celle, suspendue, d’un être qui survit malgré lui et qui se débat,
non seulement avec l’effacement de son état,
mais aussi avec les souffrances déjà existantes.
Ce n’est pas un choix personnel.
On peut parfois choisir l’invisibilité pour cacher sa vulnérabilité,
pour échapper aux mots trop souvent fades ou maladroits des autres.
Un choix de survie et/ou de pudeur, dans des traversées de territoires compliqués.
L’invisibilisation, elle, est imposée par les systèmes,
les groupes, les relations.
C’est une action subie.
C’est l’extérieur qui efface, pas l’intérieur qui choisit.
C’est être réduit·e au silence.
Encore et encore.
Le corps sait.
Il hurle en silence.
Il tremble de toutes ses forces.
Le monde, lui, nie — maladroitement, le plus souvent.
Il n’y a plus aucun écho renvoyé :
uniquement celui d’un cœur lassé de ne pas être reconnu, vu, autorisé à lâcher ses défenses.
Cette dissonance crée une douleur sourde, une perte d’ancrage, une confusion :
« Suis-je f***e / fou ? »,
« Suis-je trop ? »,
« Pas assez ? »,
« Est-ce que j’exagère ? ».
Alors, que reste-t-il, à part la honte,
la culpabilité,
la charge
et le poids du vécu, tous mélangés ?
Indissociables.
Cocktail brutal, servi sans délit.
À part celui de porter en soi, sur soi,
les marques d’un passif que personne ne voit ni ne renvoie.
Un deuil.
Une séparation.
Une trahison.
Un renvoi.
Une violence.
Une impossibilité.
Une mort.
Une maladie.
Un handicap.
Une particularité.
Expériences sans hiérarchie aucune,
souvent subies sans avoir son mot à dire.
Personne, ni rien, n’est épargné,
au nom d’une collectivité qui n’a souvent pas appris
les mots à dire,
le regard à poser,
l’attention à donner
devant l’indicible, l’inaudible, l’inavouable.
À nous : humanité douloureuse,
parfois dépourvue d’humanisme,
capable du meilleur comme du pire.
Nous pouvons sortir de l’invisibilisation.
Ça commence par un rien, qui fait tout.
« Je suis désolé·e, je ne sais pas / plus quoi dire. »
« J’aimerais savoir comment tu traverses ce que tu vis, si tu en as envie. »
« Que s’est-il passé pour toi ? Je ne sais pas, mais je suis là. »
« Tu n’es pas seul·e. Je veille sur toi. De loin ou de près. »
Et si ça commençait par ça ?…
- Marie Boelaerts