08/12/2025
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Sep 6, 2025 | ACTUALITES, Santé, Thémes | 0 commentaires
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Quand la médecine des chiffres oublie la physiologie humaine
Alors que la médecine conventionnelle s’appuie souvent sur des paramètres biologiques standardisés pour guider les traitements, la médecine fonctionnelle propose une approche complémentaire qui s’intéresse aux mécanismes physiologiques individuels. Cette démarche avait déjà été illustrée de manière éclairante dans le cas de Xavier, ce jeune médecin dont les troubles fonctionnels persistants révélaient une dysbiose intestinale malgré des bilans apparemment normaux. Son histoire, relatée dans notre précédent article, montrait l’importance d’une investigation approfondie.
Aujourd’hui, nous nous penchons sur une autre situation clinique fréquente : celle des patients thyroïdectomisés (partiellement ou complètement) qui, malgré un traitement apparemment bien conduit, présentent des désordres persistants. Le Dr Georges Mouton, médecin fonctionnel expérimenté, propose dans cet article, l’analyse subtile d’un nouveau cas pratique. Sans remettre en cause les approches conventionnelles, il invite à élargir notre regard.
► Le cas de Robert : des chiffres rassurants mais un patient en difficulté
Le Dr Mouton nous parle ici du cas de Robert, trader de profession et originaire du nord de l’Afrique. Il vit dans le nord de l’Europe et a eu une ablation complète de la thyroïde il y a quelques années. Pendant plusieurs mois, il a été traité exclusivement à base de pro-hormone T4 et en a été relativement satisfait. Son endocrinologue lui avait prescrit une dose de T4 qui était proche du maximum de la plage de référence, avec une TSH écrasée et un niveau de T3 libre proche de l’extrémité basse de la plage de référence.
Robert prenait régulièrement des vacances hivernales dans l’hémisphère sud, dans des climats de type tropicaux. C’est lors de l’un de ces voyages qu’il a été admis aux urgences, où les médecins, à l’appui des résultats d’une prise de sang, ont découvert une thyrotoxicité. Ces derniers lui ont demandé d’arrêter immédiatement son traitement à base de T4. Comme dans le précédent cas de Xavier, un décalage apparaissait ici entre des résultats biologiques conformes aux attentes et une symptomatologie clinique suggérant un déséquilibre sous-jacent. La médecine fonctionnelle propose de ne pas négliger cet écart, mais d’y voir une piste pour affiner la prise en charge.
► La T3, une hormone active à ne pas négliger
On sait que la thyroïde produit naturellement à la fois de la pro-hormone T4 et une proportion non négligeable de T3, laquelle représente la forme biologiquement active de l’hormone. Pour mémoire, la fonction thyroïdienne produit 80 à 90 % de pro-hormone T4 et 10 à 20 % de T3. Après une ablation complète de la glande, cette source endogène de T3 disparaît, et l’organisme doit compenser en convertissant la T4 exogène en T3.
De façon générale, les endocrinologues et les médecins généralistes prescrivent des doses de T4 assez élevée suggérant une production de T3 suffisante, ne prescrivant généralement pas de T3. Or, cette conversion dépend de nombreux facteurs individuels – facteur génétique, statut nutritionnel, stress, fonction hépatique, âge – et peut s’avérer insuffisante chez certains patients. Le Dr Mouton cite une étude récente (Phan et al., 2025) qui met en évidence une baisse significative de la T3 libre chez les patients athyréotiques (absence de thyroïde) sous lévothyroxine seule, ainsi qu’une altération du ratio T4/T3, pourtant considéré par certains spécialistes comme un indicateur pertinent du statut thyroïdien réel. Ces perturbations biologiques peuvent s’accompagner de conséquences cliniques telles qu’un ralentissement métabolique, une prise de poids, une dyslipidémie (désordre métabolique des lipides) ou une asthénie (fatigue) profonde.
► Une approche personnalisée intégrant la T3
Sans jamais proposer de protocole standardisé (dont il ne veut pas entendre parler !), le Dr Mouton suggère que, pour certains patients, l’ajout de la forme active de l’hormone (T3 ou liothyronine) au traitement par lévothyroxine (T4) peut permettre de restaurer une hormonologie plus proche de la physiologie naturelle.
Cette approche personnalisée repose sur une réévaluation fine du traitement, incluant souvent une légère réduction de la dose de T4 et l’administration de T3 en plusieurs prises quotidiennes pour mimer au mieux la sécrétion naturelle. Le suivi ne se limite pas alors au seul dosage de la TSH : il intègre le monitoring des pro-hormones T4 et hormones T3 libres, dosées à des moments précis, et une écoute attentive de l’évolution des symptômes rapportés par le patient.
► Précautions et limites : revenons au cas de Robert
Le Dr Mouton souligne que la supplémentation en T3 n’est pas sans risque. Si un génotype DIO2 dit « ancestral » (fréquent chez près de 15 % de la population) est identifié, ceci peut expliquer en partie une faible capacité à convertir la T4 en T3. Par ailleurs, des déficits en cofacteurs essentiels (sélénium, zinc, fer) sont souvent présents et peuvent majorer ce phénomène.
Il note également que les limites supérieures des plages de références des laboratoires pour la T3 libre sont souvent trop élevées. Il préconise de viser une valeur cible se situant dans le percentile 90 des intervalles de référence, soit environ 10 % en dessous de la limite supérieure, pour éviter tout signe d’hyperthyroïdie infraclinique. Enfin, le Dr Mouton met en garde contre les seuls traitements combinés fixes, comme l’Euthyral® (ratio T4/T3 de 5:1) ou le Novothyral® (ratio T4/T3 de 10:1), car leur ratio ne correspond pas au ratio physiologique humain (ratio moyen T4/T3 de 15:1), ce qui peut causer des symptômes cardiaques.
► Une complémentarité plutôt qu’une opposition
Si cette approche n’est pas encore largement intégrée dans les recommandations officielles, le Dr Mouton insiste sur le fait qu’elle ne vise pas à s’y substituer, mais à offrir une option complémentaire pour les patients qui restent symptomatiques sous traitement standard.
Les réticences initiales s’expliquent souvent par le manque d’études standardisées ou la crainte d’effets indésirables cardiaques, mais une mise en œuvre prudente et individualisée permet généralement d’éviter ces écueils.
L’étude de Phan et al. (2025) va dans ce sens en soulignant que la monothérapie par T4 ne permet pas toujours de restaurer intégralement le statut thyroïdien chez les patients sans thyroïde. Il ne s’agit donc pas de rejeter les pratiques conventionnelles, mais de les enrichir par une attention accrue à la physiologie individuelle.
► Conclusion : élargir le champ des possibles pour mieux accompagner
Comme le montrait le cas de Xavier à travers le prisme de la dysbiose intestinale, le cas de Robert illustre la nécessité d’une médecine qui sait jongler entre standards biologiques et réalités physiologiques individuelles. La médecine fonctionnelle ne prétend pas détenir une vérité unique, mais propose des pistes supplémentaires pour comprendre et prendre en charge des situations cliniques complexes.
Et si, derrière une fatigue persistante ou une prise de poids inexpliquée malgré un traitement thyroïdien apparemment bien conduit, se cachait une simple question d’équilibre hormonal à reconsidérer ? Et si, comme Xavier avec son microbiote, certains patients avaient simplement besoin qu’on écoute un peu plus loin que les chiffres ?
Pour aller plus loin :
Article précédent : Cas pratique de médecine fonctionnelle : le cas Xavier
Étude Phan et al. (2025) Front. Endocrinol. 16:1522753
Auteur et rédacteur : Dr Georges Mouton
Site web : http://www.gmouton.com
Courriel : contact@gmouton.com
Chaîne Youtube : https://www.youtube.com/user/georgesmouton
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Publication : Éric Klein
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