12/06/2025
6 décembre
Celles qui ne font pas les manchettes
Avertissement : Ce texte parle de violence faites aux femmes, de violence conjugale post-séparation et du drame de Polytechnique.
Avertissement 2 : Ce texte est écrit au féminin par respect du fait que plus de 98% de nos dossiers en violence conjugale, sont des violences faites aux femmes. Nous sommes conscients que la violence conjugale touche tous les genres et orientations. Mais cela n’est pas le sujet de notre texte d’aujourd’hui.
J’ai écrit ce texte en collaboration avec Pierre, propriétaire de la clinique et intervenant IVAC.
Au Québec, c’est une journée qui pèse dans le cœur le 6 décembre. Une journée où on se souvient de quatorze femmes, mortes simplement parce qu’elles étaient des femmes. Des étudiantes, des filles, des sœurs, des amies. Et chaque année, je me dis que se souvenir, c’est pas assez si on continue de ne pas voir.
Parce que la violence faite aux femmes, elle ne porte pas toujours de bleus. Elle ne hurle pas toujours dans les journaux. Souvent, elle se glisse en silence dans les corridors de nos bureaux, entre deux rapports, dans des histoires de couples séparés où tout le monde prétend vouloir le bien des enfants. P*s toi, t’es intervenant. T’es assis dans ton bureau, devant un dossier. D’un côté, une mère qui dit avoir subi de la violence conjugale. De l’autre, un père qui nie tout. Pas de preuve. Pas de marque. Juste un malaise, un ton, un doute qui s’installe. T’écoutes. Tu prends des notes. Tu veux comprendre. P*s t’as peur de te tromper.
Parce que le système, il est fait pour les preuves, pas pour les intuitions. Mais t’sais quoi. Des indices, il y en a plein. Des petits signes qui racontent tout, mais qu’on n’entend pas parce qu’on regarde ailleurs. Des comportements qui passent sous le radar parce qu’ils n’ont pas de nom sur les formulaires. Des pères qui utilisent les tribunaux comme arme, qui multiplient les procédures jusqu’à épuiser la victime financièrement et émotionnellement. Des hommes qui refusent que leurs enfants voient un psychologue sous prétexte qu’ils vont bien avec eux et que c'est la mère la f***e.
Des mères qu’on qualifie d’aliénantes parce qu’elles tentent de protéger leurs enfants d’un climat toxique. Des menaces murmurées dans une oreille d’enfant, des jouets mystérieusement perdus, des textos pleins de miel et de poison. P*s des femmes qui, à force de se battre pour être crues, finissent par être accusées d’être trop anxieuses, trop émotives, trop tout.
Ces histoires-là, on les croise tous les jours dans notre clinique. Des mamans qui ne dorment plus, qui se battent pour la garde, pour leur santé mentale, pour leur crédibilité.
Des mamans qui ont déjà survécu à la violence conjugale, mais qui se font maintenant broyer par la violence post séparation. Une violence sans gifle, mais souvent plus destructrice. Une violence qui manipule, qui ment, qui use le système à son avantage.
Une violence qui transforme les tribunaux en champ de bataille, p*s les enfants en otages d’un pouvoir qui ne dit pas son nom. P*s le pire, c’est que le système, trop souvent, ne la voit pas. Parce qu’on appelle ça un conflit de séparation. Parce que ça entre mal dans les cases. Parce que même des professionnels, bienveillants, manquent d’outils pour la reconnaître.
Mais cette violence-là, elle existe. Elle est réelle. Elle se glisse dans les décisions parentales imposées, dans des accusations d’aliénation parentale, dans les refus de payer pour les soins, dans le harcèlement virtuel, dans l’intimidation des intervenants, dans le contrôle de l’argent, de l’école, dans les reproches voilées, l’incapacité à se remettre en question, dans le silence imposé aux enfants, dans le contrôle de toutes les décisions.
Cette violence, elle use, mères et enfants. Elle divise. Elle détruit. P*s souvent, ces femmes-là finissent par perdre bien plus qu’une bataille judiciaire. Elles perdent leur santé. Leur confiance. Parfois même leurs enfants. Parce que leur peur, leur vigilance, leur fatigue deviennent des preuves contre elles.
Mais la vérité, c’est que ces femmes-là, elles ne sont pas fragiles. Elles sont fortes. Elles survivent à l’invisible. Elles se relèvent dans un monde qui ne veut pas toujours les croire. Et elles continuent, chaque jour, d’essayer de protéger ceux qu’elles aiment, même quand le système les condamne à le faire seules.
Alors aujourd’hui, on se souvient. Des quatorze femmes de Polytechnique, mais aussi de toutes celles qui, depuis, portent encore la peur dans leurs os, la peur du bourreau, mais aussi du système. Même la peur des intervenants.
Aujourd’hui, on se souvient de celles qu’on n’a pas entendues, de celles qu’on a jugées, de celles qu’on a laissées tomber entre les mailles d’un système aveugle. P*s on se rappelle que notre rôle, comme intervenants, ce n’est pas juste de cocher des cases. C’est d’apprendre à voir ce qui se cache derrière le mot conflit. C’est de tendre l’oreille quand la voix tremble, même si les faits, eux, ne crient pas encore.
Parce que se souvenir, c’est pas assez. Il faut aussi agir. Former. Comprendre. Reconnaître. La violence post séparation existe, même quand elle ne laisse pas de marque. P*s chaque fois qu’on choisit de la nommer, on redonne un peu d’air à une femme qui étouffe en silence.
Aujourd’hui, on pense à elles. À celles qui ne reviendront pas. À celles qu’on doit continuer de protéger. À celles qui n’ont pas été tuées, mais qui sont mortes par en dedans. Celles qui ne font pas les manchettes. Et à tous ceux et celles qui, dans l’ombre, se battent pour que la peur ne soit plus un héritage.
Et si ton travail est d’intervenir en contexte de conflit de séparation, on t’invite à aller te former en violence conjugale post-séparation.
Et si tu vis de la violence conjugale post-séparation, contacte-nous!