12/05/2025
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L’enquête percutante de Julie Marceau met en lumière une dérive inquiétante dans nos services éducatifs à l’enfance : le nombre de personnes non qualifiées a presque triplé en 4 ans. Pendant ce temps, le ministère continue d’affirmer que la proportion de personnel qualifié resterait « stable » autour de 67%. Ce chiffre, présenté comme rassurant, mérite qu’on s’y attarde sérieusement.
Cette «stabilité» repose pourtant sur une donnée difficile à interpréter pour le public. Dans ses documents officiels, le ministère ne distingue jamais clairement les personnes éducatrices pleinement qualifiées de celles reconnues comme «temporairement qualifiées» (voir lien en commentaire, p., 4 et 5). Sans ventilation par type de qualification, il devient impossible de savoir ce que ce 67% recouvre exactement. Combien de ces personnes détiennent une formation complète en petite enfance, et combien ont obtenu une reconnaissance temporaire en raison de la pénurie?
Il faut aussi souligner la rigueur du travail journalistique qui documente cette crise. Il y a un an, un reportage de Thomas Gerbet montrait qu’en moyenne une dizaine de personnes éducatrices quittaient le réseau chaque jour. Aujourd’hui, les données 2024-2025 reprises par Julie Marceau font état 9 087 départs / 365 ≈ 25 départs par jour. Quand, à un an d’intervalle, 2 enquêtes appuyées sur les chiffres officiels montrent une détérioration aussi rapide, une question s’impose : est-ce que quelqu’un, au gouvernement, va finir par allumer?
Derrière ce flou statistique, c’est une réalité plus préoccupante qui se dessine : la perte accélérée de personnel qualifié. Notre réseau ressemble de plus en plus à un seau percé. On multiplie les annonces de nouvelles places, mais on laisse partir les éducatrices formées qui en assurent la qualité. La pénurie actuelle ne peut pas être traitée comme une fatalité. Elle est le symptôme d’un désengagement structurel. On persiste à croire que l’on peut bâtir un réseau sur le seul dévouement des personnes éducatrices, sans leur offrir les conditions de travail, la reconnaissance professionnelle et les salaires qu’exige cette mission.
Pour nous, l’équation est simple, mais incontournable : 𝐪𝐮𝐚𝐥𝐢𝐭𝐞́ 𝐞́𝐝𝐮𝐜𝐚𝐭𝐢𝐯𝐞 = 𝐟𝐨𝐫𝐦𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐬𝐩𝐞́𝐜𝐢𝐚𝐥𝐢𝐬𝐞́𝐞 𝐞𝐧 𝐞́𝐝𝐮𝐜𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐚̀ 𝐥𝐚 𝐩𝐞𝐭𝐢𝐭𝐞 𝐞𝐧𝐟𝐚𝐧𝐜𝐞 + 𝐜𝐨𝐧𝐝𝐢𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐝𝐞 𝐭𝐫𝐚𝐯𝐚𝐢𝐥 𝐪𝐮𝐢 𝐫𝐞𝐧𝐝𝐞𝐧𝐭 𝐜𝐞𝐭𝐭𝐞 𝐪𝐮𝐚𝐥𝐢𝐭𝐞́ 𝐩𝐨𝐬𝐬𝐢𝐛𝐥𝐞.
La petite enfance n’est pas un secteur accessoire. Elle pose les fondations du développement cognitif, affectif et social des enfants. Multiplier les places sans garantir la présence des personnes éducatrices qualifiées, c’est sacrifier la qualité au profit du quantitatif.
À l’attention du gouvernement : les tout-petits aussi ont des droits. Les articles 28 et 29 de la Convention relative aux droits de l’enfant reconnaissent le droit de chaque enfant à l’éducation et exigent que cette éducation vise le plein développement de sa personnalité, de ses talents et de ses capacités. Tel qu’interprété par le Comité des droits de l’enfant, il s’agit d’un droit à une éducation de bonne qualité, qui suppose notamment un environnement d’apprentissage par du personnel qualifié et soutenu.