11/20/2025
La révolution peut commencer dans nos bureaux
Soutenir les femmes et les enfants dans un monde qui minimise leur souffrance
On imagine souvent la révolution comme une foule dans la rue, des pancartes et des slogans. Pourtant, il existe une autre forme de changement, plus discrète mais tout aussi puissante : celle qui se produit dans le calme d’un bureau de consultation.
Comme thérapeutes, nous accueillons des femmes et des enfants dont la voix a été étouffée, déformée ou ridiculisée. Souvent, nous sommes les premiers témoins à les écouter sans les faire douter d’elles-mêmes. Et c’est là que peut commencer une transformation profonde : redonner du sens, du pouvoir et de la dignité à ceux qu’on a appris à faire taire.
Nommer ce que la culture normalise
La neutralité thérapeutique, lorsqu’elle rencontre la violence, devient parfois une forme de silence.
Ce que certaines appellent « impulsivité », « tension », ou « disputes », est souvent du contrôle, de la coercition, de la violence post-séparation. Nommer ces réalités ne veut pas dire « prendre parti » : c’est simplement dire la vérité.
Comprendre les réponses traumatiques
Pour soutenir réellement les survivantes, il faut connaître les réponses traumatiques.
Le freeze, le fawn, la dissociation et l’hypervigilance ne sont pas des faiblesses : ce sont des stratégies de survie.
Quand on ne les comprend pas, on risque de blâmer la victime plutôt que de voir ce dont elle se protège.
Croire les femmes. Croire les enfants.
Dans un monde où on doute constamment des femmes et où on exige des enfants qu’ils protègent les adultes, croire la personne devant nous est un acte politique.
Croire ne veut pas dire « tout prendre au pied de la lettre » : cela veut dire reconnaître que leur vécu mérite d’être entendu avec sérieux, respect et prudence.
Créer un espace où la vérité ne sera pas punie
Pour qu’une femme ou un enfant parle, il faut qu’ils sentent que leurs mots ne seront pas retournés contre eux. Une question posée doucement, un silence sécurisant, une reformulation qui redonne de la dignité peuvent changer le cours d’une histoire.
Sortir de la neutralité confortable
Dans une relation inégale, la neutralité protège le plus fort.
Notre rôle n’est pas de sauver un couple, mais de soutenir la personne vulnérable, d’offrir de la clarté et de la sécurité. Être thérapeute féministe, ce n’est pas imposer une direction; c’est éclairer le chemin pour que la personne retrouve son propre pouvoir.
Une révolution douce, mais déterminante
Chaque fois que nous croyons une femme, que nous accueillons la parole d’un enfant, que nous nommons la violence ou que nous reconnaissons une réponse traumatique comme une stratégie de survie, nous faisons bouger quelque chose de profond.
Ce ne sont pas des gestes spectaculaires.
Ce sont des gestes de résistance douce.
Nous n’avons pas besoin de pancartes pour changer le monde.
Nous avons besoin de clarté, de courage, et d’une écoute qui ne se laisse pas instrumentaliser.
La révolution peut être lente, silencieuse, intérieure.
Et elle peut commencer, chaque jour, dans nos bureaux.