11/28/2025
Une réflexion sur la situation que nous vivons collectivement.
À lire absolument! Merci Mme Marceau.
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MONTRÉAL : À QUEL MOMENT AVONS-NOUS DÉCIDÉ QU'UNE TENTE IMPROVISÉE DÉRANGEAIT PLUS QUE L'INJUSTICE QUI L'A RENDUE NÉCESSAIRE?
Je reviens de quatre jours à Montréal pour le travail. J’aime cette ville. J’y ai habité pendant des années avant de revenir vivre à Québec, ma ville natale, pour un beau mandat à la télévision nationale.
Mais sur le chemin du retour, ce ne sont pas les gratte-ciel, les cafés ou les souvenirs qui m’accompagnent. Ce sont les visages.
Les visages de ces hommes et de ces femmes sans domicile, croisés au hasard des rues, qui hantent ma conscience.
J’ai le privilège de travailler dans plusieurs pays, dans ce qu’on appelle encore le tiers-monde ou le second monde. Et pourtant, la souffrance humaine que je vois de plus en plus à Montréal dépasse parfois ce que j’observe là-bas.
Ici, chez nous, tant d’hommes et de femmes – nos concitoyens – manifestement aux prises avec des troubles de santé mentale ou de consommation, errent seuls, sans ressources, dans une souffrance nue, brute, presque insoutenable à regarder en face.
Comment en sommes-nous arrivés là?
À quel moment avons-nous commencé à trouver « normal » de détourner le regard?
Les inégalités se creusent comme des fissures dans le trottoir.
Les plus riches accumulent à un point tel qu’ils ne savent plus quoi faire de leurs excès, pendant que d’autres ne savent même plus où dormir. Et nous, collectivement, semblons perdre jusque dans nos réflexes la dignité de prendre soin des plus vulnérables d’entre nous.
À défaut de transformer du jour au lendemain ce système capitaliste de performance et de triomphe, qui broie lentement notre humanité, ne pourrions-nous pas au moins retrouver un minimum de compassion?
Un regard qui ne juge pas.
Une main qui ne repousse pas.
Un cœur qui ne se referme pas par fatigue ou par habitude.
Aujourd’hui, j’ai lu dans La Presse que des employés municipaux, au volant de camions et de pelleteuses, ont détruit sans préavis un campement d’itinérants, lundi soir, à Montréal-Nord.
André, un sans-abri, disait : « J’aurais pu être couché dans ma tente quand c’est arrivé. »
L’arrondissement parle d’une « situation malheureuse » et promet d’enquêter. (lien en commentaires)
Mais au-delà des mots officiels, il y a des vies. Il y a des êtres humains.
Détruire le peu que possède quelqu’un qui n’a déjà plus rien, n’est-ce pas nous détruire un peu nous-mêmes?
À quel moment avons-nous décidé qu’une tente improvisée dérangeait plus que l’injustice qui l’a rendue nécessaire?
Chers employés municipaux, chers décideurs, chers concitoyens :
Un jour, lorsque vos propres conditions de travail, de vie, de santé se dégraderont à cause de la situation économique, lorsque vous irez revendiquer plus de respect, plus de dignité, repensez à ces personnes dont vous avez balayé l’existence comme on balaie des débris.
Demandez-vous :
Comment me sentirais-je si l’on traitait mon abri, ma dernière protection, comme un simple obstacle à dégager?
Où se situe la frontière entre « eux » et « nous », entre « les itinérants » et « les citoyens »?
Et surtout : à partir de quel moment cessons-nous de mériter la compassion?
La question que Montréal nous pose aujourd’hui, à tous, est peut-être celle-ci :
Que reste-t-il de notre humanité quand on s’habitue à la souffrance de l’autre au point de la considérer comme un décor de fond?
Ce n’est pas seulement une crise sociale.
C’est une crise de conscience.
La nôtre.
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