30/10/2025
CHRONIQUE D’UN GLISSEMENT SILENCIEUX :
D’INFIRMIÈRE A PRATICIENNE EN SOINS TECHNICO-ESTHETIQUE ?
Voilà sur quoi je suis tomber ce matin, sur mon fil FB, à grand renfort de tunnel de vente. J’avoue, j’ai cliqué car je ne savais pas ce que sont les « soins technico-esthétiques ».
C’est donc le rêve que nous propose la société dans laquelle on vit ! D’Infirmière à épilatrice laser (au risque d’être « réductionniste »).
Loin de moi l’idée de juger cette infirmière, car soyons honnète, on l’a tous vécu. 3 week-end d’affilé, des tournées à rallonge, 15 patients de chirurgie à prendre en charge, une infirmière la nuit pour un étage ! Oui, les infirmières sont des êtres humains comme les autres, alors, à force de s’épuiser, elles cherchent des portes de sortie !
Mais au-delà de cette aventure individuelle, qu’est-ce que cela dit de nos changements sociétaux, du glissemnet insidieux de « l’être » vers le « paraitre » !
🩹Soigner pour guérir ?
L’infirmière incarne ce geste ancestral du « prendre soin de l’autre » dans sa vulnérabilité. En filigrane, ce qui pousse (peut-être de moins en moins) les jeunes à embrasser ce métier, ce sont, selon moi, des valeurs profondément humaines — l’empathie, la présence, le lien.
Et parfois, oui, une dimension sacrificielle, celle qui consiste à s’oublier un peu pour l’autre (moi-même fille d’infirmière, je sais de quoi je parle), surtout en début de carrière.
Le corps, lieu de souffrance, parfois blessé, souvent réparé, mais aussi territoire de mémoire, inconscient charnel, était alors soigné, pour rétablir la vie, lui rendre souffle et dignité. Le corps, lieu d’existence, et non objet de performance.
🪒Soigner pour paraître (et se plaire) ?
Ainsi, aujourd’hui, le corps, valeur marchande par excellence (allez faire un tour sur IG), doit être embelli, optimisé, sublimer.
Le corps devient un projet, un territoire de contrôle, un capital à valoriser.
Ce n’est plus un corps souffrant qu’on panse, mais un corps exposé, qui doit « tenir sous les projecteurs ».
Est-ce cela le monde de demain que l’on nous a promis pendant le Covid ? Un monde où l’on passe :
Du collectif vers l’individuel : on ne soigne plus pour vivre, on soigne pour paraître vivant.
De la santé à la performance : être “en bonne santé” ne suffit plus, il faut être “fit”, “glowy”, “anti-âge”.
Du soin invisible au résultat visible : la peau n’est plus une frontière, mais une vitrine.
Ce glissement n’est pas une trahison : il est révélateur.
Car au fond, la quête reste la même — apaiser.
Simplement, la douleur a changé de visage : hier, c’était celle du corps ; aujourd’hui, celle du regard des autres.
Et peut-être que, derrière la seringue de comblement ou la lumière pulsée, persiste encore le même geste ancien : celui d’une main qui, à sa manière, cherche à réparer un peu d’humanité.
Quand pensera-t-on enfin à revaloriser notre profession, pour éviter ce type de dérive?