29/11/2025
Je partage… avec vous
Quand on me prend mes yeux à l’aéroport de Tlemcen…
Le 30 octobre 2025, je suis rentrée en Algérie, pleine de joie à l’idée de revoir ma famille.
Mais à ma descente d’avion, à l’aéroport de Tlemcen, cette joie s’est transformée en cauchemar.
Je suis non-voyante, et je porte des lunettes intelligentes Meta.
Elles ne sont pas un luxe. Elles sont mes yeux.
Elles me permettent de lire, reconnaître les visages, me déplacer, comprendre ce qui m’entoure. Ce sont pour moi des yeux technologiques, indispensables à ma vie quotidienne.
Ce jour-là, à cause du soleil éblouissant, je les ai mises comme des lunettes de soleil.
Mais les agents de la douane m’ont arrêtée, emmenée dans un bureau, et m’ont confisqué mes lunette. Ils m’ont accusée de vouloir « filmer les gens en cachette ».
J’ai essayé d’expliquer, de montrer ma carte d’handicap, mes papiers, la facture, le certificat médical… rien n’y a fait.
Ils ne m’ont pas écoutée.
Ils ont préféré me traiter comme une suspecte.
Les agents répétaient sans cesse que ce type de lunettes « sert à filmer en cachette dans les bains municipaux »…
J’ai tenté de leur montrer leur véritable usage, de leur prouver que ces lunettes sont un outil d’autonomie, pas un gadget d’espionnage.
Mais ils ont refusé de m’écouter, de comprendre, ou même de simplement me respecter.
Je suis sortie en larmes, non pas pour la perte matérielle de mes lunettes, mais pour le traitement humiliant que j’ai subi.
Quelques jours plus t**d, j’ai écrit à la direction des douanes pour demander à récupérer mes lunettes à ma sortie du territoire et mon retour en France, vu leur utilité à l’aéroport d’arriver.
Réponse : refusée.
Motif : « violation de la vie privée » et « absence de déclaration ».
Comment expliquer que ces lunettes ne filment pas les autres, mais m’aident à vivre ?
Comment aurais-je pu les déclarer alors que je les portais sur moi, comme mes yeux ?
Comment peut-on me reprocher d’utiliser un outil médical reconnu, acheté légalement en France, pour voir le monde ?
J’ai ressenti une immense tristesse.
Tristesse de voir qu’en 2025, une personne handicapée doit encore se justifier pour utiliser un outil d’autonomie.
Tristesse de constater que l’ignorance peut encore priver quelqu’un de sa dignité.
Je partage ce témoignage pour faire entendre ma voix.
Pour dire que l’handicap n’est pas un délit.
Et que l’accessibilité, ce n’est pas un privilège : c’est un droit.
Tout au long de ma vie en Algérie, mes droits ont souvent été ignorés : à l’université, dans la vie quotidienne, dans l’administration.
Et malgré cela, je n’ai jamais cessé d’aimer mon pays.
Mais aujourd’hui, je me sens trahie.
Je partage cette histoire non pas pour me plaindre, mais pour sensibiliser : au respect des personnes en situation de handicap, à la nécessité de former les agents publics aux nouvelles technologies d’assistance, et à l’importance de faire évoluer les mentalités, pour que personne ne vive à nouveau ce que j’ai vécu.