10/12/2025
Le Petit Ange en Bois
Souvenir lumineux d’un Noël à l’Ehpad
Il y a des souvenirs qui sentent la cannelle, le bois ciré et un peu la fatigue accumulée des nuits trop courtes. Ceux qui vous reviennent sans prévenir comme un vieux copain qui débarque chez vous avec un sourire et des biscuits.
Le mien remonte à une dizaine d’années quand je travaillais à l’Ehpad du Verger des Fruits Défendus, un nom qui promettait plus de gourmandise que les plateaux-repas ne pouvaient réellement offrir, soyons honnêtes.
C’était une période où j’étais presque zen.
Presque, parce que même le plus grand maître spirituel perdrait son calme devant un déambulateur lancé à pleine vitesse ou un fils de résident persuadé que sa mère « ne boit pas assez » alors que la pauvre dame flottait déjà intérieurement comme un nénuphar.
Et puis il y avait lui.
Un monsieur doux comme un dimanche matin. Le genre qui vous remercie pour tout même quand vous ne faites que passer la tête dans la chambre pour vérifier si tout va bien. Il avait ce regard tranquille, celui qui vous rappelle que malgré le bruit, les bips, les dossiers, vous faites un métier qui compte.
Ce Noël-là, sa fille est arrivée avec une énergie lumineuse, un sourire à rallumer un sapin débranché. Elle s’est avancée vers nous et, d’un ton joyeux, a dit :
« J’ai un petit cadeau pour vous. Vous en faites tellement pour papa… »
Dans ses mains, une boîte remplie de petits anges en bois.
Un par personne.
Le genre de cadeau qui, au premier abord, paraît simple… et qui, en réalité, vous atteint en plein cœur.
Quand elle m’a tendu le mien, j’ai senti quelque chose fondre, probablement pas la neige mais plutôt cette carapace professionnelle qu’on porte parfois sans s’en rendre compte.
Il était joli, cet ange. Sculpté avec la maladresse touchante du fait-main ou du fait-avec-amour ce qui revient finalement au même.
Je l’ai encore.
Chaque année, il prend sa place tout en haut de mon sapin, là où devrait normalement se trouver l’étoile.
Mais qu’est-ce qui brille plus qu’un souvenir qui vous réchauffe ?
À chaque Noël, quand je le suspends, je repense à ce monsieur si gentil, si délicat et à sa fille qui avait compris que la gratitude ne se mesure pas à la taille du cadeau mais à l’intention qu’on y dépose.