28/12/2025
28 décembre 2025
J’enferme le bougon de la semaine dernière dans le placard, à double tour. Je jette la clef par la fenêtre. Le trouble-fête ne gâchera pas l’épisode deux, second et dernier des animations commerciales, celles de fin d’année.
L’ai-je déjà dit, écrit ? Sans doute, probable, je réitère mon aveu. Je fus idiot. Je le suis toujours. Bonne chose, je ne me triture pas les méninges. Le manège contemporain ne frôle plus mon affect. Celui-ci, d’ailleurs, ne fut jamais le postillon de mon carrosse. Le gredin éloigne de l’essentiel.
Je me m’adonne pas, non plus, à la philosophie ou autre domaine des experts, comprendre l’absurde de la situation, justifier son raffut. L’intellectualisme ne fit jamais partie de mes prérogatives. Cela évite de s’engluer dans le mesquin, le tout pourri du comportement humain.
Je fuis micro pour melon. Je pratique autre. En catimini, j’entretiens conversation avec le divin, enfin, celui à ma portée. J’expérimente les opérations alchimiques de mon cerveau dérangé. Je m’échine à vivre en poésie.
Je tapisse toutes les parois blanches du rouge coquelicot. Créant mon tableau abstrait, je peinturlure les façades et surfaces de chatoyantes couleurs, chipées au gré de mes rencontres. Le gris et le noir y apportent, aussi, leurs teintes, liant mélancolie et sérénité. Je détruis, je recommence. Ce boulot Sisyphe plaît au gamin.
Je ravitaille ma troupe neurones de sensations exquises, d’émotions pures, de la cristallisation du beau dans un geste, un visage ou un paysage. Je les fais glisser le long de ma carcasse jusqu’à ses extrémités. Mon sang en devient bleu.
Je farfouille dans mes décombres. Je récupère matériaux. Je prends tout, tissus, plastique, tessons, acier etc.. Je m’acharne à ériger un palais. Je le voudrais somptueux, un osier empli de parfums, où tout promeneur ayant fait effort pour y parvenir, s’y retrouverait, s’y reposerait, s’y fortifierait avant d’édifier le sien.
L’ambition singe l’utopie. Je le sais. J‘échappe à la fatalité de l’ennui. Je surine la veulerie d’un couteau de papier. Je pardonne, seigneur, les faux-culs, adeptes de cette médiocrité, moi en premier, qui y cédât, quelques fois, par nécessité ou négligence..
Je paraphe léger le document usé d’une existence pleine. Je n’en retiens que les joies et biffe les épreuves. Je chantonne, marginal accompli, tralala sur mon chemin bohème. Pas changé, je cherche transcendance pour l’illuminer, encore une fois, mon sapin singulier.
Intrépide, je grimpe sur le marronnier, juste avant d’envoyer la contribution hebdomadaire. Du haut de sa cime, j’exécute le rite annuel, coutumier.
Bref, je vous la souhaite heureuse l’année qui vient, la deux mille vingt six.
*******************************
J’avais déjà effacé par inadvertance, le liminaire. Illico, j’avais composé un nouveau avec les grains du souvenir de l’ancien.
Rebelote, ce coup-ci, disparus, tous les textes mitonnés à votre attention.Ne reste que « cou taureau », qui fit l’annonce. Il sera le seul inédit, le survivant. Une mauvaise manipulation dut en être la cause.
Grrr, tout déconfit, ce matin, de constater le massacre. Mais fidèle à promesse donnée, je maintiens le rite. J’ai pioché dans mon escarcelle, textes anciens pour honorer nouveau dominical.
***********************************
L’ESCARGOT
Sous l’infante couleur de l’aube, un escargot peinait à loger sa maison sous le museau d’une fougère. Je l’ai vu lors de ma promenade matinale dans l’allée serpentant les vestiges des remparts.
Une bruine infime supplantait la rosée, s’insinuant sur les épaules, maîtresse aux griffes cruels, cherchant à rogner l’os encore frais d’une nuit de sommeil.
Je me suis penché vers le gastéropode. Je l’ai doucement recueilli dans ma main et l’ai posé là où mon humeur volage me l’indiquait. Je m’en veux maintenant. J’ai souvent agi ainsi par bonhomie humaniste avec les gens. J’ai voulu diffusément aider sans comprendre le tenant et les aboutissants de leur situation. J’ai joué l’âne, utilisant l’intuition poétique en écartant les nécessités matérielles dans une vie spirituelle.
j’ai eu droit à ma volée de bois vert, méritée. Il ne faut jamais chercher à se mêler du chemin de l’autre, l’inviter au sien à la rigueur, pas plus. Je viens d’en faire l’amère expérience.
Je pense à mon escargot. J’entrevois le pire scénario. Je l’imagine déboussolé au milieu de sa vie de lenteur, son désappointement de se retrouver, en l’espace de quelques secondes, au milieu d’un environnement inconnu et peut-être délétère.
Pire, pour accroître ma culpabilité, je vois avec horreur une pierre se détacher du mur d’à côté, et rouler, rouler dans une sourde colère inconsciente jusqu’à ma proie offerte pour l’écraser tout-à-fait.
Je ne cherche pas à justifier quoique ce soit. Je ne m’excuse pas mais j’essaie de m’améliorer, de ne plus répondre à ma compassion chrétienne crétine qui fait d’un ange, un bourreau.
(l’écit somnambule)
***
IMPOSSIBILITÉ
Je n’ai jamais su conjuguer un verbe dans ces expressions : savoir-faire ou faire savoir. Ma recherche de l’authenticité toise la première. Ma marginalité rend impossible la seconde.
***
ADRIEN HOMME
Lorsque Adrien Lhomme de son vrai nom
descendit le talus pour assommer de son poing
un bruissement de soleil dans les herbes
l’arbre retint son souffle les animaux leur respiration
devant ce brusque sursaut d’humeur
inconnu de tous et tellement inutilement beau.
(un œil dans l’enclos,2004)
***
COU TAUREAU
Sous toute lame je maintiens
mon cou taureau
de peur que le muscle ne perde
l’élasticité de sa fonction
En ce qui concerne
le bleu lilas du ciel
je l’incorpore dans le pli
de mes vêtements
Je ne me lasse pas
de pratiquer différent
***
DIALOGUE
Le rocher n’a pas son pareil
pour dialoguer avec l’océan
Cela se fait sans mots
Cela se fait
après une lente étude
de la caresse
(AA, 2010)
Serge Matjuriin THÉBAULT