09/11/2025
9 novembre 2025
Parapluie, couleur jaune, caca d’oie, flotte sur un fauteuil. Je rapporte, mirettes à la fenêtre. Sur le trottoir d’en face, une dame, tête nue, chenue, pousse un chariot. Le pépin protège, le locataire valétudinaire, du désagrément de la bruine.
C’est esquisse d’une toile surréaliste, un dessin à croquer pour faire tableau, rapporter devant yeux sceptiques, la présence de l’insolite dans le quotidien.
Je ne sais pas faire. Je ne sais rien faire. Alors, je tire mon trait personnel. J’arrange la perle avec quelques mots. Je saupoudre ma cafetière des cristaux gris provenant des nuages, circulant là-haut. Je siphonne, peintre, l’atmosphère pluvieuse du matin. Je déguste son merveilleux. Je tâte, à tâtons, les tétons de l’innommable !
Le résultat importe peu. L’entêtant n’est pas le motif de la manœuvre. Je glane des grains de félicité. Je les glisse sous mes phrases. Je me promets l’impossible, vous en faire profiter comme ça, badin, sans autre intention que celle de donner un peu du moi, sans ses petitesses et ses travers.
Je m’adonne à l’apologie des possibilités heureuses de l’existence. Je joue, alerte, de mon crin-crin délicat, en carcasse vieille, toujours folle. Sa musique emplit la pièce du couvent. Je conte vague s’engouffrant dans le ciboulot !
Paris, soirée mi-mondaine, Lou, une éclosion de vingt ans, ne s’est pas contenté des deux doigts de cognac, qu’elle dégustât lorsque j’étais encore près d’elle. A mon insu, la linotte en a lapé, au moins la moitié de la bouteille. Un gandin lettré, m’ayant pris la grappe pour me causer Guillevic, la rusée s’est affranchie de son chaperon
Résultat, au milieu du brouhaha des conversations superficielles, après avoir bu et babiller, à gauche, à droite, l’oiselle, maintenant, chaloupe, presque. Je maugrée. Je culpabilise. Je ne tiens pas la promesse faite aux parents, veiller sur elle. Il n’y a plus qu’à se mordre les doigts.
L’insolente, fin de partie, s’en prend à deux donzelles, collets montés. Sans raison, la pompette les traitent de dindes, de filles à papa comme si elle n’en était pas une..
Les sottes répondent. L’échange s’envenime Je veille, pas loin. J’écoute. J’essaie, vainement de me débarrasser de l’encombrant intellectuel..
Et va, le vocabulaire cossu de l’insulte, le rigodon des invectives. La jeune intrépide n’en manque pas. Ce n’est pas une affaire de l’âge, les gros mots. J’en apprends même des nouveaux à mon oreille gourmande de sons. Vinaigre s’immisce dans la sauce. Deux chevaliers servants, se mêlent à l’algarade. Ça pourrait terminer pugilat..
Stop, mission oblige, il faut que j’intervienne. Je prends congé, sèchement, de mon interlocuteur, interloqué Je me rapproche, prestement, du théâtre des opérations.
J’éteins feu à la poudre diplomatie. Je joue Talleyrand auprès des mécontents. Çà marche. Les fâchés s’en vont. J’appelle taxi. Je saisis l’écervelée par le bras, soudainement , hilare, la pousse vers la sortie.. Je prends mon colis saoul, lui fait descendre, manu-militari, les escaliers, nous séparant de la chaussée, retour aux pénates.
Je narre l’aventure à Juju, Juliette. La manuelle intellectuelle me téléphone toujours, mais temps passant, à la façon italienne, avec parcimonie. Vingt ans après, l’amie se rend à ce type de soirée guindée où se régénère l’entregent. D’où la raison que l’anecdote soit venue nicher son insignifiance dans le liminaire
« Je sais me tenir ; je ne suis plus une gamine», me répond, légèrement courroucée, ma pote parigote. Moi, non, je m’enivre toujours à l’alambic que distille ma cervelle à neurones. Je méprise, toujours, détaché du paraître, les codes et les faux-semblants.
Et puis, dimanche, curé sans religion, je diffuse, petite échelle. ma messe confidentielle, hebdomadaire. Tout çà pour témoigner. Le salut se trouve dans le refus de la farce organisée par les pouvoirs, quitte à y participer, malgré soi..
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PAS DE MORPHINE
Je fatigue ma fatigue avec mes yeux myopes toujours en éveil, le soleil aussi. Je court-circuite son jeu de lumières par celles qui occupent ma tête. Je bondis parmi les lianes au milieu du frou-frou des herbes sanglées d’azur. Je lèche, chiot, les mains calleuses, des talus. J’emprunte, léger, un corridor, sorte de tunnel où la simplicité exprime une clarté. Un cérémonial de couleurs pare sa voûte.
La morphine ne circule pas dans mes veines. Ma drogue est toute autre. J’ai usé le dogme des idées. J’en reviens à l’essentiel, dissoudre ma masse de chair dans l’esprit, pour ne faire plus qu’un, avec cet azote d’âme qui conquiert l’invisible.
***
PAS DE REGRETS
En agissant dans le mouvement sociétal, j’ai pourri le suc de bien de mes rêves. De la revue littéraire aux organisations factices culturelles, j’ai voulu être aussi en place comme les autres.
Bien souvent, fiasco et déception ont clos ces tentatives où pour être, il fallait paraître celui que je n’étais pas. Je ne regrette rien.
De ce commerce avec les hommes, j’ai tissé, vaille que vaille, les lignes de mon sentier, trouvé abris sur des branches pas si éloignées du ciel, et tout en trébuchant, trouvé route qui convient au boiteux.
***
ENCENS
Fuir l’époque
toutes !
les anciennes
comme les nouvelles
Les refonder
en une seule :
pipeau
sur grimoire
stylo virtuel
sur clavier
icône visage
douce vierge
Tout mélanger
je dis
ne pas prétendre
renouveler
la langue
Non simplement
être l’encens
s’évaporant
d’une chandelle
***
LA MÉLANCOLIQUE
Elle s’accrocha au miroir
à l’image dedans
Elle se crut le reflet
coûteux de la réalité
Cela n’est qu’apparence
Narcisse s’y noya
dans cet étang
Il y avait pourtant
dehors à la fenêtre
une ronde pièce jaune
ayant déjoué
le piège du factice.
Serge Mathurin THÉBAULT