08/06/2023
Construction de l'identité - Partie 1
Tout le monde a un stéréotype de l’adolescent, ce jeune qui expérimente, teste les limites, a des sautes d’humeur, parfois des difficultés d’attention, qui recherche des sensations fortes, ce « jeune adulte » qui a besoin d’autonomie, mais qui compte encore sur ses parents pour faire sa lessive… Bien que ces comportements soient avant tout des stéréotypes, des archétypes de l’adolescence selon les médias ou le cinéma, ces attitudes trouvent leurs origines dans les nombreux changements que l’adolescent est amené à traverser. Ces changements sont de différents ordres, neurobiologique avec la fin maturation du cerveau (Jensen & Nutt, 2015), cognitif avec le développement de la pensée abstraite (Steinberg, 2005; Young, 2013), physique avec la puberté, ou encore social, l’adolescent étant amené à endosser progressivement les rôles sociaux propres à l’adulte (Bariaud, Rodriguez-Tomé, & Jackson, 1997). En parallèle à ce changement, l’adolescent aura à redéfinir son identité et à trouver la place qu’il souhaite occuper dans la société dans laquelle il s’inclut.
Dans une vision traditionaliste, l’adolescence précède l’âge adulte, et se termine avec l’accès complet à la citoyenneté (en France, à l’âge de 18 ans). Cependant, cet accès à l’âge adulte, qui serait la finalité d’une adolescence lambda, est remis en question dans la littérature scientifique.
Ce re-questionnement dans la modalité d’accès à l’âge adulte et à mettre en parallèle avec la mutation des sociétés modernes, nous offrant de plus en plus de choix possibles en matière de métier, de style de vie, de religion… Et l’accès à une information quasi exhaustive, de façon pseudo-immédiate (internet), sur pratiquement n’importe quel sujet d’intérêt. Ainsi nous vivons dans un monde où nous expérimentons un degré de contrôle, sur nous-mêmes et sur nos choix de vie, sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Ou du moins en a-t-on le sentiment, l’impression (renforcée par la culture cinématographique nord-américaine : le mythe du « rêve américain ») que tout est possible, que l’on maitrise chaque domaine de notre vie (dans le domaine vocationnel, en termes de choix personnels, d’adhérence religieuse …) et qu’il est de notre responsabilité de s’accomplir personnellement et de façon simultanée dans toutes les sphères de la vie.
Cependant, il a été mis en avant à travers plusieurs recherches que plus il y a de solutions possibles face à une situation, moins le choix que le sujet fera sera satisfaisant à ses yeux (Gilovich & Medvec, 1995; Iyengar & Lepper, 2000). Ainsi, devoir concilier les attentes sociétales en termes d’accomplissement de soi, avec les choix presque sans limites offerts par l’environnement, et à la baisse des repères exogènes (baisse du poids des religions, des traditions, …) entrave la capacité des adolescents à faire des choix de vie optimaux et satisfaisants d’un point de vue subjectif. Cette véritable « tyrannie de la liberté » (Schwartz, 2000) se concrétise par un allongement de la période adolescente, et par conséquent dans un re**rd d’entrée dans l’âge adulte.
Le concept « d’adulte en émergence » (Arnett, 2006) correspond à ce phénomène, et est caractérisé par des jeunes adultes, ayant entre 18 et 25 ans, qui sont encore en pleine période d’exploration et de construction identitaire, n’arrivant de ce fait pas encore à assumer leur avenir professionnel et/ou familial (« l’adulte en émergence » étant associé aux populations étudiantes post-bac). Au-delà de cette notion d’étude en parcours supérieur, nous emploierons dans ce travail de réflexion le terme de jeunes adultes pour parler des personnes avec TSA, âgées entre 18 et 25 ans, qui présentent un versant identitaire inabouti, et qui ne sont pas encore pleinement insérées dans le monde du travail.
Bien que l’identité soit sans doute l’un des concepts les plus étudiés dans les Sciences Humaines (Brubaker & Cooper, 2000; Côté, 2006), trouver une définition claire et consensuelle est complexe puisque chaque discipline en a sa propre vision et définition. Aussi, dans ce travail nous allons nous appuyer sur la r***e de littérature écrite par Vignoles, Schartz et Luyckx (2011) qui proposent une vision intégrative de l’identité. Au travers de leur étude, ces auteurs ont identifié quatre facettes de l’identité, soit respectivement l’identité personnelle, l’identité relationnelle, l’identité collective, et l’identité sociale.
Vous avez la sensation d’y voir plus claire ? Préparez vous à la suite, car l’affaire ne fait que commencer…