05/11/2025
C’EST NATUREL, DONC C’EST SANS DANGER…?
Houuuu, qu’est-ce que je l’entends souvent, cette phrase.
Parfois même de la part de personnes que j’ai suivies et à qui j’ai expliqué (sur plusieurs mois de cure!) que c’était archi-faux. Je pense notamment a l’un d’eux, un « phyto-délinquant », très gentil par ailleurs, qui se reconnaîtra peut-être…A peine la cure finie, le voilà qui veut faire une cure d’aloe vera ou de jus de citron: « bah, si c’est naturel, c’est… », eh bah non, toujours pas.
Ici, on va dire que le « danger » est limité dans ce genre de cas, mais après 4 mois de construction de cure, de suivi, d’adaptation de la cure personnalisée, tout va bien, l’organisme est au top de son fonctionnement, et on le déséquilibre inutilement! WHY??? Tout ce temps et ce travail pour faire un peu n’importe quoi après…parfois, ça me décourage.
J’ai également lu cette phrase assez souvent: « c’est en vente libre! »…et donc quoi? Les huiles essentielles sont en vente libre, le paracétamol est en vente libre, la javel est en vente libre…sont-ils sont danger? Non! Bien utilisés, c’est super. Mal utilisés, c’est la galère.
Et je passe sur les réactions allergiques ou des actions hormonales « cachées », comme celles du soja…en vente libre également.
J’aimerais vraiment arrêter de rédiger ce type de posts et me concentrer sur les vertus de la gemmothérapie, mais, suite à de nombreux nouveaux posts et commentaires sur des groupes dédiés à cette discipline, je suis toujours aussi choquée par la facilité à laquelle des personnes, ne connaissant manifestement pas grand-chose, donnent des « conseils » lacunaires et dangereux pour la personne qui expose ses problèmes de santé dans son post.
Car oui, il s’agit bien de ça: un mauvais conseil peut aggraver l’état de santé d’une personne malade.
Donc, comme parfois, un exemple concret permet de mieux faire passer un message, je vais parler d’une étude clinique découverte lors de la correction de la thèse d’Agathe PATOU (https://www.facebook.com/share/p/19791NWss5/?mibextid=wwXIfr).
C’était au tout début de notre collaboration: mon aide était alors très superficielle et je ne lisais pas toutes les études à ce moment-là. Mon silence a dû interpeller Agathe, qui m’a demandé ce que je pensais de cette étude, qui portait sur l’utilisation de feuilles de Framboisier pendant la grossesse, expérimentées sur des souris.
Boire des infusions de feuilles de Framboisier est une pratique courante chez les femmes enceintes, surtout en fin de grossesse, car elles pourraient faciliter les contractions lors de l’accouchement, par exemple.
De plus, en quelques secondes, lors de la rédaction de ce post, j’ai trouvé un site qui confirmait cette utilisation, et que deux études « suggèrent » que « la tisane de feuilles de Framboisier ne présente pas d'effets indésirables sur la femme enceinte et le bébé »…c’est donc rassurant, n’est-ce pas?
D’accord, mais qu’arrive-t-il si on creuse un peu plus loin, comme étudier ce qui se passe chez la génération exposées in utero aux feuilles de framboisier, concernant leur puberté, leur fertilité, les anomalies métaboliques…?
C’est de cela qu’il est question dans cette étude, et qui m’a fait tomber de ma chaise!
Je vous passe toute la partie sur les dosages, les mesures, etc.
Allons droit au but, même si l’étude clinique est disponible, en entier, en ouvrant le lien ci-dessous, et je vous encourage vivement à la lire en entier (elle s’ouvre plus facilement sur ordinateur que sur smartphone), voici le résumé des résultats.
Concernant les souris ayant été soumises à des extraits de feuilles de Framboiser, comparativement avec celles qui n’en prenaient pas, n’avaient pas de terme de grossesse plus court.
Bon, là, on peut comprendre pourquoi les médecins peuvent considérer que les effets de la phyto (surtout des infusions de feuilles de plante adulte) soient discutables, et disent parfois: « ça ne peut pas faire de mal ». Encore que, j’entends un discours un peu différent depuis quelques années: « on ne sait pas si c’est dans danger ».
Là où cela devient intéressant, c’est que l’équipe en charge de l’étude clinique a été bien inspirée en suivant le comportement de la deuxième génération de souris (F2) issues des souris ayant été exposées in utero aux extraits de feuilles de framboisier (F1), qui n’est pas sans rappeler le scandale du Distilbène…
Les auteurs de cette étude clinique ont pu relever les problèmes suivants, chez ces souris, ainsi que leur progéniture, comparativement à un groupe témoin :
- naissance: les F1 présentent des retards de croissance, comme la génération suivante (F2), et les deux générations ont un poids supérieur au groupe témoin
- puberté: les F1 ont une puberté plus précoce que le groupe témoin, ce qui peut-être lié à leur surpoids, d’après d’autres études ayant démontré un lien entre ces deux facteurs
- grossesse: les F1 n’ont mis bas qu’à 78%, contre 100% pour le groupe témoin
- métabolisme: la santé des F1, après accouplement, se dégrade, et elles ont tendance à avoir des petits ayant des facteurs de risques de diabète de type 2, d’obésité et d’hypertension
Cette étude met en évidence qu’il faut être extrêmement prudent concernant la consommation de plantes lors de la grossesse et qu’il est urgent de réévaluer la sécurité des plantes utilisées pendant cette période.
De plus, cela suggère que ces effets secondaires néfastes sont transgénérationnels, affectant la santé de la deuxième génération (F2)!
Ce qui également inquiétant, c’est que les résultats de cette étude clinique sont similaires à d’autres études sur la consommation de thé au gingembre, utilisé pour lutter contre les nausées, qui a démontré qu’il réduit le succès d’une grossesse ou double la perte d’embryons par rapport à un groupe témoin…
La consommation de feuilles de Framboisier a été, comme dans beaucoup d’études, « gonflées » pour avoir un résultat visible et probant. Cela pourrait être rassurant, mais il m’est arrivée d’entendre des personnes qui consommaient des produits phyto de façon très importante, car, pour elles, une fois de plus, « si c’est naturel… » nan, ça ne marche toujours pas!
Voilà, voilà…normalement, vous devriez être un peu sidéré par les conclusions de cette étude…non? Si c’est non, inutile de lire la suite.
En effet, ce n’est « qu’une seule » étude, mais difficile de ne pas comprendre, une bonne fois pour tout, que la grossesse est une période de fragilité pour la mère et son futur enfant.
Il faut arrêter de croire que « si c’est naturel, c’est sans danger », même si des professionnels qui conseillent des produits de phytothérapie, tels que les naturopathes, et ne tiennent généralement pas ce discours, bien au contraire! Et c’est, à mon avis, irresponsable.
Comme je l’ai déjà expliqué dans d’autres posts, je souffre de nombreuses pathologies, et rester en bonne santé, ou éviter de la dégrader encore plus, c’est une chose qui ne devrait pas être joué à la roulette russe quand on prend un produit à base de plante, conseillé par une personne qui ne voit pas, ou ne veut pas voir, le danger qu’elle représente chez certaines personnes. Ce n’est pas parce que les contre-indications ne sont pas connues de ces personnes qu’elles n’existent pas.
Il faudra du temps pour qu’elles soient toutes recensées en gemmothérapie, car la recherche est en plein boom: on va les étudier de plus en plus et on comprendra de mieux en mieux leur fonctionnement et les exclusions de conseil.
C’est ce que j’ai fait ces dernières années: j’ai effectué de nombreuses recherches afin d’établir une liste de contre-indications et de précautions d’emploi.
Il est donc important, avant tout conseil, de vérifier l’évolution de recherches et de leurs conclusions au lieu de faire l’autruche, au risque de rendre malade une personne (ainsi que ses futurs enfants), qui avait juste un problème passager, comme des nausées pendant la grossesse.
Cela peut paraître rébarbatif ou exagéré, mais, quand j’étais juriste, on devait se tenir à jour des décisions des tribunaux sur certains points de droit, afin d’apporter les meilleurs conseils aux clients. Les médecins se tiennent également au courant de l’évolution des connaissances liées à certains traitements, ou à certaines études cliniques, etc.
Les naturopathes ou les gemmothérapeutes se doivent de faire de même. Ce qui me dérange, c’est que cela ne semble pas être une évidence après avoir échangé avec certains d’entre eux ou lorsque je lis certains de leurs commentaires. J’ai plutôt l’impression que ce travail est superflu.
Pourtant, il est connu depuis longtemps que certaines plantes potentialisent ou annulent les effets de certains traitements allopathiques…
Quand une personne me contacte, je reprends tous les éléments médicaux en sa possession, et je fais les recherches nécessaires afin de les comprendre et de vérifier qu’on ne passe pas à côté de quelque chose d’important, ou que, depuis ces examens, il y a eu des recherches menées sur leurs pathologies. Si c’est le cas, je renvoie toujours cette personne vers son médecin afin d’avoir son avis sur ces informations et mes interrogations.
J’insiste également sur un point ici: un thérapeute sérieux ne doit jamais se substituer à son avis ou l’écarter du parcours de soins, ou rejeter tout ce qui est apparenté à la médecine « occidentale ».
Quand je lis des commentaires dans certains groupes, qui rejettent en bloc cette médecine, également appelée « traditionnelle », et les traitements allopathiques, ça m’énerve, car ce rejet total est dangereux, et certaines personnes malades sont, malheureusement, prêtes à tout essayer pour aller mieux, peu importe les risques et, si elles sont mal conseillées, cela peut aggraver les problèmes préexistants.
Si la personne que vous avez contactée tient ce discours, il est préférable de consulter quelqu’un d’autre, car, heureusement, il y a des personnes qui ont conscience de l’importance du médecin dans la prise en charge de la santé de la personne qui les contacte, et de l’intérêt de se renseigner régulièrement sur de nouvelles applications, ou interdictions, de certaines plantes.
Cette étude devrait mettre en garde ces professionnels de phytothérapie lors du conseil à des femmes enceintes.
Personnellement, je refuse de prendre en charge les femmes enceintes, par principe de précaution, et j’alerte la personne qui me contacte sur les risques de prises de produits naturels lors de la grossesse.
Même si toute étude clinique est censée être renouvelée pour confirmer les résultats obtenus (ce qui est rarement le cas), je pense que vous ne verrez plus votre tisane du soir de la même façon.
Mêmes si les recherches en gemmothérapie semblent montrer que l’innocuité des macérats est supérieure à celles des parties adultes, il est important de rester prudent.
📚BIBLIOGRAPHIE PERSONNELLE📚
https://www.facebook.com/share/p/1CidJCo78Z/?mibextid=wwXIfr
Liens vers l’étude clinique (elle s’ouvre mieux sur un ordinateur que sur un smartphones): fil:///Users/Angie%201/Downloads/Johnson-raspberry2009-3.pdf