06/11/2025
Birmanie, 2013.
Un pays encore calme, suspendu entre deux époques.
Peu de touristes. Des routes de poussière rouge. Des sourires timides.
Et partout, la sensation d’être observée — sans hostilité, mais avec retenue.
À l’époque, la Birmanie venait de s’ouvrir au monde après cinquante ans de régime militaire.
Les gens espéraient. On sentait une respiration nouvelle, fragile, presque silencieuse.
Mais la présence du pouvoir, elle, restait visible — dans les rues, dans les regards, dans la prudence des conversations.
Bagan, ses milliers de pagodes dorées dans la brume du matin.
Les marchés où l’on marchande des légumes, du poisson, du riz.
Les moines enfants, robes safran ou rose pâle, qui rient avant la prière.
Les repas partagés dans les monastères, les visages fatigués mais lumineux.
Et puis, cette image qui m’a longtemps troublée :
les “femmes-girafes” qu’on exhibe dans certains villages.
Une mise en scène du corps, vendue au regard des touristes.
Un folklore douloureux, hérité de l’exil et de la pauvreté.
J’ai pris une photo — sans savoir si j’avais le droit moral de le faire.
Voyager en Birmanie, ce n’était pas “voir du pays”.
C’était apprendre à regarder sans posséder, à écouter sans comprendre,
et à accepter de ne pas tout expliquer.
Depuis, le pays a replongé dans la violence.
Ce qui restait d’espoir s’est refermé.
Mais dans ma mémoire, la Birmanie reste cet instant suspendu :
un éclat de beauté fragile, traversé de silence.