06/11/2025
Les aidants ne craquent pas parce qu'ils sont fragiles... ils craquent parce qu'ils portent tout seuls un pays entier ... et voici ce qui ressort des auditions du 24 septembre 2025 Ă lâAssemblĂ©e nationale :
1. LâĂtat nâassume pas sa part. On fait porter la prise en charge sur les familles > Luc GĂąteau (Unapei) explique que les ruptures de prise en charge arrivent tout le temps, pour les enfants comme pour les adultes en situation de handicap. Quand une structure nâexiste pas, nâa pas de place ou nâest pas adaptĂ©e, ce sont les familles qui âbouchent les trousâ, Ă la maison.
En clair ? pas de solution, donc câest toi la solution...
Le collectif Handicaps dit pareil : faute de vraies politiques publiques ambitieuses en santĂ© mentale et handicap, lâaccompagnement repose âen grande partie sur les aidantsâ. Ils ajoutent que ces aidants sont peu valorisĂ©s, invisibilisĂ©s, alors quâon leur demande dâassurer Ă la place dâun systĂšme qui ne rĂ©pond pas.
Conséquence psychique directe :
Hyper-responsabilitĂ© permanente (âsi je lĂąche, tout sâĂ©crouleâ) + culpabilitĂ© si on ose demander du rĂ©pit (qui n'existe presque pas) + Impossible de baisser la garde = charge mentale chronique, et donc usure Ă©motionnelle profonde...
Câest exactement ce que les dĂ©putĂ©s ont entendu : la santĂ© mentale des aidants se dĂ©grade parce que non seulement on leur a transfĂ©rĂ© le rĂŽle de lâĂtat sans leur donner la protection psychologique, matĂ©rielle, financiĂšre ni le rĂ©pit qui va avec.
2. On parle de âdroitsâ, mais ces droits ne sont pas effectifs > Luc GĂąteau rappelle que certains droits existent sur le papier (accĂšs aux soins, accĂšs aux aides humaines, accĂšs Ă lâĂ©ducation, au logement, etc.) mais ne sont pas rĂ©ellement garantis dans la vraie vie. RĂ©sultat : dĂ©lais Ă©normes, refus de prise en charge, orientations vers des structures inadĂ©quates.
En gros lĂ encore > Quand le droit nâest pas appliquĂ©, câest la mĂšre/le pĂšre qui compense, mais pas lâadministration...Et cette compensation devient un travail 24h/24, Ă©motionnellement lourd, injuste et non choisie, ce, souvent sans formation et sans soutien psy.
APF France handicap rappelle aussi quâen 2025, 20 ans aprĂšs la loi de 2005, certains droits de base ne sont toujours pas couverts. Exemple trĂšs concret donnĂ© en audition : lâaide humaine financĂ©e par la PCH (prestation de compensation du handicap) ne comprend pas forcĂ©ment les tĂąches mĂ©nagĂšres, alors quâon peut dĂ©lĂ©guer des gestes mĂ©dicaux trĂšs lourds (aide toilette, aspirations trachĂ©o, stomieâŠ), mais pas demander Ă la personne payĂ©e dâaider Ă faire le mĂ©nage. Donc, aprĂšs des soins lourds, câest encore la famille qui doit faire tourner la maison.
Mentalement, ça crĂ©e quoi ? Un Ă©puisement global, pas seulement âsoigner lâenfantâ, mais tout tenir autour : linge, vaisselle, paperasse MDPH, coordination entre mĂ©decins, Ă©cole, transport, loisirs, etc. Un espĂšce de sentiment dâĂȘtre piĂ©gĂ© dans un rĂŽle sans pause possible, ni reconnaissance. On favorise l'Ă©mergence du burn-out structurel. Et il est invisibilisĂ© parce que officiellement, âdes droits existentâ đ€
3. Il y a une fragmentation totale du systĂšme, illisible mĂȘme pour les pros > Les associations auditionnĂ©es dĂ©crivent un paysage de dispositifs qui sâempilent : CLIC, DAC, communautĂ©s 360, PAS, SPDA, etc. On crĂ©e un nouveau dispositif avant que le prĂ©cĂ©dent ne marche, sans coordination rĂ©elle entre mĂ©dico-social, Ă©ducation nationale, secteur sanitaire, ASE, France Travail⊠Câest illisible, mĂȘme pour eux đ€
Et qui navigue lĂ -dedans dans la vraie vie ? Dans le 1000> ce sont ... Les parents aidants ! Ce sont eux qui doivent comprendre qui fait quoi, qui finance quoi, qui accepte leur enfant, Ă quelles conditions.
Charge mentale = gestion de projet administratif + gestion médicale + présence affective 24h/24.
On demande Ă des parents de devenir directeurs de parcours de soins pluridisciplinaires.
Ăa, psychiquement, câest violent.
Parce que lâerreur admin peut aussi priver lâenfant/adulte de soutien pendant des mois.
Allez un petit 4 : Il nây a pas de politique globale, pas de pilotage clair, pas de financement clair > Le collectif Handicaps dit que la premiĂšre dĂ©faillance, câest lâabsence dâune politique publique cohĂ©rente, pilotĂ©e, financĂ©e, pensĂ©e sur le long terme pour la santĂ© mentale et le handicap. Ils parlent dâun empilement dâannonces et de plans jamais financĂ©s ou jamais structurĂ©s (feuille de route santĂ© mentale, fonds dâinnovation psy, confĂ©rences annoncĂ©es puis jamais tenues).
Ce qui veut dire > On vit dans lâurgence permanente. Tout est traitĂ© au cas par cas. Les familles nâont aucune visibilitĂ© : âEst-ce quâil y aura une place demain ? Est-ce que mon enfant aura un accompagnement quand je serai trop vieux ?â Cette incertitude permanente est anxiogĂšne. Câest mĂȘme une angoisse existentielle, pas juste du stress du quotidien.
Luc GĂąteau insiste aussi sur lâavancĂ©e en Ăąge : qui accompagnera les personnes handicapĂ©es quand les parents vieillissent ? Aujourdâhui, il nây a pas de rĂ©ponse sĂ©curisĂ©e. Donc les parents vivent avec la peur du âquâest-ce qui lui arrivera quand je ne serai plus lĂ ?â â peur qui est lâune des sources majeures dâanxiĂ©tĂ© chronique et de dĂ©pression chez les aidants.
Tant qu'on est auditionnĂ© voici le 5. On manque de professionnels... donc on renvoie la prise en charge au domicile... Il y a une pĂ©nurie de professionnels formĂ©s et disponibles. Les familles ne savent pas si elles pourront bĂ©nĂ©ficier dâaide Ă domicile adaptĂ©e, maintenant ou plus t**d. Les Ă©lĂšves/Ă©tudiants avec handicap craignent mĂȘme que faute dâaccompagnement, leur avenir pro soit bloquĂ©. Cette pĂ©nurie a deux effets directs sur les aidants :
1. Le rĂ©pit nâexiste presque pas. Donc pas de dĂ©compression psychique. Quand il existe... il faut encore l'organiser, le coordonner, le rĂ©munĂ©rer etc...
2. Les aidants vivent dans lâalerte permanente, parce quâils savent quâil nây a personne derriĂšre pour prendre le relais si eux tombent.
Câest de lâhypervigilance. Ă long terme, lâhypervigilance use le sommeil, la mĂ©moire, la capacitĂ© Ă ressentir du plaisir â bref, ça dĂ©truit la santĂ© mentale.
6. On ne reconnaßt pas que la santé mentale des aidants est un sujet de santé publique et ce point est crucial.
Le collectif dit clairement : les graves dĂ©faillances de lâĂtat en matiĂšre de santĂ© mentale et de handicap âgrĂšvent lourdement le budget des familles â et celui de la puissance publiqueâ. Ils demandent le dĂ©veloppement de solutions dâaccompagnement et de logement, des ressources suffisantes, une amĂ©lioration du droit Ă la compensation, et une accessibilitĂ© rĂ©elle.
Si on ne soutient pas la santĂ© mentale des aidants maintenant (enncreant des solutions adaptĂ©es tant qu'Ă faire ?) , on va payer plus cher plus t**d. Donc ce nâest pas juste une question humaine, câest une question Ă©conomique nationale.
Ce qui est dit devant les dĂ©putĂ©s est presque brutal : aujourdâhui, la France signe des textes internationaux sur les droits des personnes handicapĂ©es, mais ne respecte pas ce quâelle signe. Et derriĂšre cette non-application, ce sont les parents aidants qui encaissent physiquement, psychiquement, financiĂšrement.
7. En rĂ©sumĂ© politique (et câest ça qui fait mal) Pendant les auditions, les associations ne se sont pas contentĂ©es de dire âon est fatiguĂ©sâ.
Elles ont dit :
> Le systĂšme actuel fabrique lâĂ©puisement psychique des aidants.
> Cet Ă©puisement nâest pas un accident individuel, câest le produit direct des dĂ©faillances publiques.
> Tant quâil nây aura pas de rĂ©ponses structurelles (places, accompagnement, professionnels formĂ©s, coordination lisible, financement durable, prĂ©vention vraie), la santĂ© mentale des aidants va continuer de se dĂ©grader....l'Etat crĂ©e une Ă©pidĂ©mie silencieuse de l'Ă©puisement psychique !
Et ça, maintenant, câest actĂ© noir sur blanc dans une commission dâenquĂȘte parlementaire