07/09/2023
PROFESSION DU PERE, un roman de SÖRJ CHALANDON.
"Quand on évoque la folie, la compassion est souvent de mise. La peine que l'on ressent pour la personne qui souffre de démence, l'oubli qui assiège son esprit, la perte du moment présent, de tout ce qui construit l'individu... La folie est l'amante exigeante de celui qui en est atteint, elle le protège contre la lucidité qui le briserait. Il n'est conscient de rien.
Mais son entourage... Son entourage subit ses lubies, subit sa folie... subit cette personne qui n'a de commun avec celui ou celle que l'on aime que le physique. L'esprit n'est plus. Et cela peut être destructeur, très destructeur quand l'entourage n'a pas conscience de ce fantôme qui hante l'esprit.
C'est cette lente descente aux enfers que nous présente Sörj Chalandon. Pas celle du père qui évolue dans son propre monde, même si les mots sont suffisamment lourds de sens pour que l'on comprenne dans le détail de quoi est fait ce monde, mais celle de son fils, Emile, le narrateur.
Emile n'est qu'un enfant quand l'état de son père le percute de plein fouet. Son père n'est pas comme les autres, il a eu mille vies. Agent secret, conseiller du président, footballeur, pasteur... Comment ne pas le croire ? C'est son père. Et un enfant doit croire son père, l'idolâtrer, surtout quand celui-ci a entre ses mains une mission d'une telle envergure, à laquelle il lui demande de participer.
La folie est contagieuse, ou du moins modifie le tempérament des gens. Emile subit celle de son père, ses mensonges, sa tyrannie, son mépris aussi, et dans un effet miroir, il reproduit le même schéma chez Luca, un camarade de classe fraîchement arrivé dans l'école. Jusqu'à ce que tout cela aille trop loin. Les jeux d'enfants franchissent une limite à laquelle son père ne l'avait pas préparé.
Sa mère vit, elle aussi, à sa manière, cette folie. Elle se mure dans le silence, ombre à la maison qui viendra gratter à la porte de l'armoire dans laquelle est puni son fils. Elle s’adapte, fait tout pour ne pas contrarier son mari. "Tu connais ton père". Ces mots qui justifient, ces mots qui excusent, ces mots qui mettent un voile sur l'horreur."