07/12/2025
Nouvelle lettre de Jean Pélissier, Praticien en Médecine Traditionnelle Chinoise.
Chèr(e)s ami(e)s,
Il existe dans nos vies des blessures profondes, des nœuds anciens qui continuent parfois d’assombrir nos jours sans que nous en ayons pleinement conscience.
Le pardon, loin d’être un simple concept moral, est l’un des plus grands gestes de libération intérieure. C’est une respiration profonde, une paix qui revient, un espace qui s’ouvre là où tout semblait stagnant.
Dans mon nouvel « Éloge du pardon », je vous invite à explorer cette force sans nul autre pareil, ce mouvement intérieur capable de dissoudre les poisons émotionnels qui nous retiennent : la colère, la rancune, la culpabilité, les regrets.
En Médecine Traditionnelle Chinoise, le pardon est véritablement une médecine du cœur et du Foie — il remet le Qi en mouvement, apaise les tensions internes et permet à l’esprit de retrouver sa clarté.
Pardonner ne signifie ni oublier, ni excuser.
Pardonner, c’est choisir la paix plutôt que la tension mentale, la liberté plutôt que l’attachement au passé. C’est refuser de laisser une blessure décider de notre présent.
Et parfois, c’est à nous-mêmes que nous avons le plus de mal à pardonner.
À travers le regard du taoïsme, nous verrons que le pardon est un acte de force et non de faiblesse : il nous ramène dans le flux du Dao, il restaure la souplesse du cœur, il éclaire notre Shen (l’Esprit) et il nous rend à notre propre souveraineté.
Puisse ce nouvel Éloge vous offrir un souffle plus léger. Puisse-t-il vous aider à relâcher ce qui entrave encore votre cœur et à retrouver cet espace intérieur où la vie circule librement. Le pardon est un chemin. Une ouverture.
Une manière douce de redevenir pleinement vivant. Et n'oubliez pas : c'est vous la capitaine de votre vie.
Avec toute mon amitié,
Jean Pélissier
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ÉLOGE DU PARDON
Le Tao nous enseigne que la véritable force ne réside pas dans la réaction, mais dans la paix intérieure. Comme le dit Laozi :
« L’homme de bien ne garde pas rancune. Celui qui suit le Tao agit sans blesser, répond sans blesser, donne sans s’attacher. »
Laozi, Tao Te King, chapitre 49
Le pardon n’est pas un concept, ni une belle idée pour bien-pensants. C’est un souffle, un relâchement, une onde qui circule.
En médecine chinoise, on dirait que c’est un Yao : un vrai médicament, capable de remettre le Qi en mouvement, capable de débloquer les stagnations de l’énergie du Foie, organe lié à la colère, à l’amertume, aux blessures non digérées.
Lorsque l’on pardonne, c’est comme si le Qi se remettait à circuler librement. C’est une alchimie invisible, mais ô combien libératrice.
Et pour cause : le pardon est l’antidote de la colère.
Et la colère, quand elle se retourne contre soi, devient le pire des poisons. Elle s’infiltre dans les tissus, durcit le regard, empêche le sommeil, ronge le cœur. Alors que le pardon, lui, délasse. Il assouplit les tendons, redonne de l’espace à la poitrine, lave l’âme.
Mais attention : le pardon n’est pas un claquement de doigts. Il se travaille. C’est un apprentissage.
Au début, il faut pardonner mille fois par jour. Mille fois revenir dans le cœur, dans le souffle, dans la conscience. Mille fois se dire : je ne veux plus entretenir cette tension, ce poison, ce feu intérieur.
Mille fois s’entraîner à lâcher. Et puis, peu à peu, ça s’apaise.
Comme une mer qui retrouve son calme après la tempête.
Étymologiquement, per-donnare, c’est “donner au-delà”. Donner plus loin que le mal reçu. Offrir un geste qui nous dépasse. Pardonner, ce n’est pas oublier. Ce n’est pas excuser. C’est rompre avec la chaîne de la rancune, de la vengeance, de l’enfermement. C’est refuser de rejouer sans cesse la même scène de théâtre intérieure, où l’on finit toujours blessé.
C’est sortir du rôle, sortir du drame, se désidentifier de la blessure pour retrouver notre souveraineté.
Il y a mille raisons de pardonner.
Peut-être que l’autre n’a pas eu conscience du mal qu’il a fait. Peut-être l’a-t-il fait sciemment, et alors la loi du retour s’en chargera. Inutile d’alourdir notre karma en ajoutant de la haine à la haine.
Et puis parfois, on pardonne parce qu’on sait. Parce qu’on comprend, tout simplement. On a dépassé le besoin d’avoir raison, le besoin d’être reconnu comme victime. On choisit la paix.
Et il y a un autre pardon, souvent plus difficile encore : le pardon à soi-même.
Combien de fois sommes-nous les geôliers de notre propre culpabilité ? Ce sont parfois des mots mal placés, une décision qu’on regrette, une absence, une erreur.
Et nous nous punissons à bas bruit. Mais à quoi bon ? Pardonner à soi-même, c’est reconnaître notre humanité. C’est faire preuve de tendresse envers notre propre imperfection. C’est réintégrer toutes nos parts dans le cercle de l’amour.
Les traditions spirituelles ne s’y trompent pas.
Dans le christianisme, le pardon est associé au pardon du ciel, celui que l’on vient chercher dans le silence du confessionnal. Dans le bouddhisme, c’est un acte de libération du mental.
Dans le taoïsme, on cherche à ne pas se laisser altérer par les actes d’autrui, à rester dans le flux du Dao, sans se rigidifier dans la rancune.
Pardonner, ce n’est pas être faible. C’est être fort au point de ne plus vouloir porter de chaînes. C’est se donner la permission d’être libre. C’est ne pas contaminer son futur avec la boue du passé.
À qui avons-nous encore à pardonner ?
Et surtout : qu’est-ce que cela nous coûte de ne pas le faire ?
Parfois, on croit qu’en tenant bon dans notre rancune, on protège notre dignité. Mais en réalité, c’est nous que l’on enchaîne. Alors qu’un seul acte de pardon peut faire tomber des années de murs intérieurs.
Un seul geste du cœur, et le monde redevient respirable.
Le pardon est une clé. Une médecine.
Un pont invisible qui relie le cœur blessé à l’âme apaisée.
« Pardonner, c’est offrir à l’autre, et à soi-même, la chance d’un recommencement. » François Cheng
Jean Pélissier
(Illustration de l'auteur)
LIEN POUR ACCEDER A LA VIDEO DE CET ELOGE :
https://www.youtube.com/watch?v=UkMWB1xELKU