26/11/2025
Les femmes du lac # episode 7
Ĺa neige est là depuis le 20 novembre.
Constance n’aime pas la neige.
Évidemment, c’est beau, c’est féérique. La neige annonce Noël et réveille en nous l’excitation d’enfant devant le sapin décoré, en attendant les cadeaux.
Mais concrètement, pour Constance, la neige complique tout : rejoindre le banc devant son accès au lac, coincé entre deux grosses pierres, devient une épreuve instable et glissante.
Pour faciliter la progression dans cette moclotte* blanche , Gwendo a improvisé un chasse-neige vivant. Elle a avancé en pas de patinage, suivie de Gallou qui élargissait la trace derrière elle.
Cette petite danse improvisée a permis la navigation de Constance, avec ses bâtons, et sa jambe gauche trop raide qui glissait en arc de cercle derrière elle.
En terminant la marche, Constance donnait le rythme, telle un coach sportif pour faire taire sa mauvais humeur :
— Jambe gauche, jambe droite ! Ça doit chauffer dans les quadriceps !
Et on recommence !
Oui, vous aurez de belles fesses à Noël…
Arrivée près du banc, Gwendo s’est retournée pour admirer leurs traces, comme un skieur qui regarde fièrement sa descente dans la poudreuse depuis le télésiège.
Elle a dit à Constance avec un tendre sourire:
— Regarde le chemin qu’on a parcouru ensemble !
Ce matin Mina est arrivée equipée d’une brosse à neige. Elle a nettoyé le banc des copines d’à côté d’abord et le notre ensuite. Elle a installé sa couverture imperméable pour le confort de l’ assise. Elle s’est activée comme une fée clochette pour la communauté sans se soucier de l’intemperie.
Sur le manche en bois de sa brosse /baguette une inscription écrite au feutre noir : “pour la neige”.
Encore un coup de sa tante, qui a toujours des idées lumineuses et offre des objets , sortis tout droit d’une malle de Mary Poppins, pratiques pour chaque situation de la vie.
Sous ce tourbillon de magie, Gallou a repris instinctivement la petite danse de chasse neige. Elle portait des bottes de neige à franges. Constance la suivait, regardait les franges. Ca lui faisait penser à la marche des sioux , un jeu ou on doit poser ses pas exactement dans l’empreinte de pas de son predecesseur, en silence, donnant l'illusion d'un seul marcheur.
Leur progression dans la neige ce matin n’avait rien de comparable mais les divagations de Constance leur a permis de se souvenir du cri de l’Indien. Tous les enfants le pratiquent en émettant un youyou en tapant d'une main sur la bouche.
Ce même Indien qui, dans les BD ou les dessins animés, parle “depuis le cœur” et se fait toujours rouler par les conquistadors ou les cowboys. Les femmes du lac étaient définitivement indiennes ce matin !
Elles se sont immergées dans le lac, en prière.
Elles ont posé leurs tristesses dans l’eau glacée. Oui ce matin le besoin de leur rituel de bain froid leur avait fait braver la neige avec force de créativité et d’imaginaire. La nécessité de lacher l’inquiétude d’une mère pour son enfant et la tristesse d’une fille pour sa mère partie, la détermination d’occuper pleinement sa place de femme…chacune avait son besoin, sa motivation propre
Ce soir, Constance aime un peu plus la neige. Elle aime surtout cette façon qu’ ont les femmes du lac de transformer le froid en chaleur humaine et le grave serieux en légèreté. Elle sait que les bains froids du lac ont le pouvoir magique de dégeler bon nombre de tristesse et donner le sourire pour la journée.
Constance
* patois vosgien pour dire sauce de la quiche Lorraine. Entre la miguaine et la meurotte, possibilité d'en debattre pendant des heures 🤣
La neige est là depuis le 20 novembre.Constance n’aime pas la neige.Évidemment, c’est beau, c’est féérique. La neige annonce Noël et réveille en nous l’excitation d’enfant devant le sapin décoré, e…