06/12/2025
Le timonier manoeuvre la barre dans l’obscurité,
Une barque solitaire vire de bord dans la nuit.
Fleurs de roseaux, deux rives enneigées,
Eau brumeuse, automne d’un fleuve.
Le vent soutenant la voile, on se meut sans ramer.
Le son de la flûte appelle la lune, elle descend sur l’île bleue.
Koan zen , Maître Wanshi , 13e siècle .
Traduction : Hokkai Sensei
1. Le timonier manœuvre la barre dans l’obscurité
L’homme est au gouvernail, mais il n’y a pas de route tracée. La nuit représente l’inconnu, l’absence de repères. Le geste du timonier n’est pas une lutte, mais une simple orientation dans l’espace vide. Dans le zen, cela évoque la pratique dans l’incertitude : marcher, s’asseoir, respirer sans savoir où l’on va, et pourtant avancer.
2. Une barque solitaire vire de bord dans la nuit
La barque est l’être humain, fragile et seul. Elle n’est pas un navire puissant, mais une petite embarcation portée par le courant. Vire de bord : changer de direction, accepter de se retourner. Dans le zen, c’est le retournement de la lumière (un terme souvent employé : hishiryō, la pensée qui se retourne). Le lâcher-prise qui permet de s’ouvrir à une autre rive.
3. Fleurs de roseaux, deux rives enneigées
Beauté sobre, mais aussi dépouillement. Les fleurs de roseaux sont simples, éphémères, et la neige efface les formes. Dans le zen, c’est l’esthétique du vide et de la pureté : rien à ajouter, tout est déjà là. La neige recouvre les distinctions, les dualités.
4. Eau brumeuse, automne d’un fleuve
Le temps : l’automne, le passage, la maturité, mais aussi la mélancolie.
La brume : l’impermanence, l’incertain.
Le fleuve : la vie, qui s’écoule sans fin. Ici, tout est mouvant, insaisissable.
Dans le zen, cela rappelle que chaque instant est complet, même s’il est brumeux.
5. Le vent soutenant la voile, on se meut sans ramer
Non-agir (wu wei). L’action juste est celle qui s’aligne avec le vent, avec la réalité telle qu’elle est. Pas besoin de forcer, de ramer contre le courant. C’est l’art d’être porté. Le zen enseigne que l’on ne pratique pas pour atteindre, mais qu’on se laisse pratiquer par la vie.
6. Le son de la flûte appelle la lune, elle descend sur l’île bleue
Le geste le plus simple : souffler dans une flûte , touche l’univers.
La lune descend : image de l’éveil, de l’évidence. Il n’y a pas d’effort, pas de conquête : le cosmos répond spontanément à la sincérité de l’instant. La musique est le souffle vital, et la lune l’esprit pur qui se reflète.
Jô Shin
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