28/03/2025
Harcèlement scolaire : comprendre les profils des harcelés et des harceleurs
D'après une enquête nationale de 2023, plus d'un élève par classe serait victime de harcèlement ; une situation définit par des agressions intentionnelles et répétées avec un déséquilibre de pouvoir, qui peuvent être physiques, verbales, ou sans confrontations directes (réseaux sociaux, rumeurs).
La tranche d’âge la plus concernée par le harcèlement scolaire se situe entre 12 et 15 ans, et qu’il touche plus souvent les garçons à la fois en tant que victimes et harceleurs, même si les jeunes filles sont de plus en plus exposées au cyberharcèlement et plus impliquées dans le harcèlement relationnel.
Les protagonistes
Dans le contexte du harcèlement, six groupes ont été identifiés :
-les harceleurs proactifs,
-les harceleurs réactifs,
-les harceleurs-victimes et les victimes,
-les témoins passifs,
-les défenseurs;
-les suiveurs.
Ces derniers sont soit des « assistants » avec un rôle actif, soit des « renforceurs » qui soutiennent l’action de harcèlement (par exemple, par des rires…).
Concernant le profil des harceleurs, des études ont montré que les harceleurs proactifs, qui initient l’agressivité de façon active, ont souvent moins d’empathie cognitive (compréhension des émotions) et affective (ressenti des émotions) alors que leur intelligence sociale est plutôt normale voire positive. Ils sont donc généralement plus « populaires » que les harceleurs réactifs, les victimes et les autres. Il s’agit de contrôleurs bi-stratégiques. Ils utilisent des stratégies coercitives et des stratégies prosociales pour atteindre des objectifs.
Les harceleurs réactifs, qui réagissent à une menace, peuvent être des victimes qui deviennent harceleurs. Ils ont habituellement moins d’empathie cognitive et affective mais aussi moins d’intelligence sociale. Ils sont plus neutres et moins populaires.
En ce qui concerne les victimes (et les harceleurs victimes), il n’existe pas d’association claire avec les caractéristiques socio-émotionnelles, mais sont observés une moins bonne estime de soi, plus d’isolement et moins de popularité, d’après l’étude de K**a Imuta et coll. publiée dans le Psychological Bulletin en 2022.
Les harceleurs victimes représentent environ 10 % des harceleurs. « Mais, c’est le groupe qui a le plus de facteurs de risque et le pronostic le plus négatif. Ils sont eux-mêmes victimes de plusieurs types de harcèlement. Ils ont plus de difficultés d’ajustement social, de difficultés scolaires et sociales versus les harceleurs non-victimes. Ils ont plus de troubles internalisés (anxieux, dépressifs), plus de troubles externalisés, notamment TDAH et TOC et sont souvent rejetés socialement. Plus ils sont exposés, plus les symptômes anxieux, dépressifs, la faible estime de soi, voire PTSD vont augmenter dans le temps. Les harceleurs victimes ont très souvent un coping inefficace. Par exemple, ils se battent, crient, jettent les affaires des autres. La contre-agression est très fréquente. Ils ont un sentiment d’impuissance.
Sur les témoins passifs, dans les études, il ne ressort pas grand-chose en termes d’empathie et d’intelligence sociale mais plutôt des facteurs contextuels avec une moindre auto-efficacité sociale.
Les suiveurs semblent avoir moins d’empathie affective, moins d’intelligence sociale.
Les défenseurs auraient beaucoup plus d’empathie cognitive, affective et plus d’intelligence sociale. Ce sont des jeunes populaires. Dans cette catégorie, les filles sont plus représentées que les garçons.
Quelles sont les motivations des actions de harcèlement ?
Le harcèlement survient dans près de 85 % des situations dans un contexte collectif, selon la littérature.
Les motivations sont diverses : démonstration de pouvoir social, désir de montrer une appartenance à un groupe.
Le harcèlement peut aussi être motivé par le besoin d’évacuer une tension, un stress. « Il peut arriver qu’une victime devienne harceleur pour échapper à la situation de contrainte ou pour se défendre ou se venger. »
Il existe aussi des situations où le harcèlement est lié à l’excitation, la recherche de sensations.
Des facteurs de risque individuels multiples
Concernant les harceleurs, des facteurs de risque individuels peuvent intervenir comme un trouble du comportement externalisé de type perturbateur, les troubles oppositionnels avec provocation, les troubles de conduite, un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité « mais dans ce contexte-là, l’impulsivité est une composante probablement très importante ».
Les jeunes concernés peuvent avoir des émotions prosociales limitées et des traits narcissiques, des représentations positives des comportements agressifs, des stratégies de désengagement moral « c’est-à-dire de considérer que l’on n’est pas responsable, que c’est l’autre qui a embêté en premier… ».
Repérer les situations, identifier les processus et les rôles, les facteurs favorisants et surtout les facteurs modifiables (troubles externalisés, les TDAH). Il faut différencier le harcèlement d’autres formes d’agressivité ou de troubles du comportement.
Soutenir les stratégies efficaces, mobiliser les suiveurs et les témoins pour les avoir du côté de la défense, renforcer les compétences prosociales des harceleurs et les stratégies de coping adaptées et rester vigilant dans le temps.
Mettre fin au harcèlement en travaillant sur les valeurs de la classe en renforçant les motivations des harceleurs à l’arrêt.
S’appuyer sur la théorie des systèmes écologiques ce qui signifie, sortir du silence, coopérer avec les acteurs (pairs, parents, enseignants), impliquer les parents et développer un réseau.
C'est un travail collectif qui doit se faire à tous les niveaux.