21/10/2025
Quand le cerveau protège une mémoire blessée …
Avez-vous déjà eu cette impression étrange… de savoir qu’il s’est passé quelque chose, sans pouvoir vous souvenir de quoi ?
Ou au contraire, de ressentir une émotion forte – peur, tristesse, colère – sans comprendre d’où elle vient ?
Ce n’est pas une simple impression : c’est le cerveau qui active ses mécanismes de protection.
Quand une personne vit un choc intense tel violence, abus, accident, guerre, perte…, deux systèmes, deux structures du cerveau qui sont des parties du système nerveux central impliquées dans le traitement des émotions et de la mémoire se mettent en alerte :
• l’amygdale, qui gère la peur et le danger,
• l’hippocampe, qui enregistre les souvenirs et les situe dans le temps.
Lors d’un traumatisme, l’amygdale s’emballe et l’hippocampe se fige.
Résultat : l’expérience est vécue… mais pas intégrée.
Le souvenir reste “hors du temps”, sous forme d’impressions sensorielles, d’images, d’émotions brutes, sans chronologie ni mots, comme un fragment gelé.
Alors, c’est l’amnésie, soit l’amnésie dissociative, soit l’amnésie traumatique : une barrière inconsciente qui protège la conscience d’une douleur insupportable.
L’amnésie dissociative : le cerveau “met de côté”.
Cette dissociation n’est pas un choix. Elle permet de continuer à fonctionner en mettant la douleur hors de la conscience.
Face à une douleur trop forte, le psychisme coupe la connexion.
Ce n’est pas un oubli volontaire : c’est une mise à distance inconsciente.
La personne peut continuer à vivre, aimer, travailler…
Mais un pan de sa mémoire reste inaccessible.
Un jour pourtant, une émotion, un rêve, une thérapie peut rouvrir la porte. Car la mémoire, elle, n’a jamais disparu.
L’amnésie traumatique : la mémoire gelée
Pour les traumatismes majeurs, le souvenir peut rester fragmenté ou totalement absent pendant des années. Flashs, images ou émotions intenses peuvent surgir de manière inattendue.
Dans les traumatismes graves, la mémoire se fragmente.
Les souvenirs ne forment plus une histoire, mais des morceaux épars : une odeur, une image, un bruit, une peur.
Cette dissociation est une réaction de survie.
Elle permet de continuer à exister, même quand l’horreur est indicible.
Et quand la sécurité revient — parfois des années plus t**d, souvent en psychothérapie —, le cerveau relâche peu à peu sa garde.
Les souvenirs reviennent, parfois brutalement, comme si le corps disait enfin : "Tu peux maintenant te souvenir, tu es en sécurité.”
Rien n’est vraiment oublié :
Même quand la mémoire consciente se tait, le corps, lui, se souvient avec des cauchemars, de l’anxiété, des réactions disproportionnées, des comportements d’évitement…
Ce que la parole n’a pas pu dire, le corps le répète.
C’est pourquoi la psychothérapie joue un rôle essentiel :
elle n’oblige pas à “retrouver” les souvenirs, mais aide à les réintégrer, à redonner du sens et une cohérence à ce qui a été vécu.
Peu à peu, le passé retrouve sa place dans le récit de soi et cesse d’être une menace dans le présent.
Texte Francine Baraban