27/11/2025
Être ailleurs : La pensée est une forme de transe auto-induite : je vais dans le passé ou me projette dans le futur ; dans tous les cas, je ne suis pas là, je ne suis pas présente, je ne suis pas consciente "d'où je suis". Le système nerveux, pour se réguler, a besoin de savoir où il se trouve.
Où suis-je dans l'espace ? : La proprioception est la capacité de savoir où se trouvent les différentes parties de notre corps sans avoir besoin de “voir” son corps. Où est mon corps, comment est-ce que je me tiens, comment je bouge, quelles sont les limites entre mon corps et le reste du monde ?
Que se passe-t-il à l'intérieur de moi ? L’intéroception est la capacité à ressentir et capter les sensations corporelles. Je ressens et évalue mes fonctions physiologiques : mon coeur qui bat, ma respiration, ma température, mes douleurs organiques, mes sensations émotionnelles, bref, dans quel état j’erre. En développant l’intéroception, je développe aussi ma capacité à les réguler.
La dissociation par la pensée : Quand je passe mon temps à "penser", à des trucs réels ou imaginaires, mon système ne sait pas où il est. Nous ne sommes pas là, nous sommes dans une transe, qui conduit en général à des sensations anxieuses.
La pensée est un processus normal et nécessaire, mais à quel niveau ce processus mental me dissocie de moi ? Me dessert et me rend agité, m'amenant à toujours plus de désirs d'évasion de moi, de transe, par addiction, jusqu'à ne plus être capable de savoir même où on est, ce qu'on ressent et ce que notre corps nous raconte.
Prendre des décisions : Prendre du temps pour conscientiser et développer régulièrement la proprioception et l’intéroception contribuent à réguler le système nerveux, notre système émotionnel. J'aiguise mes sensations afin de prendre de meilleures décisions puisque mon corps m’informe en continue des directions à prendre, SAUF si je suis en permanence en dehors de moi-même auquel cas le dialogue avec mon corps est embrouillé, ce qui me donne envie de le fuir davantage, etc.
L'inconfort de la présence à soi : L’inconfort à “entrer” dans ses perceptions et l’agitation que cela occasionne, est particulièrement fort sur des systèmes traumatisés, stressés de manière chronique et/ou vidés, épuisés, en convalescence... Le mode dissociatif étant le mode par défaut, revenir en soi est douloureux.
C’est pour ça qu’il faut y aller progressivement. Mais c’est pas pour ça qu’il ne faut pas y aller du tout.
Développer sa conscience de soi et de son corps, re-brancher le système nerveux à vouloir ce qui lui fait du bien plutôt que ce dont il a l’habitude, cela prend des années. C’est long, fastidieux. Mais c’est aussi l’un des plus gros assets que l’on gardera avec nous pour notre vie et qui fera aussi du bien à notre entourage.
Ce qui est particulièrement intéressant pour ceux qui comme moi présentent un ou des neurodivergences.
Et cela commence avec quelque chose de tellement simple et difficile :
Où suis-je ? Qu’est ce que je ressens en dessous de moi ? Autour de moi ? Le sol, ma chaise. Les couleurs autour. Qu’est ce que je tiens dans ma main ? Comment je ressens la pièce autour de moi ? Où est le Nord ?
Comment je respire ? Est ce que j’ai chaud, froid ? Comment bat mon coeur ? Comment je digère ?
Tous les jours.
C’est pas une pilule.
C’est pas miraculeux.
C’est long. C’est de la conscience, c’est de la présence, c’est du temps, c’est de l’espace.
C’est parfois pénible. Mais sentir que l’on a du mal, qu’un petit truc s’agite intérieurement et nous en “empêche” est déjà une façon d’être plus conscient.
Et petit à petit, donne à l’esprit l’envie de rester dans le corps plutôt que d’en partir.