30/11/2025
Ambulanciers : soignants sur la route, coupables devant la justice.
Chaque jour, des centaines d’ambulanciers privés, mandatés par le SAMU, prennent la route pour aider des vies. Prioritaires par la loi, indispensables au système d’urgence français, ils sont pourtant traqués, verbalisés et diabolisés. Un paradoxe cruel qui révèle une profonde méconnaissance, voire une forme de malveillance institutionnelle, dans la gestion de leurs droits et devoirs.
Le Code de la route semble pourtant clair : les véhicules sanitaires urgents mandatés par le SAMU bénéficient de la priorité absolue (articles R311-1 et R415-7). Pourtant, sur le terrain, ces ambulanciers sont souvent pris pour cible. Des radars, des contrôles policiers, et surtout une malveillance disproportionnée de la part du centre de traitement des PV de Renne. Pourquoi ? Parce qu’ils portent un gyrophare et une sirène, instruments légitimes de leur mission, mais que la société civile, les médias et parfois même les forces de l’ordre assimilent à un simple abus de priorité.
Pourquoi ce flou juridique et social ?
La source de cette injustice tient en grande partie à un flou dans la loi et dans la perception même du rôle des ambulanciers privés. La phrase souvent citée dans les textes : « justifié par l’urgence » est à la fois nécessaire et source de confusion. Qui décide, et comment, ce qu’est une urgence justifiant l’usage des signaux prioritaires ?
Le flou s’installe à plusieurs niveaux :
Privé ou public ? Le fait que l’ambulance soit privée sème le doute dans la conscience collective et même chez certains agents des forces de l’ordre, qui ont tendance à considérer que la priorité est réservée aux services publics (pompiers, SMUR), ignorant que l’ambulance privée mandatée par le SAMU est partie intégrante de la chaîne de secours.
La définition de l’urgence : L’urgence médicale est un concept à la fois technique et subjectif. La loi ne donne pas une définition précise, ce qui laisse une marge d’interprétation énorme à la fois par la justice et par les policiers.
Qui décide du degré d’urgence ? Dans bien des cas, l’ambulancier diplômé d’État est seul décisionnaire sur la route avec son binôme. Le médecin du SAMU n’est pas systématiquement à bord, loin de là. Et un état de mal peut se dégrader rapidement, surtout dans un environnement hostile comme la route.
L’ambulancier : un professionnel formé, autonome et responsable
L’ambulancier diplômé d’État bénéficie d’une formation rigoureuse, comprenant à la fois les gestes d’urgence médicale mais surtout l’évaluation de l’État clinique du patient et ses changements éventuels. Il est donc pleinement qualifié pour décider, en temps réel, de l’utilisation ou non des sirènes et gyrophare. Il ne s’agit pas d’un simple chauffeur, mais d’un acteur médical à part entière.
Il serait grand temps que la justice reconnaisse enfin ce diplôme et cette responsabilité.
Le choix de l’ambulancier est fondamental :
Il allume ses signaux uniquement quand la situation médicale le justifie.
Il évalue en permanence le risque pour les patients, lui-même, et les autres usagers.
Il assume un équilibre délicat entre rapidité et sécurité.
L’abus n’a pas sa place, et il est normal qu’un ambulancier soit sanctionné s’il dépasse les bornes. Mais à l’inverse, l’abus de procédure et la suspicion systématique doivent cesser.
Un témoignage édifiant : 14 mois de procédure pour une urgence vitale
« J’ai été verbalisé à 60 km/h au lieu de 50, alors que j’avais le médecin et l’infirmière du SAMU à bord de mon ambulance, pour une urgence cardiaque, vitale absolue. J’étais escorté par le véhicule du SMUR et pourtant, j’ai subi 14 mois de procédure, avec cinq rejets par le tribunal, avant d’être enfin relaxé. »
Ce témoignage, malheureusement loin d’être isolé, illustre l’absurdité et la lourdeur des procédures judiciaires auxquelles sont confrontés les ambulanciers privés.
Retrouvez en pièce jointe le délibéré du tribunal de police. Remarquez qu’à la fin, le greffe n’a pas pu s’empêcher de rajouter cette petite phrase assassine…
Une justice à deux vitesses
Les chiffres sont accablants : 99 fois sur 100, les procès-verbaux dressés contre ces ambulanciers aboutissent à leur relaxe. Pourtant, la procédure est longue, lourde, coûteuse. Des mois, voire des années d’angoisse et d’incertitude. Combien d’ambulanciers ont vu leur dossier traîner en justice, payant le prix fort pour un droit pourtant inscrit dans la loi.
Le libre arbitre des ambulanciers face aux sirènes
Contrairement aux pompiers, qui sont tenus d’utiliser systématiquement la sirène dès leur départ, même pour des interventions non urgentes, les ambulanciers privés, eux, gardent un libre arbitre du fait de leur formation initiale et leur compétence
Ils choisissent d’allumer gyrophare et sirène uniquement lorsque la situation médicale l’exige. Cette différence fondamentale est rarement expliquée dans les médias et incomprise par le grand public.
Les médias et les tribunaux : entre méconnaissance et stigmatisation
La couverture médiatique est rarement équilibrée. Les ambulanciers sont souvent dépeints comme des chauffards inconscients, responsables d’infractions graves.
Cette stigmatisation influence la perception publique et, par ricochet, les décisions judiciaires initiales, même si elles sont souvent finalement annulées.
Que faire pour lever ce flou et protéger les ambulanciers ?
La situation ne peut plus durer. Il est urgent que la loi soit clarifiée, que la justice soit mieux formée, et que la profession se mobilise enfin collectivement. Voici quelques pistes concrètes :
1. Clarifier la loi sur la notion d’urgence et la priorité des ambulances privées
La formulation actuelle, floue et sujette à interprétation, doit être r***e. Le législateur doit préciser sans ambiguïté que les ambulances privées mandatées par le SAMU bénéficient des mêmes droits de priorité que les véhicules publics, dans le cadre des missions d’urgence.
Il faut aussi définir clairement ce qu’est une urgence, en reconnaissant la capacité de l’ambulancier diplômé d’État à évaluer la situation et décider de l’usage des signaux lumineux.
2. Former les forces de l’ordre à la réalité du terrain
Une campagne de formation et de sensibilisation auprès de la police, de la gendarmerie et des tribunaux s’impose, pour lever les malentendus qui conduisent à une surveillance injustifiée des ambulanciers.
Cette formation doit être dispensée au niveau national, dans les écoles de police, et relayée régulièrement.
3. Impliquer les syndicats Ambulancier
Ces instances représentent la profession : elles ont le devoir de défendre leurs salariés sur ce front juridique et médiatique, et non de se limiter à la gestion des conflits sociaux classiques.
Elles doivent créer des groupes de travail dédiés à ce sujet, produire des documents juridiques, interpeller les ministères (Santé, Intérieur, Justice), et lancer des campagnes de communication grand public.
4. Exiger des grands groupes ambulanciers qu’ils protègent leurs salariés
Il est regrettable que certains grands groupes préfèrent investir dans leur image de marque plutôt que dans la défense réelle de leurs ambulanciers.
La pression syndicale et collective doit les contraindre à changer cette posture, sous peine de perdre la confiance des professionnels qui font tourner leurs structures.
Une urgence pour la sécurité de tous
Mettre fin à ce flou et à cette injustice, ce n’est pas seulement protéger une profession ; c’est garantir que les secours puissent intervenir rapidement et sereinement, sans être freinés par des procédures abusives ou un manque de reconnaissance.
L’enjeu dépasse le secteur ambulancier : c’est un enjeu de santé publique.
Note aux ambulanciers : votre statut prioritaire expliqué
Oui, vous êtes bien prioritaires sur la route lorsque vous intervenez dans le cadre d’une mission mandatée par le SAMU. Ce statut est reconnu par la loi et indispensable au bon fonctionnement du système d’urgence.
Mais attention : cette priorité doit être (à ce jour) justifiée par l’existence réelle d’une urgence médicale avérée. En cas de contrôle ou de verbalisation, vous devez pouvoir expliquer et démontrer, si besoin devant un tribunal, pourquoi vous avez utilisé vos signaux prioritaires (gyrophare et sirène).
Notre conseil :
Utilisez ces signaux avec parcimonie, discernement et bon sens.
N’allumez pas gyrophare et sirène comme un « jeu » ou une habitude, mais comme un outil strictement dédié à la protection de la vie.
Soyez capables d’argumenter votre choix, en vous appuyant sur votre formation, votre expérience et l’état du patient.
Cette responsabilité fait partie intégrante de votre métier : être prioritaire n’est pas un privilège, c’est un devoir. En l’assumant avec sérieux, vous protégez non seulement vos patients, mais aussi vous-mêmes.
En attenant une vraie loi et une vraie reconnaissance…
Bastien B.