01/11/2025
LE COIN DE L’APOTHICAIRE : épisode 49
La nature peut se montrer parfois sans pitié ; Comme quand le dimanche 5 janvier 1941, les corps sans vie d’une institutrice et de sa sœur étaient retrouvées se tenant par la main, couverts de glace et recroquevillés au pied d’un arbre recouvert d’un linceul de givre, dans un bosquet de la colline de Colobrières. Deux nouvelles victimes d’un évènement climatique aussi soudain que traître et pour lequel les habitants de ces rudes contrées avaient tenter de trouver une solution : connaissez vous les clochers de tourmente ?
Le clocher de tourmente désigne une construction que l’on trouve exclusivement dans cinq hameaux du flanc nord du Mont Lozère, avec une exception pour celui du Mas de Truc en Ardèche. Il s’agit d’un ouvrage de maçonnerie simple, modeste, en granit, roche prédominante de ces massifs, et supportant une unique et petite cloche, le tout surmonté d’une croix en fer ou en pierre. Certains sont munis d’une petite loge pour le sonneur, ménagée dans l’épaisseur de la base. Ils ne sont pas si anciens que leur aspect pourrait le laisser croire, la rudesse des hivers les ayant patiné, puisque leur construction remonte au début du 19ème siècle.
Bâtis au cœur de ces hameaux isolés dépourvus d’église par les habitants eux-mêmes, le rôle originel et remarquable de ces clochers était de permettre aux voyageurs (prêtres, marchands de sel, colporteurs…) de ne pas s’égarer et périr, si par malchance ils se trouvaient pris dans la « tourmente ». Ce terme désigne une redoutable intempérie qui naît en altitude au cours des rudes hivers, lorsque chutes de neige et bourrasques de vent violents se conjuguent pour balayer ces immensités désolées, faisant perdre à l’infortuné voyageur tous ses repères.
Ainsi dès que sévissait la tourmente, mais aussi par temps de brouillard, les habitants, bravant la froidure et les bourrasques, faisaient sonner la cloche à intervalles réguliers, parfois nuit et jour, redonnant un espoir de salut aux malheureux en perdition, à la manière du phare aperçu par le marin affrontant la tempête, afin qu’ils puissent s’orienter vers les habitations. En plus de cette fonction salutaire, le clocher de tourmente rythmait la vie de ces hameaux isolées, sonnant l’angélus, le glas, signalant les naissances. Signe de son importance, il est très souvent bâti à côté, voire sur le toit du four à pain communal, tout aussi indispensable.
Les croyances locales vont jusqu’à lui prêter des vertus apotropaïques, c’est à dire le pouvoir de conjurer le mauvais sort et détourner les influences maléfiques (comme repousser les orages ou la grêle).
Les voies de communication s’étant grandement améliorées depuis deux siècles, les cloches sont toujours là mais ne sonnent désormais plus lorsque règne la tourmente.
Le mois prochain, l’histoire d’un alcool pour lequel « qui s’y frotte s’y pique »...
Curiositophil