08/05/2019
" Mes chers parents...
Aujourd'hui, j'ai 10 jours et je pleure.
Je pleure parce que je me sens perdu dans ce grand monde, comme un puzzle en milles morceaux. J'ai peur alors je pleure.
Grand-mère vous a dit qu'il fallait me laisser pleurer pour que j'apprenne à me calmer seul et que vous ne deveniez pas les esclaves d'un bébé. C'est ce qui a été fait parce que vous pensiez que c'était la bonne chose à faire. Alors, au fil du temps, je n'ai plus pleuré...
Aujourd'hui, j'ai 10 mois et je crie.
Je crie parce que je me sens frustré dans mes acquisitions, j'aimerai pouvoir faire plus mais c'est difficile. Je suis fâché que ça ne fonctionne pas alors je crie.
Un ami vous a dit que j'étais vraiment trop impatient et qu'il fallait me punir pour ne pas que je prenne la mauvaise habitude d'obtenir de vous ce que je voulais grâce à mes cris. C'est ce qui a été fait parce que vous pensiez que c'était la bonne chose à faire. Alors, au fil du temps, je n'ai plus crié...
Aujourd'hui, j'ai 2 ans et je mords.
Je mords parce que je ressens tout un flot d'émotions que je ne comprends pas et n'arrive pas du tout à gérer. Je n'arrive pas à m'exprimer alors - un peu comme une action/réaction - je mords.
Une maman de la crèche vous a expliqué que lorsque son enfant faisait pareil, elle l'a mordu elle aussi, pas trop fort, pour lui faire comprendre que ça faisait mal, et que depuis, il n'avait plus jamais mordu. C'est ce qui a été fait parce que vous pensiez que c'était la bonne chose à faire. Alors, au fil du temps, je n'ai plus mordu...
Aujourd'hui, j'ai 4 ans et je suis triste.
Je suis triste parce que je n'ai pas pu jouer avec ma copine durant la récréation. Il y en avait bien d'autres des enfants, mais j'avais vraiment envie de jouer avec elle, alors je suis triste.
Le maître a dit que j'avais fait preuve de mauvaise volonté ce jour-là, et qu'il ne fallait pas que vous écoutiez de trop mes états d'âme qui étaient plutôt un alibi pour n'en faire qu'à ma tête. C'est ce qui a été fait parce que vous pensiez que c'était la bonne chose à faire. Alors, au fil du temps, je ne montrais plus lorsque j'étais triste...
Aujourd'hui, j'ai 8 ans et je suis perdu.
Je suis perdu parce qu'il s'est passé quelque chose avec un adulte que je ne comprends pas. J'ai peur, j'ai honte, je me sens coupable, je n'ai pas dis Non, je ne suis pas parti, j'ai attendu que ça passe, alors je suis perdu.
Cet adulte m'a dit de me taire, que ce serait "notre secret", et que de toutes façons personne ne m'écouterait, tout comme personne ne m'écoutait vraiment depuis toujours. Je ne suis pas certain qu'il ait tors... Alors, à partir de cet instant, je me suis tût...
Aujourd'hui, j'ai 16 ans et je colle à l'image que vous voudriez avoir de moi.
Comme cela m'a été appris depuis ma naissance, je ne pleure pas, je ne crie pas, je ne me fâche pas, je suis lisse, je passe sous le radar, je suis une coquille vide qui fait semblant de tout pour correspondre à ce que l'on attends de moi...
Aujourd'hui, j'ai 35 ans et j'explose.
J'explose mes peines, mes angoisses, mes colères, tout ce qui a été confiné dans un coin de ma tête, de mon cœur et de mon corps depuis ma naissance. Je veux laisser de la place pour les émotions positives. Alors, au fil du temps, je m'ouvre, vous comprends et vous pardonne chers parents, parce que tout ce que vous avez fais, vous pensiez que c'était la bonne chose à faire... "
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Et si nous tentions de comprendre les émotions de l'enfant, de leur laisser une place, des les accueillir avec compréhension et empathie, de les accompagner plutôt que de faire taire des comportements qui ne correspondent pas à notre image l'enfant idéal... ?
Et si nous intégrions qu'en écoutant réellement nos enfants pour ce qui nous semblent être des "broutilles", ils n'hésiteraient pas à venir nous parler lorsqu'ils traverseraient de plus grosses difficultés... ?
Et si nous nous rendions compte à quel point l'accompagnement de l'enfant d'aujourd'hui impactera l'adulte qu'il sera demain... ?
Et si....