04/11/2025
Aidant...
Les aidants ne craquent pas parce qu'ils sont fragiles... ils craquent parce qu'ils portent tout seuls un pays entier ... et voici ce qui ressort des auditions du 24 septembre 2025 à l’Assemblée nationale :
1. L’État n’assume pas sa part. On fait porter la prise en charge sur les familles > Luc Gâteau (Unapei) explique que les ruptures de prise en charge arrivent tout le temps, pour les enfants comme pour les adultes en situation de handicap. Quand une structure n’existe pas, n’a pas de place ou n’est pas adaptée, ce sont les familles qui “bouchent les trous”, à la maison.
En clair ? pas de solution, donc c’est toi la solution...
Le collectif Handicaps dit pareil : faute de vraies politiques publiques ambitieuses en santé mentale et handicap, l’accompagnement repose “en grande partie sur les aidants”. Ils ajoutent que ces aidants sont peu valorisés, invisibilisés, alors qu’on leur demande d’assurer à la place d’un système qui ne répond pas.
Conséquence psychique directe :
Hyper-responsabilité permanente (“si je lâche, tout s’écroule”) + culpabilité si on ose demander du répit (qui n'existe presque pas) + Impossible de baisser la garde = charge mentale chronique, et donc usure émotionnelle profonde...
C’est exactement ce que les députés ont entendu : la santé mentale des aidants se dégrade parce que non seulement on leur a transféré le rôle de l’État sans leur donner la protection psychologique, matérielle, financière ni le répit qui va avec.
2. On parle de “droits”, mais ces droits ne sont pas effectifs > Luc Gâteau rappelle que certains droits existent sur le papier (accès aux soins, accès aux aides humaines, accès à l’éducation, au logement, etc.) mais ne sont pas réellement garantis dans la vraie vie. Résultat : délais énormes, refus de prise en charge, orientations vers des structures inadéquates.
En gros là encore > Quand le droit n’est pas appliqué, c’est la mère/le père qui compense, mais pas l’administration...Et cette compensation devient un travail 24h/24, émotionnellement lourd, injuste et non choisie, ce, souvent sans formation et sans soutien psy.
APF France handicap rappelle aussi qu’en 2025, 20 ans après la loi de 2005, certains droits de base ne sont toujours pas couverts. Exemple très concret donné en audition : l’aide humaine financée par la PCH (prestation de compensation du handicap) ne comprend pas forcément les tâches ménagères, alors qu’on peut déléguer des gestes médicaux très lourds (aide toilette, aspirations trachéo, stomie…), mais pas demander à la personne payée d’aider à faire le ménage. Donc, après des soins lourds, c’est encore la famille qui doit faire tourner la maison.
Mentalement, ça crée quoi ? Un épuisement global, pas seulement “soigner l’enfant”, mais tout tenir autour : linge, vaisselle, paperasse MDPH, coordination entre médecins, école, transport, loisirs, etc. Un espèce de sentiment d’être piégé dans un rôle sans pause possible, ni reconnaissance. On favorise l'émergence du burn-out structurel. Et il est invisibilisé parce que officiellement, “des droits existent” 🤕
3. Il y a une fragmentation totale du système, illisible même pour les pros > Les associations auditionnées décrivent un paysage de dispositifs qui s’empilent : CLIC, DAC, communautés 360, PAS, SPDA, etc. On crée un nouveau dispositif avant que le précédent ne marche, sans coordination réelle entre médico-social, éducation nationale, secteur sanitaire, ASE, France Travail… C’est illisible, même pour eux 🤐
Et qui navigue là-dedans dans la vraie vie ? Dans le 1000> ce sont ... Les parents aidants ! Ce sont eux qui doivent comprendre qui fait quoi, qui finance quoi, qui accepte leur enfant, à quelles conditions.
Charge mentale = gestion de projet administratif + gestion médicale + présence affective 24h/24.
On demande à des parents de devenir directeurs de parcours de soins pluridisciplinaires.
Ça, psychiquement, c’est violent.
Parce que l’erreur admin peut aussi priver l’enfant/adulte de soutien pendant des mois.
Allez un petit 4 : Il n’y a pas de politique globale, pas de pilotage clair, pas de financement clair > Le collectif Handicaps dit que la première défaillance, c’est l’absence d’une politique publique cohérente, pilotée, financée, pensée sur le long terme pour la santé mentale et le handicap. Ils parlent d’un empilement d’annonces et de plans jamais financés ou jamais structurés (feuille de route santé mentale, fonds d’innovation psy, conférences annoncées puis jamais tenues).
Ce qui veut dire > On vit dans l’urgence permanente. Tout est traité au cas par cas. Les familles n’ont aucune visibilité : “Est-ce qu’il y aura une place demain ? Est-ce que mon enfant aura un accompagnement quand je serai trop vieux ?” Cette incertitude permanente est anxiogène. C’est même une angoisse existentielle, pas juste du stress du quotidien.
Luc Gâteau insiste aussi sur l’avancée en âge : qui accompagnera les personnes handicapées quand les parents vieillissent ? Aujourd’hui, il n’y a pas de réponse sécurisée. Donc les parents vivent avec la peur du “qu’est-ce qui lui arrivera quand je ne serai plus là ?” — peur qui est l’une des sources majeures d’anxiété chronique et de dépression chez les aidants.
Tant qu'on est auditionné voici le 5. On manque de professionnels... donc on renvoie la prise en charge au domicile... Il y a une pénurie de professionnels formés et disponibles. Les familles ne savent pas si elles pourront bénéficier d’aide à domicile adaptée, maintenant ou plus t**d. Les élèves/étudiants avec handicap craignent même que faute d’accompagnement, leur avenir pro soit bloqué. Cette pénurie a deux effets directs sur les aidants :
1. Le répit n’existe presque pas. Donc pas de décompression psychique. Quand il existe... il faut encore l'organiser, le coordonner, le rémunérer etc...
2. Les aidants vivent dans l’alerte permanente, parce qu’ils savent qu’il n’y a personne derrière pour prendre le relais si eux tombent.
C’est de l’hypervigilance. À long terme, l’hypervigilance use le sommeil, la mémoire, la capacité à ressentir du plaisir — bref, ça détruit la santé mentale.
6. On ne reconnaît pas que la santé mentale des aidants est un sujet de santé publique et ce point est crucial.
Le collectif dit clairement : les graves défaillances de l’État en matière de santé mentale et de handicap “grèvent lourdement le budget des familles – et celui de la puissance publique”. Ils demandent le développement de solutions d’accompagnement et de logement, des ressources suffisantes, une amélioration du droit à la compensation, et une accessibilité réelle.
Si on ne soutient pas la santé mentale des aidants maintenant (enncreant des solutions adaptées tant qu'à faire ?) , on va payer plus cher plus t**d. Donc ce n’est pas juste une question humaine, c’est une question économique nationale.
Ce qui est dit devant les députés est presque brutal : aujourd’hui, la France signe des textes internationaux sur les droits des personnes handicapées, mais ne respecte pas ce qu’elle signe. Et derrière cette non-application, ce sont les parents aidants qui encaissent physiquement, psychiquement, financièrement.
7. En résumé politique (et c’est ça qui fait mal) Pendant les auditions, les associations ne se sont pas contentées de dire “on est fatigués”.
Elles ont dit :
> Le système actuel fabrique l’épuisement psychique des aidants.
> Cet épuisement n’est pas un accident individuel, c’est le produit direct des défaillances publiques.
> Tant qu’il n’y aura pas de réponses structurelles (places, accompagnement, professionnels formés, coordination lisible, financement durable, prévention vraie), la santé mentale des aidants va continuer de se dégrader....l'Etat crée une épidémie silencieuse de l'épuisement psychique !
Et ça, maintenant, c’est acté noir sur blanc dans une commission d’enquête parlementaire