03/12/2025
DEVENIR ADULTE : UN PASSAGE MANQUÉ POUR BEAUCOUP, UN ENJEU SYMBOLIQUE POUR TOUS :
On croise aujourd’hui de plus en plus d’adultes qui semblent vivre dans un espace intermédiaire : adultes socialement, adolescents psychiquement. Ils assument parfois un métier, un foyer, des responsabilités matérielles… tout en restant intérieurement fragiles, instables, ou incapables de rencontrer les exigences symboliques de l’âge adulte.
Ce phénomène n’a rien d’étonnant. Devenir adulte n’est pas une question d’années accumulées, mais une transformation interne, un déplacement du rapport au désir, à la loi, au manque.
C’est ce passage qui, pour beaucoup, reste inachevé — voire impossible.
Car pour grandir psychiquement, trois opérations sont nécessaires :
1. Se séparer symboliquement : reconnaître que personne ne comblera nos manques fondamentaux, et que la dépendance affective ne peut plus jouer le rôle de refuge absolu.
2. Intégrer la limite : accepter qu’une part de frustration, de renoncement et de responsabilité devienne constitutive de notre vie intérieure.
3. Assumer son désir : cesser de vivre à travers les attentes parentales, sociales, ou les idéaux imaginaires hérités de l’enfance.
Mais ces opérations sont fragiles. Elles demandent une transmission stable, un cadre, une présence suffisamment cohérente.
Or, bien souvent, l’environnement — familial ou sociétal — ne les a pas fournies.
Excès de liberté, surprotection, incohérence éducative, instabilité affective, absence d’étayage symbolique… autant de facteurs qui laissent l’adulte avec, en lui, une adolescence non digérée.
La société contemporaine amplifie encore ce phénomène.
Elle célèbre la jouissance immédiate, la vitesse, l’image, l’évitement du manque. Elle propose mille façons de ne pas sentir la frustration, mille manières de contourner la responsabilité. On ne devient plus adulte : on “vieillit jeune”.
On se retrouve alors à naviguer dans la vie avec un moi fragile, perméable, dépendant des sollicitations extérieures, cherchant en permanence une gratification que rien ne suffit à stabiliser.
Il faut aussi accepter cette réalité, souvent tue :
certains resteront immatures toute leur vie.
Non par mauvaise volonté, mais parce que certaines étapes psychiques essentielles n’ont pas été traversées, parfois de manière irréversible. On peut vieillir biologiquement sans jamais véritablement accomplir le passage symbolique vers l’âge adulte.
Mais à quoi bon devenir adulte, au fond ?
La question est légitime, surtout dans une époque qui valorise la légèreté, l’évitement et l’enfance prolongée.
Pour la psychanalyse comme pour la philosophie, la réponse est pourtant claire :
Devenir adulte, c’est devenir sujet.
Sujet de sa parole, sujet de ses choix, sujet de son existence.
C’est quitter l’attente passive d’un autre qui viendrait nous sauver pour entrer dans l’espace — parfois vertigineux, mais profondément créatif — de l’autonomie psychique.
Être adulte, ce n’est pas s’éteindre ; c’est pouvoir dire “je” en pleine lucidité, sans se dissoudre dans le fantasme ou la dépendance.
Et pour ceux qui se demandent encore si ça vaut la peine :
devenir adulte ne rend pas la vie plus simple, mais elle devient enfin la nôtre.
On peut d’ailleurs devenir adulte tout en gardant son âme d’enfant.
Être adulte ne signifie pas renoncer à la spontanéité, à l’émerveillement ou à la créativité.
L’âme d’enfant n’est pas l’immaturité : c’est la part vive, imaginative, sensible qui continue de nous relier au jeu et au désir.
La maturité consiste justement à tenir ensemble ces deux pôles : un psychisme capable de responsabilité, et un cœur encore ouvert à la joie, au rêve et à la curiosité.
Ce n’est pas l’un contre l’autre : c’est la rencontre des deux qui rend l’existence pleine et vivante.
Et puis, entre nous… on n’a qu’une seule vie :
autant essayer de ne pas la passer éternellement coincé en quatrième B. 😄