RÉPAD Île-de-France

RÉPAD Île-de-France Présentation :
Le RÉPAD est un réseau de psychologues, psychanalystes et psychiatres intervenant à domicile ou recevant en cabinet. C'est aussi un lieu de formation et de supervision des praticiens. Sur rendez-vous.

Présentation du réseau:

Le RÉPAD est un réseau de psychologues, psychanalystes et psychiatres intervenant à domicile ou recevant en cabinet. C'est aussi un lieu de formation et de supervision des praticiens.
Sur rendez-vous.

Accueillir ou se rendre chez toute personne isolée traversant une épreuve, manifestant une angoisse, subissant des situations d'échecs qui se répètent, des personnes désirant tout simplement se confier sur ce qui fait souffrir et qui persiste. Il s’agit par nos interventions de lutter contre la souffrance et la solitude des sujets, quels que soient leur âge ou leurs moyens, n’ayant pas ou plus les ressources physiques ou psychologiques pour se rendre chez le psy.

Le contrôle ou la supervision des praticiens du RÉPAD sont indissociables à la formation des intervenants. Ils sont essentiels dans la mesure où ils permettent d'apporter un regard extérieur, l'articulation d'une autre clinique, de saisir les difficultés, de tous ordres, pouvant être rencontrées lors des consultations.

Au RÉPAD, bien que nous en reconnaissons l’importance, les diplômes universitaires de psychologue ou de psychiatre ne sont pas une caution indiquant que la position de clinicien est pleinement garantie.

Karim Sarroub


Numéro d'agrément préfectoral du 21/09/2003: W751253885

« LE LIVRE DE NICOLAS DEMORAND SUR SA BIPOLARITÉ EST UN PLAIDOYER POUR LA PSYCHIATRIE PUBLIQUE »En cette année faisant d...
07/11/2025

« LE LIVRE DE NICOLAS DEMORAND SUR SA BIPOLARITÉ EST UN PLAIDOYER POUR LA PSYCHIATRIE PUBLIQUE »

En cette année faisant de la santé mentale une cause nationale, la psychologue Laure Westphal, dans une tribune au « Monde », salue le geste du journaliste, qui peut contribuer à une meilleure prise en charge des maladies mentales, en pleine explosion. Encore faudrait-il réinvestir dans les structures de soin, aujourd’hui en déshérence.

L’éclat d’Intérieur nuit, le livre de Nicolas Demorand (Les Arènes), se mesure aux 120 000 exemplaires vendus en librairie et aux multiples remerciements que l’auteur reçoit quotidiennement. « Il y avait dans le pays une masse de souffrance qui n’arrivait pas à se formuler », en a-t-il conclu, dans l’émission « La Grande Librairie » [sur France 5 ] le 28 mai.

En effet, plus d’un tiers de la population française est, ou sera, concerné par une affection psychiatrique. Nul ne sait s’il aura à faire face à sa part d’indomptable ou à celle d’un proche. Les ruptures de l’équilibre psychiques abondent à l’adolescence, après un événement traumatique, ou comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. L’hôpital public peut le traiter, comme Nicolas Demorand l’a découvert après son errance médicale.

A cela s’ajoutent des affections psychiques plus insidieuses : l’essor des dépressions est exponentiel ; les idées suicidaires des jeunes adultes prolifèrent depuis la pandémie ; la prescription de certains psychotropes s’accroît. Aux côtés de services de psychiatrie publique saturés, les consultations chez les libéraux explosent (26 % d’augmentation pour nous les psychologues entre 2019 et 2022, si l’on en croit les statistiques du site Doctolib). La douleur psychique a un coût économique : la maladie mentale était en 2024 le premier poste de dépenses de l’Assurance-maladie.

Le tour de force de Nicolas Demorand est de tenter de faire d’un stigmate un levier. Grâce à un juste diagnostic, les « malades mentaux » pourraient cesser de craindre d’être disqualifiés.

LE PRIX DU DÉNI

Encore aujourd’hui, 50 % d’entre eux préfèrent se taire. Le prix du déni est élevé. Nombreux sont ceux à « s’automédiquer » par des addictions, à exprimer leur mal-être par des somatisations ou des conduites agressives envers eux-mêmes ou autrui. On peut espérer qu’au treatment gap – le re**rd délétère dans la mise en place d’un traitement – se substitue un « MeToo » qui favorise la demande de soins.

La solitude concourt à ce que la maladie mentale soit la première raison des arrêts maladie de longue durée. La « santé » de l’individu dépend en majeure partie de la qualité de son inscription dans le collectif. Avant de s’exposer avec courage, Nicolas Demorand a puisé dans son travail à la radio la force de lutter. La citoyenneté n’est-elle pas thérapeutique ? 35 % des Français déclarent encore, hélas, qu’ils seraient gênés de travailler avec une personne qu’ils sauraient affectée par des troubles psychiques, si l’on en croit des chiffres diffusés par le collectif Santé mentale, grande cause nationale.

A la différence de la bipolarité, la dépression est généralement transitoire. Mais si cette clinique du désespoir n’est pas soignée, elle peut aussi devenir chronique. Les 16 % de Français ayant pâti de traitements discriminatoires ces cinq dernières années sont deux fois plus concernés. La progression du taux d’hospitalisations pour des gestes auto-infligés chez les adolescentes et jeunes femmes est alarmante.

Autrefois qualifiée de psychose maniacodépressive, la bipolarité n’est pas nouvelle. La fonction thérapeutique de l’écriture non plus. « Si je n’inspire pas, j’expire », m’expliquait l’usager suicidaire d’un atelier d’écriture. La douleur prend la forme d’une production et s’assume, par la signature de l’œuvre. Antonin Artaud (1896-1948) et d’autres ont ainsi tenté de sublimer leur chaos interne. Ils ont laissé leur nom à des services de psychiatrie de l’hôpital Sainte-Anne, à Paris.

SU***DE

Les ateliers thérapeutiques d’expression sont pour maints patients précaires, le seul lieu de socialisation. On parle ici des hôpitaux de jour, des centres d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP), cette offre de soin et de réhabilitation dont l’accès avait été facilité par la psychiatrie de secteur. En raison de ses faibles ressources, elle périclite au niveau national.

Certes les psychotropes se sont diversifiés (antipsychotiques, thymorégulateurs, etc.). Ils sont prescrits dans un cadre d’alliance thérapeutique pluridisciplinaire, conjointement à la psychothérapie. Le « malade » y est entendu comme pourvu d’un savoir sur sa maladie et d’un savoir-faire qu’il étaye dans cette relation – ce qu’a permis le démantèlement de la psychiatrie asilaire dans les années 1960.

Mais lorsque les soins sont délayés ou discontinus, ils sont d’autant plus longs et difficiles. Environ 20 % des patients bipolaires non traités décéderaient par su***de. L’espérance de vie de personnes souffrant d’affections psychiques serait réduite de 15 ans par rapport aux autres. Ainsi « soigner les patients sans soigner l’hôpital [reste] de la folie », pour paraphraser [le psychiatre et psychanalyste] Jean Oury (1924-2014).

Pour établir un diagnostic et prescrire, il faut être formé. Des internes apprennent désormais leur métier « sur le tas », dans des services en sous-effectif, accablés de charges administratives. Découragés de s’y épanouir, les médecins et les infirmiers se détournent du secteur psychiatrique.

DÉSERTS PSYCHIATRIQUES

Pléthore de patients attendent, comme Nicolas Demorand, un second souffle. Or, ils sont de plus en plus triés et éconduits par un personnel acculé à pallier le plus urgent. En France, des durées d’hospitalisation écourtées et des déserts psychiatriques laissent des malades en état d’incurie seuls chez eux, dans la rue, ou dans des familles démunies.

En 40 ans, 60 % des lits ont été fermés. Le virage ambulatoire s’est fait avec des moyens réduits. Les listes d’attente y sont au mieux de plusieurs mois, les entretiens écourtés et espacés. En libéral, les généralistes sont trop consultés pour des pathologies psychiatriques. De manière similaire, le dispositif Mon soutien psy est inapte à traiter des patients aux affections graves, nécessitant mieux que des prises en charge multiples chez des professionnels sursollicités et peu concertés.

On peut remercier l’auteur d’Intérieur nuit de son plaidoyer pour l’hôpital public. Les oscillations d’humeurs, les fluctuations que connaît toute affection psychiatrique aiguë ou chronique requièrent l’alternance et la conjugaison de soins menés en hospitalisation complète ou en ambulatoire pour éviter l’errance, non pas diagnostique, mais thérapeutique.

Par Laure Westphal
Psychologue

Le Monde du 24 juin 2025

EN PSYCHIATRIE, UNE PRISE EN CHARGE PRÉCOCE DES JEUNES POUR ÉVITER UNE PATHOLOGIE CHRONIQUEIntervenir au plus près des p...
07/11/2025

EN PSYCHIATRIE, UNE PRISE EN CHARGE PRÉCOCE DES JEUNES POUR ÉVITER UNE PATHOLOGIE CHRONIQUE

Intervenir au plus près des premières manifestations psychotiques chez les adolescents et les jeunes adultes réduit le risque qu’ils basculent dans une psychose durable. Or, l’offre de soins se révèle bien en dessous des besoins et des enjeux de santé publique.

Angelina va bientôt avoir 16 ans. Assise au fond de sa chaise dans le bureau de la docteure Marie-Alix Laroche, elle fait rouler les larges perles grises de son bracelet sous la pulpe de ses doigts. « Tu m’as dit la dernière fois que tu avais la sensation d’être observée, que tu avais l’impression que les autres te voulaient du mal et que tu voyais des ombres, énumère la psychiatre au sein du Centre d’évaluation pour les jeunes adultes et adolescents (C’JAAD), au groupe hospitalier universitaire (GHU) Paris psychiatrie & neurosciences, en ce jour de la fin mai. L’idée est de lister tout ça et de voir comment tu le vis au quotidien. » Angelina, dont le prénom a été modifié, comme celui des autres jeunes interrogés, acquiesce. Pieds croisés et épaules un peu rentrées, elle est accompagnée de sa mère.

« Cela t’arrive-t-il d’avoir des sensations étranges dans ton corps ? », demande la docteure Laroche d’une voix douce, mais pas infantilisante. « Oui, j’ai l’impression d’avoir des insectes qui courent sur ma peau, ou que des trucs me piquent », répond la jeune fille. Elle confie aussi avoir l’impression de ne pas toujours être celle qui pense dans sa tête, comme s’il y avait quelqu’un d’autre. Que lui disent ces pensées ? « De sauter d’un endroit assez haut, glisse Angelina. Mais je ne les écoute pas », ajoute-t-elle.

L’adolescente a été adressée par son pédopsychiatre pour une suspicion de trouble du spectre de l’autisme (TSA) et des symptômes d’allure psychotique. La docteure Laroche lui fait passer un entretien clinique semi-directif afin de mesurer le risque de transition psychotique des symptômes selon l’intensité, la fréquence, la durée et leur impact au quotidien. « Elle présente ce qu’on appelle des symptômes psychotiques atténués, analyse la spécialiste après la consultation. Pour le moment, elle n’adhère pas totalement à ses perceptions, mais leurs répercussions demeurent importantes. »

« Si ces manifestations peuvent se résoudre par elles-mêmes, on sait qu’un tiers de ces jeunes à risque fera un premier épisode psychotique [PEP] », précise la professeure de psychiatrie Marie-Odile Krebs, qui dirige l’unité. Pionnière dans l’intervention précoce en France, elle a lancé le réseau Transition en 2006, avec pour objectif de diffuser ces nouvelles approches sur le territoire.

Le PEP se caractérise par des symptômes psychotiques non plus atténués mais significatifs, durant plus de sept jours et sans disparaître spontanément. A ce stade, le retentissement est évident. Ces PEP peuvent avoir des conséquences dramatiques. Oman, 26 ans, raconte avoir tenté de se su***der après avoir vu sa santé mentale se détériorer durant ses deux années de classe préparatoire scientifique. « Bien souvent, il y a une dégradation progressive de l’état mental – anxiété, difficultés de concentration, isolement –, sans que cela soit ni repéré ni spécifique aux psychoses », explique Valeria Lucarini, psychiatre au sein de l’unité.

« FENÊTRE DE VULNÉRABILITÉ »

« On prend en charge le plus tôt possible les 15-30 ans, les plus à risque de développer un trouble psychique sévère, pour limiter la progression des troubles et de leurs complications », détaille la professeure Krebs. Il a été démontré que la durée de psychose non traitée est corrélée à une évolution défavorable à long terme.

Pour rappel, les psychoses sont des syndromes essentiellement définis par une distorsion de la réalité, avec des manifestations « en plus » (hallucinations, idées délirantes), ou des éléments « en moins » (perte d’envie de faire des choses, manque de cohérence de la pensée). On y retrouve les schizophrénies ou encore les troubles bipolaires, avec une prévalence de 1 % à 2,5 % de la population.

Alors que le cerveau se développe jusqu’à 30 ans, entre 63 % et 75 % des troubles psychiques débutent avant 25 ans. « L’adolescence est une phase d’intense maturation cérébrale, relève le docteur Anton Iftimovici, psychiatre au sein du C’JAAD. Durant cette fenêtre de vulnérabilité, il y a de nombreux facteurs qui, additionnés, peuvent perturber le développement cérébral et favoriser la survenue de troubles. » Et de citer le stress, les prédispositions génétiques, les psychotraumas, la consommation de cannabis ou encore le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et le TSA.

Entre 2020 et 2023, sur les 1 035 personnes suivies par le C’JAAD, 31 % présentaient un diagnostic de TDAH et-ou de TSA. « Ces personnes ont entre trois et quatre fois plus de risques de développer une psychose qu’en population générale », remarque la docteure Lucarini. Les données internationales montrent aussi des taux significatifs de troubles dépressifs chez ces jeunes à risque.

« La plasticité du cerveau à l’adolescence est aussi une période d’opportunité, poursuit Anton Iftimovici. Il peut rattraper et réapprendre. L’idée est de résoudre des problèmes de connectivité des zones entre elles. » L’équipe intervient donc sur les fameux facteurs prédisposants, tout en renforçant les facteurs protecteurs désormais connus : engagement de la famille, sortie de l’isolement, thérapies comportementales et cognitives (TCC), école, emploi… Qu’il s’agisse d’éviter la transition vers un PEP ou la chronicisation de ce dernier, « on propose toujours quelque chose » dans l’espoir d’améliorer la qualité de vie du jeune et son fonctionnement, insiste Valeria Lucarini.

Dans l’approche classique, dite « catégorielle », telle la Classification internationale des maladies, les affections sont distinguées selon des critères. L’intervention précoce, elle, ne tranche pas et se donne du temps. « On peut halluciner sans que ce soit une schizophrénie », explique Anton Iftimovici. « On accepte de soigner sans attendre un diagnostic formel, et c’est un changement de paradigme », ajoute la professeure Krebs, insistant sur la nécessité de « limiter l’impact sur leur trajectoire de vie et de maintenir les jeunes autant que possible dans leur milieu ».

DEUX ANS DE SUIVI

Au C’JAAD, les usagers bénéficient de deux ans de suivi et sont régulièrement vus par un psychiatre. Seulement, ici, conformément aux recommandations internationales, on décentre au maximum la prise en charge autour du médecin pour la transférer au care manager, le terme consacré dans la profession pour évoquer le coordinateur de soins. « Ce dernier joue le rôle crucial de fil rouge de la prise en charge », résume Philippe Conus, professeur de psychiatrie à la faculté de Lausanne, en Suisse, et président de l’Association internationale d’intervention précoce en santé mentale. Ce manageur s’occupe des besoins psychosociaux et des compétences de la vie quotidienne des personnes « dans une perspective d’autonomisation et de réinsertion ».

Justine Picot, care manager au C’JAAD, s’est formée à la psychologie clinique avant de devenir assistante sociale et d’exercer auprès de Marie-Odile Krebs. Aujourd’hui, elle suit vingt-deux usagers : « Au début, je les vois une fois par semaine ou les contacte quotidiennement, et plutôt une fois par mois ou tous les deux mois en fin de suivi », observe-t-elle. La plupart du temps, elle voit les jeunes dans des cafés proches de leur lycée ou de leur université.

« Il y a un très bon feeling, elle est à l’écoute, sympa, et elle a rapidement identifié mes besoins, apprécie Mathias, 30 ans, qui a intégré le C’JAAD à la suite d’une hospitalisation à l’été 2024. Je la préviens si je ne vais pas bien et elle accélère les choses côté médecin. » Bénéficiaire du revenu de solidarité active, il vit chez les parents d’un ami dans l’attente d’une réponse pour un logement. Sa care manager liste les différentes aides auxquelles il peut prétendre pour son emménagement. Le duo enchaîne avec les projets de formation du jeune homme.

« On tisse un lien de proximité particulier, ils ne nous disent pas les mêmes choses qu’à leurs soignants ou qu’à leurs parents », témoigne-t-elle. Les care managers peuvent aussi se rendre à domicile afin d’aider à faire les courses ou la cuisine, d’accompagner pour un premier trajet en métro, voire aux urgences. « On prend le jeune dans sa globalité, avec un objectif de rétablissement », conclut Justine Picot, qui est aussi formée à la sexologie.

En parallèle, le C’JAAD propose des groupes de gestion du stress, de réhabilitation psychosociale – comment interagir avec l’autre – et de remédiation cognitive – travailler sur la concentration et la mémorisation. La structure bénéficie aussi de deux médiatrices de santé-paires, c’est-à-dire elles-mêmes concernées par des troubles psychiques. « J’apporte mon expérience, ma bienveillance et de l’espoir », souligne Elsa, qui intervient dans des ateliers et lors de certaines consultations et propose des entretiens individuels. En tout, l’équipe compte une vingtaine de personnes, dont deux tiers de personnel non médical.

Quant aux médicaments de type antipsychotiques, « ils ne sont pas recommandés s’il n’y a pas de PEP », précise la docteure Laroche. Et pour cause : ils n’empêchent pas la survenue d’un trouble, mais restent clés pour traiter les symptômes d’un épisode caractérisé. « Il faut par ailleurs les prescrire à petites doses, complète la professeure Krebs. A ce stade, les patients répondent mieux aux traitements, mais les tolèrent moins bien, ce que beaucoup de professionnels ignorent. »

DES FAMILLES ASSOCIÉES

Le soutien familial est l’un des autres piliers de l’intervention précoce. « Cent pour cent des proches sont sollicités », selon la spécialiste. Pour les situations de premier épisode psychotique, la structure propose un programme de psychoéducation – I Care-You Care –, avec dix séances de deux heures, à destination des jeunes et de leur famille qui y assistent le même jour mais dans des salles séparées.

Le programme balaie de nombreuses thématiques : le lien entre stress et vulnérabilité cérébrale, la façon de prendre soin de soi, la consommation de toxiques et de jeux vidéo, les changements d’humeur… Côté parents s’y ajoutent des techniques de communication. « On reprend des choses qu’on avait un peu oubliées, comme d’encourager et de féliciter notre enfant dans ses progrès », pointe Bénédicte, dont le fils Léo a fait un PEP en avril 2024. « C’était important pour lui qu’on y participe, se remémore-t-elle. Le soir, on partageait ce qu’on venait d’apprendre et puis on se disait : “Tiens, ce serait bien de mettre ça en place.” »

Dans le jardin du C’JAAD, Elsa, la paire-aidante, retrouve Antoine un mercredi de juin. Alors que la fin de sa prise en charge dans l’unité approche, le jeune homme de 20 ans, qui a connu plusieurs hospitalisations, s’inquiète. « Ici, on m’écoute et je n’ai pas l’impression d’être un moins que rien », confie-t-il. La paire-aidante le rassure : « On ne va pas te lâcher dans la nature comme ça ! » L’équipe se réunira plus t**d pour réfléchir à l’orientation des soins. Selon les situations, cela peut être un arrêt du suivi ou la poursuite de ce dernier en libéral, une redirection vers l’offre de secteur – type CMP – ou vers d’autres structures spécialisées – addictologie, par exemple.

Dans ces services spécifiques, les taux de transition des jeunes à risque de psychose vers un PEP sont de 10 % à 15 %, contre 30 % à 40 % avec un seul suivi en psychiatrie. Selon une méta-analyse d’essais cliniques randomisés parue dans JAMA Psychiatry en 2018, les bénéficiaires de ce type d’offre de soins présentent une amélioration significative de leurs symptômes, de leur fonctionnement global et de leur qualité de vie, en comparaison du traitement habituel. Les risques d’hospitalisation et d’arrêt du traitement diminuent respectivement de 26 % et de 30 %. Enfin, le rétablissement concerne 57,3 % d’entre eux, contre 50,7 %, soit presque sept points de plus.

Ainsi, Oman n’a presque plus connu d’hospitalisation depuis sa prise en charge au C’JAAD. Il vient même de finir un master et se trouve désormais admissible au capes pour devenir enseignant. Selon la méta-analyse, les participants à des programmes d’intervention précoce ont 12,6 % de chance en plus d’être scolarisés ou employés que ceux pris en soin dans un cadre traditionnel.

« Peut-on considérer que l’accès aux soins est satisfaisant au regard de l’urgence de la situation ? Non », dénonce la professeure Krebs. Si le réseau Transition compte aujourd’hui dix-sept centres à vocation régionale et cinquante-trois centres de proximité, il faudrait une offre deux ou trois plus importante pour absorber les besoins, assure la psychiatre.

De son côté, la direction générale de l’offre de soins indique que l’expérimentation d’un programme similaire à celui de l’unité du C’JAAD est en cours dans trois centres de la région des Pays de la Loire. Financée au titre de l’article 51 – une mesure dérogatoire apparue en 2018 dans la loi sur le financement de la Sécurité sociale permettant de financer un projet expérimental –, l’offre pourrait entrer dans le droit commun après évaluation des résultats prévus pour 2026.

« SYSTÉMATISER LE TRAVAIL EN RÉSEAU »

En attendant, ici et là, l’intervention précoce se développe selon les bonnes volontés des équipes et les opportunités financières – appels à projet lancés par les agences régionales de santé par exemple. « Mais nous manquons d’un cahier des charges basé sur un modèle international qui a fait ses preuves et des indicateurs de mesure d’efficacité et de fidélité au fameux modèle », note la professeure Krebs – comme cela se fait au Canada, par exemple. « Il est temps de donner les moyens au réseau Transition pour harmoniser la situation sur le plan national », poursuit-elle.

La spécialiste déplore aussi que les campagnes nationales actuelles pour favoriser le bien-être chez les adolescents aient dans le même temps, et paradoxalement, éclipsé les besoins en psychiatrie. « On ne s’imagine pas que des troubles sévères puissent survenir chez les jeunes, constate-t-elle. Si cela reste une minorité d’entre eux, il est impératif de réfléchir à un parcours de soins pour combler le vide entre les dispositifs de première ligne et les services comme les nôtres. » A titre d’exemple, les études rapportent un délai moyen de deux ans entre un PEP et l’accès au traitement.

L’Inserm, le GHU et le réseau Transition ont développé un questionnaire d’auto-évaluation (Primo), à destination des jeunes et accessible en ligne, qui devrait permettre de faciliter et d’optimiser l’orientation vers les spécialistes.

Il reste à former massivement les acteurs de première ligne au repérage – soignants en milieu scolaire et universitaire, médecins généralistes et professionnels des maisons d’adolescents – et les spécialistes en ville ou dans les centres médico-psychologiques aux nouvelles modalités de prise en charge, qui bousculent la psychiatrie traditionnelle.

« Cela suppose de transformer notre pratique, et donc de nous réorganiser, reconnaît Marine Lardinois, psychiatre à Lille et cofondatrice de l’Association des jeunes psychiatres et des jeunes addictologues. Tout en gardant une politique sectorielle, il faut systématiser le travail en réseau au-delà du champ sanitaire. Cela impose un vaste travail de sensibilisation des partenaires au contact des jeunes. » La médecin y voit une façon pour les spécialistes de retrouver du sens dans leur métier « en se réappropriant les missions de base de la psychiatrie de secteur », la détection précoce et la prise en soins précoce des troubles.

Début septembre, le ministre de la santé de l’époque, Yannick Neuder, a chargé, entre autres, la professeure Krebs de réaliser d’ici à décembre un état des lieux des dispositifs existants dans le cadre d’une mission interministérielle. Cette dernière devra effectuer des recommandations de repérage, d’orientation et de prise en charge. Le cardiologue de formation avait formulé l’objectif « ambitieux mais nécessaire de structurer [un modèle national] d’ici à 2027 ».

En parallèle, la Haute Autorité de santé a annoncé en juillet le lancement des travaux d’élaboration des recommandations de bonnes pratiques pour le repérage et le suivi « des personnes présentant un premier épisode psychotique ou un risque d’évolution vers une psychose ». De quoi espérer réduire ainsi les pertes de chance de nombreux jeunes ?

Le Monde du 3 novembre 2025

PSYCHIATRIE : « L’ADOLESCENCE EST LE MAILLON LE PLUS FAIBLE DE NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ »Le professeur de psychiatrie irla...
07/11/2025

PSYCHIATRIE : « L’ADOLESCENCE EST LE MAILLON LE PLUS FAIBLE DE NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ »

Le professeur de psychiatrie irlando-australien Patrick McGorry est le pionnier de l’intervention précoce. Alors qu’il s’y est intéressé dès les années 1980, il dresse un bilan en demi-teinte de sa généralisation à travers le monde.

L’intervention précoce en psychiatrie vise à intervenir le plus tôt possible chez l’adolescent ou le jeune adulte présentant un risque de développer un trouble psychique – ou vivant avec un trouble débutant – dans l’espoir d’en limiter la chronicisation. Derrière, il y a la perspective d’une vie plus épanouie.

Professeur à l’université de Melbourne, Patrick McGorry, Irlandais d’origine émigré en Australie, fut le premier à conceptualiser cette pratique dès les années 1980. En parallèle de son activité clinique, il a lancé en 2002 l’institut Orygen, spécialisé dans la recherche et le plaidoyer concernant la santé mentale des jeunes.

Comment vous êtes-vous intéressé à l’intervention précoce ?

J’achevais ma formation en psychiatrie et j’avais décidé d’orienter ma recherche de fin d’études autour des premiers épisodes psychotiques chez les jeunes. J’ai très vite constaté qu’ils étaient mal pris en charge et recevaient des messages particulièrement négatifs de la part des psychiatres, qui leur assuraient qu’ils ne s’en sortiraient jamais. Cela reposait sur une pensée du XIXe siècle, quand la schizophrénie était dénommée « démence précoce ». Pourtant, même sans traitement, les personnes concernées ne présentaient pas de démence.

Mais cette idée n’avait jamais été remise en question ni réévaluée. Les manuels de diagnostic ont même abondé dans ce sens en ajoutant des critères de durée des symptômes. Autrement dit, la schizophrénie est devenue une affection chronique par définition et non dans les faits. Plus largement, le monde de la psychiatrie n’avait aucune confiance en sa capacité à modifier le cours d’un trouble, à rebours d’autres spécialités médicales.

Cette conception a plongé de nombreux patients dans le désespoir – beaucoup se sont d’ailleurs suicidés, quand d’autres ont subi de lourds effets secondaires dus aux traitements inutiles ou surdosés. Il fallait que ça change.

Qu’avez-vous proposé ?

Avec des collègues, nous avons défié ce pessimisme en faisant le pari que, si nous suivions les usagers plus tôt dans leur parcours de vie et de manière plus intensive, nous pourrions les aider à obtenir une meilleure qualité de vie et que la plupart d’entre eux pourraient même se rétablir.

Nous nous sommes inspirés, entre autres, de la cancérologie, en essayant de réduire les délais d’accès aux traitements – médicamenteux ou non – à partir des premiers signaux d’alerte et en cherchant à empêcher l’évolution du trouble. Les molécules étaient administrées en fonction de la progression du trouble, en commençant par de très petites doses aux premiers stades, alors qu’il était d’usage d’en prescrire dix fois plus – et c’est probablement encore le cas dans certains endroits…

En parallèle, l’offre s’est décentrée du soin médical. Nous proposions un suivi personnalisé et multidisciplinaire avec des psychologues, des infirmières, des travailleurs sociaux : implication de la famille, interventions psychosociales autour de la scolarisation ou du retour à l’emploi, thérapies cognitivo-comportementales…

Ainsi, nous avons ouvert la première consultation spécialisée pour les psychoses émergentes en 1984, avant d’agrandir l’unité en 1992.

Quels résultats avez-vous obtenus ?

Nous avons constaté que les jeunes allaient beaucoup mieux, bien plus rapidement, et qu’ils étaient, avec leur famille, largement plus satisfaits. Ce fut un changement majeur. Rappelons que l’espoir et l’optimisme demeurent des facteurs thérapeutiques du rétablissement.

Ce modèle a été évalué lors d’essais randomisés dans différents pays (au Royaume-Uni et au Canada), ainsi qu’à Hongkong), montrant, en Norvège par exemple, un taux de rétablissement deux fois plus élevé à dix ans – en grande partie influencé par un retour à l’emploi – en réduisant le délai d’accès aux traitements.

Au Danemark, les données de suivi d’une cohorte publiée en 2005 montrent que les usagers de ces unités ont moins de symptômes, de consommation de substances toxiques, d’hospitalisations ou encore des doses de traitement plus faibles qu’avec des soins standards dans les deux à cinq ans suivant leur passage dans ces structures. Les résultats étaient encore meilleurs, selon une étude publiée en 2021, quand cette prise en charge a été mise en œuvre dans les structures habituelles de soins du pays. Mais nous avons aussi appris que certains acquis se perdent. Il faut donc persévérer dans l’accompagnement.

Comment cela s’est-il traduit dans l’offre et le parcours de soins en Australie ?

L’intervention précoce implique de développer le niveau des soins primaires – associant médecins généralistes et autres professionnels de la santé mentale – et celui des soins spécialisés – dits « secondaires ». Curieusement, ce sont ces derniers que nous avons priorisés en étendant l’offre en intervention précoce.

Mais nous avons ensuite réalisé qu’il fallait rendre notre système primaire plus performant dans la détection et l’orientation, afin de permettre une prise en charge à des stades plus précoces des troubles. Or, les jeunes étaient négligés à l’époque par une offre de soins peu à l’écoute, notamment chez les médecins généralistes, trop peu formés.

En 2009, nous avons donc lancé un nouveau système de soins primaires plus adapté, à travers la plateforme Headspace, dont je suis le directeur fondateur. Médecine générale, santé sexuelle, santé mentale, l’offre couvre la période allant de la puberté au milieu de la vingtaine, et surmonte la séparation classique entre psychiatrie de l’enfant et psychiatrie de l’adulte.

En plus de former les professionnels, nous avons demandé leur avis aux personnes concernées et à leurs familles afin de rendre ce nouvel écosystème attractif : apparence, utilisation… C’est un changement de paradigme.

Depuis, vous avez influencé de nombreux pays dans leurs pratiques de la psychiatrie chez l’adolescent et le jeune adulte…

L’intervention précoce a connu un certain succès car je l’ai valorisée aux côtés d’autres académiciens – la professeure Marie-Odile Krebs, en France, ou le professeur Philippe Conus, en Suisse, par exemple. Ce double statut de praticiens-chercheurs nous a permis de réorienter la recherche en psychiatrie. Surtout, l’expansion de ce modèle a favorisé la création d’un réseau d’entraide international (The International Early Intervention and Prevention in Mental Health Association, dont une quarantaine de pays font partie), dès 1998.

A 73 ans et proche de la retraite, quel bilan dressez-vous de sa diffusion ?

Il existe des centaines de services dans le monde qui ont été influencés par ces idées – et une quinzaine de pays avec une offre avancée. On voit aussi émerger une jeune génération très motivée. Mais ce n’est toujours pas la norme de soins, et ce, même dans les pays à revenus élevés. Je dirais donc que nous avons eu un succès partiel. C’est frustrant et injuste. Ces futurs adultes passent à côté d’une vie meilleure.

Alors que l’adolescence concentre l’apparition de la plupart des troubles psychiques de l’âge adulte, il s’agit du maillon le plus faible de notre système de santé. Ce constat est d’autant plus alarmant que les troubles psychiques ont quasi doublé en quinze ans chez les jeunes.

Le Monde du 3 novembre 2025

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