06/09/2021
CherXs toustes,
C’est avec stupeur que nous avons eu connaissance des conditions dans lesquelles ont été organisées un événement dit « q***r, safe et alternatif » pendant le week-end.
Un collectif a organisé un événement proposant 24h de son avec plusieurs dj de la scene parisienne, dans un lieu alternatif et une entrée a 26€ ( sur un site de billetterie officielle).
La soirée qui devait commencer à minuit, a en fait démarré à 02h30 du matin, laissant durant plusieurs heures un public sous la pluie, et dans le flou quant au déroulé des événements.
Une fois les portes ouvertes, il s’est avéré que le prétendu lieu alternatif en banlieue parisienne, est en fait un campement précaire accueillant des personnes migrantes et réfugiées.
Et au delà de l’indignité, aucune condition de sécurité n’était réuni pour le public: un tuyau d’arrosage comme seul point d’eau, aucune installation électrique, un mur de son de la taille d’une boîte d’allumettes, un bar inexistant, pas l’ombre d’un dispositif d’hygiène anti-covid ou de réduction des risques.
Le désastre prend une autre tournure, lorsque l’événement une fois lancé , la police s’invite sur le site et demande l’arrêt immédiat de la soirée!
Malgré une communication qui se prétend bienveillante et humaniste, les organisateurs ont préféré se terrer dans leur silence, et organiser leur after pour les rares chanceux.ses, mais dans le plus grand des mépris!
Plus que le silence des orgas, les artistes qui devaient jouer n’ont pas été prévenus de l’annulation de l’événement.
Plus que l’organisation floue, des centaines de personnes se sont retrouvées privées de moyen transport retour et de solutions de repli, les mettant parfois en danger.
Plus que l’indignité et la cupidité des organisateurs, les populations précaires, réfugiées et migrantes sont encore humainement désavouées, et n’ont droit qu’au dégoût de leur conditions de vie, ou à la pitié des participants.
Depuis, les messages d’indignation et de colère fleurissent sur les réseaux, avec les’ mots « q***r », « militant » , « solidarité » etc...
Cet événement n’est que la triste conclusion de ce long mouvement, de ce terrible fléau qui ravage les milieux culturels q***rs et alternatifs : l’appropriation culturelle!
⁃ L’appropriation capitaliste des valeurs militantes et autogérées propre à la culture techno
⁃ L’appropriation sociale des histoires, luttes et des victoires que les personnes précaires et racisees ont apporté au milieu q***r
⁃ L’appropriation économique des espaces de relégation urbaine et sociale, sur lesquels s’entassent les personnes réfugiées, migrantes et sans domicile.
Nous avons toujours revendiqué l’ouverture des coeurs et des dancefloors, à tous.tes, sans conditions de race, de sexe, de genre, de classe, de capacité!
Cette ouverture n’est pas seulement le résultat « heureux » d’une évolution des milieux alternatifs.
Cette ouverture est d’abord un processus revendicatif, militant et radical qui remet en question les conceptions libérales et normatives des corps et des espaces.
Se dire « q***r » « déconstruits » et ouvrir des « tiers lieux » et des events « safe » n’est pas un motif marketing! Ce n’est pas juste des mots, des paroles en l’air!
Il faut d’abord et toujours interroger les contextes politiques, économiques et sociaux dans lesquels nous organisons nos événements.
Nous ne pouvons plus accepter la récupération, le vol et le saccage de ces termes qui nous sont chers.
Ces termes comptent car ils représentent pour nous enfin les objectifs de respect, de création et de proposition, et de réunion, auxquelles Nous, Q***r, Précaires et RaciséXs, aspirons au quotidien, dans nos corps, nos âmes et nos arts!
Nous n’appelons ni au boycott ou au lynchage ce collectif (qui n’est pas le seul) et de ce genre de soirées (qui fleurissent fort depuis le déconfinement).
Nous vous demandons juste, en tant qu’artiste, en tant que public, en tant que technicien, en tant qu’organisateur, de vous poser d’autres questions sur vos envies festives...
Quels principes souhaitez-vous défendre? Quels concepts voulez-vous partager?
Que représente pour vous la création artistique dans un contexte de violence sociale exacerbée?
Quelles initiatives culturelles voulez-vous financer à une époque de crise économique et d’explosion de la pauvreté?
Quelle place donnez-vous aux personnes q***r et racisees dans vos programmation artistique et culturelle?
Que faites-vous pour créer des événements inclusifs quand les liens sociaux de proximité disparaissent?
A bon entendeur...