05/08/2022
Le dossier du mercredi...
Nouvelle rubrique que nous allons essayer de mettre en place, une rubrique dossier le mercredi où nous allons tenter de discuter le plus objectivement possible de certains sujets fréquents dans nos publications.
Et parce que ce n'est pas un sujet mineur, nous vous proposons pour la première de traiter de...
BIEN LIRE UNE ETUDE SCIENTIFIQUE
L'acronyme EBM employé par notre page signifie "Evidence Based Medicine". Traduit, cela donne "Médecine fondée sur les preuves" et est un acronyme internationalement connu dans la sphère médicale. Il s’agit de fonder la pratique médicale sur la base d’études permettant de démontrer l’efficacité d’un traitement dans un situation donnée.
L’objectif étant de demeurer neutre, il convient de rappeler que toute approche scientifique doit intégrer la possibilité d’erreur à différents niveaux :
- La recherche EBM emploie dans la plupart des cas des outils statistiques pour démontrer une hypothèse. La marge d’erreur communément admise en recherche biomédicale est arbitrairement définie à 5% (p=0,05), quelques fois 3%. Cela veut dire « il y a 95% de chances que la différence observée dans l’étude ne soit pas due au hasard mais à l’efficacité du traitement ou de l’approche employée » … autrement dit, il persiste 5% de chance que l’étude ai relevé une différence due au hasard.
- La capacité d’une étude à conclure qualitativement est fortement liée à sa « puissance ». Cette notion rend compte de la difficulté qu’il existe à conclure, dans le respect de la marge d’erreur et permet de fixer à l’avance la taille de l’échantillon (la population étudiée). Plus une hypothèse est complexe, plus la population est hétérogène, plus l’étude nécessite d’investigation et plus l’étude devra compter de participants pour donner une puissance correcte et rendre des résultats fiables. (Par exemple : il est plus facile de prouver qu’un médicament pour l’anémie permet d’obtenir un effet sur le nombre de globules rouges dans une population d’insuffisants rénaux que de prouver qu’un programme de méditation permet d’améliorer la qualité de vie dans la population générale. Le premier test nécessite un test objectif fiable pour évaluer un seul paramètre dans une population bien ciblée ; le second nécessite une échelle subjective pour évaluer dans une population très peu homogène une méthode non instrumentale fondée su un enseignement, une observance et la motivation des participants)
Ainsi, pour bien comprendre de quoi parle une étude, il convient d’intégrer ses différentes parties et de comprendre quelles en sont les hypothèses, le niveau de complexité et d’objectivité des éléments étudiés.
La plupart des études que nous publions sont des essais cliniques randomisés et des r***es systématiques de la littérature avec méta-analyse (ou métanalyses) :
- L’essai clinique randomisé compare des groupes de population homogènes recevant placebo, molécule ou traitement de référence et molécule ou traitement à tester. S’il existe un traitement de référence et que son absence engendre une perte de chance, il n’est pas éthique de faire concourir le traitement à tester avec un placebo. Dans les études de supériorité, il est préférable d’avoir un traitement de référence en groupe « contrôle ». Les résultats n’en seront que plus fiables. On parle de « randomisation » tout simplement parce que les participants à l’étude sont répartis au hasard. On parle de simple ou double aveugle si le participant au moins ne sait pas dans quel groupe il est (simple) voire si l’opérateur l’ignore également (double). Les études les plus fiables en matière de résultat sont les essais cliniques randomisés en double-aveugle.
- La r***e systématique de la littérature est un article de synthèse prenant en compte l’ensemble de la littérature sur un sujet. Elle permet de faire un état des lieux des connaissances sur celui-ci.
- La métanalyse est une compilation des résultats des études composant une r***e de la littérature permettant d’augmenter la puissance statistique pour espérer faire ressortir une différence et donc confirmer un effet ou l’absence d’effet sur une hypothèses testée.
Un essai clinique est rédigé très souvent de la manière suivante :
- Introduction : comprend les hypothèses testées, insérées dans un contexte clinique. L’objectif de l’étude est clairement formulé
- Matériel : ici est décrit la population étudiée et sa répartition dans les différents groupes de test.
- Méthode : il s’agit du protocole employé durant l’étude et appliqué aux groupes formés. Les traitements, tests biologiques, cliniques et in fine statistiques sont décrits dans cette section.
- Résultats : cette partie détaille les résultats obtenus par la mise en œuvre de la méthode
- Discussion : cette partie formule des interprétations sur les résultats, les confronte aux limites de l’étude et dégage des pistes de réflexion.
- Conclusion : quelques fois compilée avec la discussion, les auteurs y concluent sur les résultats et peuvent formuler des ouvertures appelant à d’autres études cliniques
Une petite méthodologie pour vous aider à y voir clair :
- Regarder la r***e dans laquelle est publiée l’article. Vérifier son « Impact-Factor » (IF) s’il s’agit d’une grande r***e généraliste. Il s’agit d’un score définissant à un moment donné la diffusion et le nombre de citations des articles qu’elles publient et cela peut donner une idée de la « qualité » de cette r***e. En revanche cet indicateur n’est plus fiable pour des r***es spécialisées car la diffusion est d’autant plus limitée que le domaine de recherche est restreint (par exemple, les IF du Lancet ou de Nature sont très importants car il s’agit de r***es généralistes. Nature Genetics aura un IF bien moindre étant donné son domaine de prédilection, de même que Medical Acupuncture ou Acupuncture and Moxibustion
- Bien lire l’abstract (le résumé), l’essentiel y est retransmis et peut suffire pour le grand public, avec un risque de biais toutefois…
- Lire l’introduction et la conclusion et chercher le lien entre les deux pour bien définir l’hypothèse testée
- Dans la discussion, relever les limites que les auteurs ont pu repérer
- Si vous avez des notions plus avancées, vous pouvez prendre le temps de bien relire la méthodologie et les résultats. Un esprit critique pourra davantage s’exercer sur les détails méthodologiques.
- Les auteurs, leurs organismes de rattachement, le prestige éventuels de ceux-ci sont autant d’indicateurs sur le sérieux de la publication. Il n’en reste pas moins que d’illustres inconnus peuvent toutefois présenter des résultats probants.
Ce petit article avait pou vocation de vous faire découvrir ou re-découvrir ce domaine si particulier de la recherche biomédicale. Nous n’avons pas parlé des expérimentations sur modèle animaux, des articles sur de petites cohortes, etc… tous ces travaux, intéressant au demeurant, sont cependant considérés comme peu fiables et n’apportant un niveau de preuve que minimes.
Il est nécessaire de garder à l’esprit que la méthodologie présentée ici et pour toute la sphère biomédicale répond à une loi toute simple : plus le sujet est vaste et complexe, moins l’étude statistique pourra apporter un niveau de preuve important. Moins la population est homogène et vaste, plus l’incertitude sera difficile à lever avec les tests employés.
La semaine prochaine, nous parlerons des difficultés méthodologiques spécifiquement rencontrées par l’acupuncture dans la recherche biomédicale.
Bonne soirée !