07/04/2021
Un de mes livres de chevet... que je relie à l’heure actuelle tant le contexte est perturbant voire traumatique pour certain
Chapitre 1. Le psychotraumatisme
Gérard Lopez, Anissa Bouasker
Dans Traiter les psychotraumatismes (2016), pages 2 à 28
Ce chapitre est destiné à aider le lecteur qui voudrait rafraîchir ses connaissances sur le psychotraumatisme avant d’entreprendre la lecture d’un ouvrage consacré à son traitement. De nombreux ouvrages français et anglo-saxons pourront avantageusement l’aider à les approfondir (Jehel, Lopez et al., 2006 ; Kédia, Séguin-Sabouraud et al., 2013 ; Van der Kolk et al., 1996). Le DSM-5 a modifié les items de ce qu’il convient désormais d’appeler « trouble de stress post-traumatique » (TSPT) dans la traduction française.
Pour notre part, nous traiterons succinctement la clinique et les conséquences des traumatismes uniques (type 1) avant davantage insister sur les traumatismes répétés (type 2) qui sont beaucoup plus fréquents bien que souvent négligés voire ignorés au profit du TSPT dont l’importance nous paraît exagérée.
La psychopathologie infantile est traitée dans le chapitre consacré à la thérapie des enfants psychotraumatisés, victimes de maltraitances pour l’essentiel.
Nous étudierons successivement les réactions immédiates à l’impact traumatique : la dissociation et la détresse péritraumatique, puis l’état de stress aigu dont la durée n’excède pas un mois.
Classiquement, un événement traumatique confronte classiquement le sujet à ce qui est lui impossible d’élaborer, sa propre mort.Monsieur Albert présente une réaction typique appelée dissociation péritraumatique qui lui permet, en le mettant dans un état second, auto hypnoïde, de s’abstraire de la situation…
Quelle que soit la méthode thérapeutique utilisée, le traitement d’un psychotraumatisé doit nécessairement se dérouler un cadre authentiquement thérapeutique, ce n’est pas toujours le cas. Mais avant de commencer un traitement quelconque, une évaluation « victimologique » des besoins personnels, sociaux et judiciaires du patient est nécessaire pour mettre en place des mesures d’accompagnement et de protection qui vont concourir à la reconstruction globale du patient. Le traitement ne peut par conséquent s’envisager qu’en travaillant avec un réseau de partenaires dans les domaines que les thérapeutes maîtrisent plus ou moins bien, parce qu’ils ne sont pas de leur compétence. Mais tous les intervenants, qu’ils soient professionnels de santé, enquêteurs, intervenants sociaux, juristes, doivent s’efforcer de mettre en place un cadre relationnel qui ne répète aucun aspect du scénario traumatique, seul capable de créer un climat de confiance, ce qui n’est pas toujours facile, surtout s’il s’agit d’un psychotraumatisme de type 2. Il s’agit de s’efforcer à ne pas tomber dans le piège de la répétition littérale qui a été décrit dans le chapitre précédent.
Nous aborderons successivement : le cadre thérapeutique, l’évaluation des besoins et le type de relation qui est indispensable pour aider un psychotraumatisé à se reconstruire.
L’évaluation des dynamiques sociales et familiales et le travail en réseau sont particulièrement importants en pédopsychiatrie. Ils seront traités dans le chapitre 7 concernant la thérapie des enfants psychotraumatisés…
Nous aborderons les fondements théoriques qui permettent de traiter une personnalité traumatique complexe par une approche psychodynamique avant de l’illustrer par plusieurs vignettes cliniques et de poser les indications de ces thérapies.Ces recommandations sont également applicables au trouble de stress post-traumatique (TSPT), de meilleur pronostic, parce qu’un psychotraumatisme de type 1 ne s’inscrit pas un passé traumatique qui complique la psychothérapie.
Les thérapies psychodynamiques se réfèrent peu ou prou à la psychanalyse freudienne qui, après le renoncement de Freud à sa « neurotica », va davantage s’intéresser à la réalité psychique qu’à la réalité, notamment traumatique. La théorisation lacanienne en revanche, retient un concept essentiel dans son élaboration théorique : la « réalité crue », laquelle n’est pas symbolisable. C’est pour éviter ces confusions que nous parlons dans cet ouvrage d’événement(s) traumatique(s) et non de trauma ou traumatisme. Car la question du trauma est un point d’achoppement important qui perdure dans les discussions passionnées sur l’étiologie possiblement traumatique de certains troubles de la personnalité.
La plupart des psychanalystes qui ont tenté de théoriser sur les conséquences et la prise en charge du psychotraumatisme ont été rejetés par leurs pairs : Sandor Ferenczi (1982), Marie Balmary (1979), Jeffrey Masson (1984) par exemple.
À cet égard, Marie Balmary écrit :
« […] là où la théorie n’est pas utilisée comme arme de terrorisme intellectuel, les analystes ont du mal à éclaircir et à élaborer ensemble les modifications de leur écoute où ils les vivent plus ou moins comme des insuffisances ou des transgressions de leur part […] ils deviennent ces travailleurs acharnés qui hantent les sociétés psychanalytiques, cherchant sans cesse auprès d’un maître ou d’un groupe quelques choses qu’ils n’auraient pas compris, ou bien […] ils s’éloignent […] »…
Avant de commencer une thérapie dans le cadre du TSPT, on procédera à une évaluation des conséquences personnelles, sociales et éventuellement judiciaires des faits traumatiques sur la personne pour l’orienter au mieux dans le réseau d’accompagnement (voir chap. 2) et protéger le cadre thérapeutique.
Les problèmes de comorbidité ne seront pas traités dans ce chapitre.
Les techniques cognitivo-comportementales (TCC), développées dans la gestion de l’angoisse ou pour traiter les troubles phobiques, obsessionnels, ont montré leur efficacité pour traiter les troubles anxiodépressifs. Devant la souffrance des vétérans du Vietnam, leurs troubles d’allure phobique ou obsessionnel et les éléments dépressifs qu’ils présentaient, les thérapeutes ont mis en œuvre les techniques TTC dans le but de diminuer l’intensité de leurs symptômes. En même temps qu’ils étudiaient leur efficacité dans ce trouble, ils ont posé les bases d’une théorisation sur la survenue et le maintien de ce trouble.
Les modèles comportementaux reposent sur les théories de l’apprentissage (apprentissage des réponses de peur) et le conditionnement opérant (apprentissage du comportement de fuite). Les modèles cognitifs qui prennent leur origine à la fois dans la psychanalyse et dans la théorie de l’apprentissage, impliquent des modifications des schémas internes interagissant avec les affects et les comportements. Ces approches se sont encore élargies par l’observation de variables médiatrices. La recherche sur le TSPT a suivi l’évolution de la recherche sur les troubles anxieux et débouche sur des propositions thérapeutiques évaluables et reproductibles…
Reconnue comme thérapie complémentaire par l’Académie Nationale de Médecine en 2013 (Bontoux et al., 2013), l’hypnose est une pratique très ancienne, ayant connu de nombreux remaniements conceptuels et idéologiques tout au long de son histoire. Avant d’être abandonnée, son efficacité a été remarquée dans le contexte traumatique lors des deux Guerres Mondiales. L’hypnose a été réintroduite en France dans les années 1980 avec notamment Léon Chertok. Elle est de nouveau appliquée dans la prise en charge des traumatismes, toutefois sous différentes formes. L’hypnose L’hypnose peut être définie comme « un état de conscience (consciousness) qui induit une absorption de l’attention et une diminution de la conscience (awareness) caractérisé par une plus grande capacité à répondre aux suggestions » (American Psychological Association, 2015). Une modification du vécu d’une situation ou d’un éprouvé est ainsi possible.
Avant d’aborder l’efficacité de l’hypnose dans la thérapie du psychotraumatisme, il convient au préalable d’exposer brièvement le concept de dissociation qui est un phénomène commun à l’état traumatique et à l’état hypnotique (Voir Chap. 1). Puis nous présenterons les apports spécifiques de l’hypnose dans les traumatismes psychiques avant de discuter les controverses qu’elle soulève notamment au sujet du risque d’émergence de faux souvenirs.
Le terme de « dissociation » dénote des degrés variés d’un même processus psychologique qui diffèrent sur des aspects tels que la contrôlabilité et l’interférence avec le fonctionnement normal (Brown, 2006 ; Debecke…
La qualité des prises en charge thérapeutiques des personnes souffrant de troubles psychotraumatiques, dont le Trouble Stress Post-Traumatique (TSPT) est la forme la plus connue, mais pas la plus fréquente en psychotraumatologie, dépend de plusieurs facteurs. Quatre conditions initiales doivent être réunies pour assurer ces soins : 1- les traitements doivent être assurés par des professionnels de la santé qualifiés et formés en psychotraumatologie ; 2- les traitements proposés doivent être validés et recommandés pour le traitement du trauma ; 3- le cadre dans lequel sont assurés les soins doivent satisfaire à des aménagements qui répondent aux spécificités du trauma ; 4-travailler en réseau (voir chap. 2)
Parmi les thérapies recommandées pour le traitement du trauma, la thérapie EMDR est une des thérapies validées et recommandées par les guides des bonnes pratiques (Foa, Keane et Friedman, 2000), les instances, organisations et autres associations françaises (Haute Autorité de Santé 2007 ; Inserm 2004, Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé, 2003), européennes (National Institute for Health and Care Excellence, 2005 ; Dutch National Steering Committee Guidelines Mental Health Care, 2003), américaines (Association Américaine de Psychiatrie 2004 ; Department of Veterans Affairs and Department of Defense 2010), et internationales de santé (Organisation Mondiale de la Santé, 2013).
L’EMDR a une force de recommandation de grade A/B (établie par l’ANAES) pour le traitement du TSPT (Séguin-Sabouraud, 2003), après la thérapie cognitive comportementale qui reste la seule recommandation de force A (Chap…
La pratique clinique avec des enfants victimes permet de nettement différencier l’enfant victime sans antécédents traumatiques précoces et l’enfant victime soumis à des situations traumatiques chroniques et récurrentes. Selon la catégorisation de Terr (1991) dans le premier cas, l’enfant subit un événement traumatique de type I qui se caractérise par la confrontation à une expérience unique et dont la durée est limitée dans le temps. Cette catégorie recouvre les catastrophes naturelles, les accidents, les viols ou les agressions ponctuelles, qui confrontent les victimes à leur propre mort ou à celle des autres. Le DSM-5 introduit des critères pour définir le trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT) pour les enfants âgés de 6 ans et moins, ce qui constitue une étape capitale dans la reconnaissance du trouble chez l’enfant.
La nature et l’origine des événements jouent un rôle important dans le vécu subjectif des victimes. Ainsi, les événements traumatiques infligés par l’agent humain sont plus dévastateurs et lourds de conséquences que les accidents ou les catastrophes.
L’événement traumatique de type II correspond aux situations traumatiques chroniques et récurrentes. Il s’agit de situations de maltraitance prolongées et d’intensité variable, qui entravent profondément et durablement le développement psychoaffectif de l’enfant. Dans ce cas, l’étendue et la gravité des conséquences sont d’autant plus importantes que la maltraitance a commencé précocement.
La clinique du trauma de type II représente le sujet central de ce chapitre qui portera une attention particulière aux violences commises au sein du couple…
Le travail avec les familles au sein desquelles surgit la violence montre que son apparition est régulièrement l’issue dramatique d’une crise non résolue au sein du couple parental, une crise qui s’enracine dans l’histoire de chacun des parents. Reconsidérer, reconstituer l’histoire de cette crise s’avère être un facteur de protection important pour l’enfant victime qui sinon risque de s’attribuer durablement la responsabilité de la violence subie et donc avoir une image altérée de lui-même.
Pour autant, concernant plus précisément les violences sexuelles, si la prise en compte du contexte relationnel dans lequel elles ont surgi nous paraît essentielle, il est cependant fondamental d’avoir à l’esprit certains aspects spécifiques régulièrement présents dans ces familles ainsi que les conséquences du psychotraumatisme pour la victime. Le format habituel préconisé par les systémiciens et consistant à réunir l’ensemble du groupe familial, sera pour ces situations le plus souvent contre-indiqué dès lors que l’auteur des violences est un parent ou un membre de la fratrie d’une tranche d’âge différente de celle de la victime, par exemple un adolescent de 17 ans avec un frère ou une sœur de 6 ou 7 ans. La réalisation d’entretiens familiaux, lorsqu’ils s’avèrent utiles, signera plus souvent l’issue d’un processus thérapeutique plutôt que sa mise en place.
Plusieurs aspects doivent donc être pris en compte afin de déterminer le format des séances parmi lesquels le cycle de vie de la victime, son âge au moment des faits, la personnalité de l’auteur, la durée des violences… Selon les cas, des entretiens réunissant le parent supposé protecteur avec le ou les enfants, des entretiens individuels ou dyadiques, des entretiens de fratrie pourront être envisagés…
Si l’exposition à un événement potentiellement traumatogène est fréquente au cours d’une vie, seule une faible proportion de la population exposée développera un Trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT). En effet, l’apparition de symptômes de stress péritraumatiques (détresse et dissociation péritraumatiques) transitoires est fréquente, mais ils sont le plus souvent spontanément résolutifs en quelques heures ou quelques jours, et l’évolution vers un TSPT est rare (10 à 20 % de la population exposée, variable selon le sexe, le type de traumatisme, les antécédents psychiatriques et biographiques personnels…)
Le TSPT constitué « complet » associe des manifestations neuro-végétatives de peur (regroupées sous le terme d’hypervigilance), des phénomènes de répétition traumatique (reviviscences sensorielles intrusives de l’événement traumatique), des conduites d’évitement, et des manifestations de dissociation psycho-émotionnelle.
Il peut fréquemment se compliquer d’un État Dépressif Majeur (EDM) avec un risque suicidaire élevé, et de conduites addictives (abus de substances psychoactives : tabac, alcool, cannabis…).
Un traitement chimique symptomatique (anxiolytique) peut être proposé pour apaiser les manifestations aiguës péritraumatiques.
Le traitement chimique de fond intervient dans la forme constituée du TSPT.
Dans tous les cas, il est indispensable d’associer le traitement médicamenteux à une prise en charge psychothérapeutique spécifique.
Le modèle de la peur conditionnée est le plus fréquemment utilisé pour expliquer le mécanisme psychobiologique du TSPT…
https://www.cairn.info/traiter-les-psychotraumatismes--9782100745906-page-48.htm