29/09/2021
Vous savez la règle numéro 1 sur le net ?
« Ne pas lire les commentaires »
Sauf que voilà, je suis incorrigible et j’ai lu quelques commentaires sous les récents articles autour de la loi promulguée au Texas à propos de l’avortement et qui, pour faire simple, l’interdit dans les grandes largeurs.
Alors, c’est déjà assez dramatique que cette loi puisse être votée dans un état moderne, quel qu'il soit, mais le plus dramatique, c’est le nombre de commentaires qui fleurissent sur le net postés par des français sur le sujet qui approuvent et fustigent le « massacre » des enfants.
Il existe peu de sujets qui me mettent aussi en colère que celui-ci.
Celui qui tourne autour du droit à l’avortement, et notez bien que je dis le droit, donc le choix, contrairement à ce que certains veulent distiller dans l’esprit des gens, il ne s’agit pas d’imposer l’avortement mais de laisser le choix d’y recourir ou non.
Durant deux mois, lors de mon internat, j’ai accompagné un médecin qui pratiquait l’avortement médicamenteux en ville, dans son cabinet.
Après quelques entretiens menés sous sa supervision, j’ai accepté de mener moi-même ces consultations pendant quelques semaines et ce fut, certainement, l’une des expériences les plus importantes de ma carrière.
Pour comprendre ce qu’est l’avortement et ce qu’il en coûte pour les femmes qui viennent le demander.
Je ne parlerai pas des hommes ici, pas parce qu’ils étaient systématiquement absent, non, certains étaient là, mais parce que la grossesse, jusqu’à la découverte d’un utérus dans le corps d’un homme, ça ne concerne que les femmes.
J’ai découvert le discours de Mme Simone Veil après cet exercice, par hasard presque, et quand j’ai entendu l’une des phrases de son discours, cela m’a marqué profondément et je tiens à commencer en la citant : « Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement. Il suffit d'écouter les femmes. C'est toujours un drame et cela restera toujours un drame… »
Parce que j’en ai marre en fait de ces mythes et fantasmes entretenus par les pro-life/anti-avortement. J’en ai marre de les voir dire que c’est du confort, que c’est un moyen de contraception, que c’est la solution de facilité, que cela tue des enfants innocents qui auraient eu une vie formidable derrière. Vraiment, j’en ai marre.
Toutes les femmes que j’ai vu pendant ces deux mois d’exercice de l’IVG en cabinet, toutes, sans aucune exception, étaient dans une situation de détresse qu’il est difficile de décrire. Toutes étaient en larmes une fois la porte refermée, toutes avaient honte d’être là, ou de devoir recourir à l’avortement.
Elles avaient 18 ans, ou 24 ans ou 35 ans ou 41 ans. Elles avaient tous les âges, elles venaient de tous les milieux. Beaucoup n’étaient pas informée de façon efficace sur les moyens de contraception qui existent et lequel lui convient le mieux.
Et ce n’était jamais, JAMAIS, un moyen de contraception. C’était un ultime recours, un drame, un bouleversement, une épreuve. Toutes avaient leur histoire propre, leurs problèmes, leur fardeau.
Ce qui me frappait, c’était que dans le secteur où l’on pratiquait l’avortement, des médecins, des secrétaires et des pharmaciens faisaient tout pour empêcher l’IVG, avec des méthodes répugnantes comme faire regarder les images d’échographie à la femme qui vient pour avorter.
J’ai eu HONTE pu**in, honte de ces gens.
Mais jamais je n’ai eu honte d’aider ces femmes et d’aider mon praticien qui m’avait en stage, à avorter. L’avortement n’est pas un choix, pas pour la femme, c’est une fatalité souvent pour elle, une chose qu’il faut comprendre, qu’il faut aider, qu’il faut savoir accompagner.
Ce que permet le droit d’avorter en France, c’est de ne pas fo**re dans la m***e une adolescente qui n’avait pas prévu de gérer un bébé à ses 17 ans et qui a eu une capote qui a craqué.
Ce que permet le droit d’avorter en France, c’est de ne pas rajouter un 6ème enfant à une femme qui n’en peut plus parce qu’elle est surchargée mentalement et physiquement mais que ça, même son mari, ne le voit pas.
Ce que permet le droit d’avorter en France, c’est de ne pas se retrouver avec le bébé de son violeur dans les bras et de ne pas parvenir à le voir autrement que le fruit d’un des moments les plus horribles de son existence.
Ce que permet le droit d’avorter en France, c’est de ne pas avoir un enfant que l’on ne désire pas, qui arrive au plus mauvais moment, qui risque de moins bien être traité ou parfois maltraité parce qu’il n’est pas désiré.
Ce que permet le droit d’avorter en France, c’est d’aimer son gosse au bon moment, dans les bonnes conditions, avec la bonne personne.
Ce que permet le droit d’avorter en France, c’est de donner le pouvoir à la femme sur son corps, de lui rendre ce qui lui a toujours appartenu de droit.
Les mythes qui circulent, les fantasmes sur l’avortement de confort ou par plaisir, c’est de la pure connerie de personnes égoïstes et égocentrées qui n’ont jamais eu affaire au problème ou qui le généralisent à partir de leur expérience personnelle sans comprendre que leur expérience n’est pas celle d’une autre.
Je rappelle que le fait d’interdire l’avortement, ça ne les arrête pas. Ça jette juste des femmes dans l’illégalité, aux mains de personnes dangereuses dans des endroits lugubres, ça crée des drames sur des drames, ça crée une surmortalité et des inégalités.
L’interdire n’améliore rien, et certainement pas pour l’enfant.
L’avortement est un droit, il DOIT le rester et le restera.
Toute femme a le droit fondamental de disposer de son corps.
Et pour toutes les femmes à travers le globe qui sont soumises à ces menaces sur ce droit fondamental : Nolite te bastardes carborundorum !!
N.B : La photo d'illustration est tirée du film « Never Rarely Sometimes Always »