18/12/2025
Il était une fois, à la fin d’une année bien tourmentée.
Dehors, le monde semblait gronder. On parlait politique, crises, guerres, injustices. Les chaînes d’information tournaient en boucle, les conversations s’échauffaient, et dans les cœurs, parfois, la peur et la colère prenaient toute la place. On avait l’impression que tout se décidait loin de soi, sans qu’on puisse y faire grand-chose. Alors, naturellement, une question revenait sans cesse :
« Qu’est-ce que je peux bien faire, moi, pour changer quelque chose ? Que me reste-t-il comme joie ? Que puis-je offrir à ceux qui m’entourent ? »
À tout cela venaient se mêler les fêtes de fin d’année. Ces fameuses fêtes, si attendues et si redoutées à la fois.
Les tables se dressaient, les guirlandes brillaient, les rires se préparaient… mais derrière les sourires, il y avait aussi les blessures familiales, les non-dits, les absences, les conflits d’hier jamais tout à fait apaisés.
Comme si la grande souffrance du monde venait se déposer, elle aussi, autour de la nappe blanche.
Un soir, dans un petit cabinet chaleureux, une personne vint confier ce poids-là à son thérapeute. Elle lui parla de la tristesse du climat social, de l’angoisse devant l’avenir, de la difficulté à se réjouir quand tant de choses allaient mal, dehors comme dedans. Elle lui parla aussi de ces repas de famille où se mêlaient la joie d’être ensemble et la douleur des choses bancales.
Le thérapeute l’écouta longuement, puis lui dit doucement :
« Si vous étiez mon invité, là, dans ce cabinet, à l’approche des fêtes, je vous proposerais une chose simple, mais précieuse :
Vivre chaque moment comme si c’était le dernier.
Non pas dans la peur de perdre, mais dans l’intensité de ce qui est là, maintenant.
Lâcher prise, un peu, sur le bruit du monde, sur ce que vous ne pouvez pas contrôler, et revenir à ce que vous pouvez encore toucher du doigt : un regard, un sourire, une main posée sur une autre.
Je vous inviterais à retrouver, ne serait-ce qu’un instant, votre âme d’enfant.
À imaginer que vous avez 5 ans, que vous ne savez rien des rivalités politiques, des tensions mondiales, des crises économiques. Vous savez seulement que ce soir, vous êtes avec votre famille. Que vos parents sont là, ou peut-être une grand-mère, un oncle, une sœur, quelqu’un qui compte pour vous.
Et comme cet enfant de 5 ans, vous vous autoriseriez à être simplement heureux d’être là.
Ressentez la chaleur de la pièce, l’odeur du plat qu’on prépare, le son des voix qui se répondent. Laissez le monde extérieur derrière la porte, juste pour quelques heures.
Vous n’effacez pas la souffrance, ni la complexité du monde. Vous choisissez seulement, le temps d’un repas, de vous offrir une oasis.
Demandez-vous alors :
– Quelle petite joie existe encore autour de moi, là, maintenant ?
– Qu’est-ce que je peux faire, à ma mesure, pour adoucir la soirée d’une seule personne à table ?
– Quel geste, quelle parole, quel sourire pourrais-je donner, simplement, sans attendre en retour ?
Parce qu’au fond, les grandes transformations commencent souvent par ces tout petits choix intimes :
Décider d’être présent, d’écouter, de pardonner un peu, ou au moins de mettre la rancœur de côté pour une soirée.
Choisir de regarder ce qui tient encore debout, plutôt que ce qui s’effondre.
Cultiver, dans ce chaos, un îlot de douceur. »
Et ce thérapeute terminerait peut-être ainsi :
« Vous ne pouvez pas sauver le monde ce soir, ni réparer toutes les blessures de votre famille. Mais vous pouvez sauver ce moment-ci, le rendre plus doux, plus vivant, plus vrai.
Vivez ce repas comme si c’était un dernier chapitre d’un conte de famille.
Un chapitre où, malgré les disputes anciennes et les inquiétudes du temps, quelqu’un choisit de remettre un peu de lumière dans la pièce.
Ce quelqu’un, ce pourrait être vous.
Avec votre regard d’adulte lucide, et votre cœur d’enfant retrouvé. »
Et c’est ainsi que, dans la tempête du monde, une famille se retrouva autour d’une table.
Les problèmes n’avaient pas disparu, les risques non plus. Mais, le temps d’un soir, ils décidèrent de ne pas laisser la peur écrire l’histoire.
À la place, ils partagèrent un repas, quelques rires, quelques silences, un peu de tendresse pudique.
C’était peut-être peu de chose.
Mais pour chacun, au fond, c’était déjà beaucoup.
Et ce conte-là, on pouvait choisir de le recommencer, chaque année, chaque fois qu’on se retrouvait autour d’une table, malgré tout.