07/12/2025
Elle l’a cru.
Parce qu’il disait les choses avec cette intensité
qui ressemble à la vérité.
Parce qu’il savait poser les mots
exactement là où le cœur a faim.
Parce qu’il savait lire les rêves muets
et les draper de promesses qu’il ne tiendra jamais.
Elle l’a cru.
Comme on croit à une lumière dans la nuit,
par instinct,
par soif,
par besoin de croire qu’on peut encore être choisie.
Elle n’a pas vu
que chaque phrase était un décor,
chaque détail un déguisement,
chaque émotion un emprunt.
Elle n’a pas vu
la fabrique intérieure d’un homme
qui se racontait plus qu’il ne vivait.
Une mythomanie douce,
presque tendre,
une manière de se grandir
pour ne pas disparaître.
Il se maquillait de drames inventés,
de souffrances héroïques,
de victoires qui n’avaient jamais eu lieu.
Et elle, elle prenait tout.
Non par naïveté, mais parce que chaque fragment ressemblait
à ce qu’elle avait toujours rêvé.
Elle l’a cru.
Et elle l’a accueilli.
Elle a cru à ses blessures,
à ses peurs,
à ses renoncements,
à ses élans trop grands.
Elle a cru à tout ce qu’il aurait voulu être,
plus qu’à ce qu’il était vraiment.
Et puis un jour,
la vérité s’est mise à trembler.
Un fil qui dépasse.
Un récit qui se décolle du vrai.
Un mensonge qui en éclairait mille autres,
et mettait à nu toute la mise en scène.
Alors elle s’est vue,
dans le miroir brisé de cette relation,
penchée sur un homme
qui n’existait pas.
Ou peut-être si,
mais seulement dans la version qu’il inventait.
Et comme on ne bâtit rien avec ceux qui choisissent la fiction pour fuir leur vérité,
elle a laissé les projecteurs s’éteindre,
a quitté la scène,
et a repris le fil de sa vraie vie.
Elle l’avait cru.
Oui.
Et il n’y a là aucune honte.
Car les mythomanes ne mentent pas pour tromper.
Ils mentent pour ne pas disparaître.
Photo : Pierre Soulages - Gouache et mine de plomb sur papier 75 x 59 cm - 1999-2000