02/10/2025
Quand nos histoires d’amour sont fondées par des blessures d’attachement :
La théorie de l’attachement, élaborée par John Bowlby et confirmée par de nombreuses recherches (notamment celles de Mary Ainsworth), montre que la manière dont nous avons été aimés ou négligés dans l’enfance conditionne notre façon d’aimer à l’âge adulte.
L’attachement, ce lien vital qui relie l’enfant à ses figures parentales, devient une matrice invisible de nos relations intimes.
Lorsque ce lien est sécure, il permet de grandir avec confiance : l’autre ( la figure maternelle ) n’est pas une menace, ni une condition de survie, mais une présence avec laquelle on peut se construire.
Mais lorsque le lien est insécure, il crée des schémas relationnels douloureux et répétitifs, qui se rejouent dans nos histoires d’amour.
Ainsi l’attachement anxieux naît souvent d’une disponibilité parentale instable : un parent présent un jour, absent le lendemain.
L’enfant développe une peur de l’abandon et une croyance implicite : "je dois mériter l’amour ".
Adulte, il devient le co-dépendant actif ou l’empathe hypersensible, prêt à se sacrifier pour retenir l’autre.
L’attachement évitant provient d’un parent froid ou indifférent aux besoins affectifs. L’enfant apprend à se couper de ses émotions, persuadé qu’il vaut mieux ne rien attendre de personne.
Devenu adulte, il peut incarner le dépressif, replié sur lui-même, ou le narcissique, qui cache sa vulnérabilité sous un masque d’autonomie et de toute-puissance.
L’attachement désorganisé, issu d’un contexte où le parent est à la fois source de sécurité et de peur.
Cet attachement génère plus t**d des relations ambivalentes : recherche de fusion, puis rejet brutal.
C’est le terrain des couples les plus instables, où l’un oscille sans cesse entre Victime et Persécuteur, et l’autre entre Sauveur et Abandonné.
Ainsi, les couples ne sont pas des hasards malheureux : ils sont les reflets adultes de blessures précoces.
L’anxieux s’attache à l’évitant, le Sauveur cherche la Victime, et chacun rejoue, dans l’intimité, le scénario de son enfance.
Le co-dépendant est presque toujours anxieux
Il a peur de l’abandon
Il se définit par son rôle de sauveur (aider, réparer, être indispensable).
Donc : sauveur = co-dépendant = anxieux, ce sont trois façons de nommer une même dynamique.
L’évitant, c’est autre chose
Le partenaire évitant peut prendre deux visages : le narcissique (qui se défend par une armure de toute-puissance) ou le dépressif (qui se replie dans le retrait, le silence, l’apathie).
Le co-dépendant ne court pas seulement après son partenaire, mais après l’enfant qu’il a été, cherchant un regard qui rassure.
Le narcissique ou le dépressif ne se retire pas seulement du couple, mais aussi de ses blessures d’autrefois, quand la proximité a fait peur ou a manqué.
Le couple co-dépendant et dépressif illustre parfaitement le triangle dramatique de Karpman. Tant que chacun reste enfermé dans son rôle — sauveur pour l’un, victime/persécuteur pour l’autre — la relation s’étouffe. Mais en travaillant sur les blessures d’attachement, il devient possible de passer d’un amour basé sur la survie à un amour basé sur le choix et la réciprocité.
Chacun y trouve paradoxalement un "bénéfice" inconscient :
- le co-dépendant se sent indispensable,
- le dépressif se sent soutenu et évité de l’abandon.
Mais ce bénéfice est toxique : le couple s’enlise dans une relation où la liberté, la réciprocité et la croissance sont étouffées.
Le premier pas est toujours la prise de conscience : reconnaître que la relation n’est pas "de l’amour pur", mais une réactivation des blessures d’attachement.
- Pour le co-dépendant actif, il s’agit d’apprendre à aimer sans se sacrifier, à poser des limites et à exister en dehors de son rôle de sauveur.
- Pour le partenaire dépressif, le travail consiste à reprendre une responsabilité sur sa santé psychique, à développer ses propres ressources et à accepter que son partenaire n’est pas son thérapeute.
Si nous regardons bien, chacun de nous rejoue à sa manière ce qu’il a appris, souvent sans le savoir, dans son premier lien d’attachement.
La guérison passe par une reconstruction intérieure, souvent accompagnée par une psychothérapie, qui permet de sortir du triangle dramatique pour entrer dans une relation plus libre et plus consciente.
Et si prendre conscience de notre style d’attachement, c’était ouvrir une possibilité : celle de ne plus rejouer le passé en boucle, et d’aimer — enfin — à partir du présent ?
Ces profils psychologiques ne se découpent pas toujours en catégories nettes et il existe beaucoup de recouvrements. L’évitant peut présenter des traits qui rappellent à la fois le narcissique et le dépressif, et la frontière est parfois floue. Pour ce qui est du "profil narcissique" il peut aller d’un fonctionnement défensif assez banal à des formes plus pathologiques, dont certaines effectivement teintées de perversité.
Tout l’enjeu est de distinguer les degrés et les nuances, plutôt que d’enfermer les personnes dans une case stricte.
Francine Baraban, thérapeute du couple
NB : lire masculin ET féminin, il et elle. Photos Internet