27/11/2023
Esquiver ou digérer (extrait)
« Beaucoup de personnes se bercent d’illusions : « Avec le temps, va, tout s’en va… ». Si ça peut être vrai pour une blessure amoureuse superficielle, il n’en est rien pour une maltraitance incrustée dans la chair…
Tant que nous ne regardons pas nos émotions en face, elles interfèrent au fond de nous-même, à notre insu, et cela parfois pendant de très nombreuses années. Il nous faut donc commencer par repérer ce qui nous fâche plutôt que de le nier, en jouant la personne non affectée. C'est parce qu'on ose faire exister une émotion en pleine lumière qu'elle peut disparaître.
C'est que le passé reste toujours actif en nous, tant que nous rechignons à rencontrer nos blessures. Tant que nous ne les avons pas reconnues et honorées. Nous avons en effet besoin d'honorer nos blessures afin de les guérir. Une blessure négligée ne guérit pas. Pour permettre au passé de se dissoudre, il faut se confronter aux mécanismes inconscients qui sont en nous et qui nous oblige malgré nous à lui rester fidèle en nous intéressant si peu à ce que nous avons vécu.
C'est un processus paradoxal que celui qui nous demande d'inviter à notre table les hôtes de notre passé afin qu'ils ne puissent plus jamais nous hanter.
Il nous faut donc convenir de ce qui nous est arrivé, commencer par appeler un chat un chat, sans chichi ni demi-mesures : une blessure est une blessure, une maltraitance est une maltraitance, surtout si nous culpabilisons de les reconnaitre comme telles.
Pour que les traumatismes que nous avons subis soient mis en lumière, nous devons commencer par leur accorder toute notre attention. Regarder nos blessures en face pour pouvoir les aider à émerger afin de pouvoir les panser.
Or, la plupart des personnes veulent se débarrasser des cruautés qu'on leur a fait subir sans oser les regarder en face. La plupart d'entre elles semblent n'avoir aucune conscience que c'est leur capacité à les prendre à bras le corps et à les rencontrer qui leur permettra de faire que ces dernières n'auront un jour, plus d'impact sur elles.
Vouloir "tourner la page" trop vite est une forme de déni. Le déni de ceux qui pensent qu'ils comptent pour du beurre et ne s'accorde aucune importance. "Mais cet épisode là, je l'ai déjà raconté" répète à son thérapeute une personne qui n'a pas encore pris la pleine mesure de la maltraitance qui lui a été infligée.
Pour pouvoir se pacifier, il faut que, peu à peu, les vécus s'élaborent, que le sens et la logique de ce qui apparaît le plus souvent sans sens, émerge. Il faut également que le poids émotionnel reliés aux épisodes dramatiques s'exprime. Et cela se fait plus souvent dans les cris, les larmes, la fureur.
Tant que ce travail de rencontre avec sa propre histoire douloureuse n'est pas réalisé, la personne qui esquive ses manifestations l'encaisse une fois de plus, comme on encaisse un upercut.
Encaisser est extrêmement violent parce que c'est toujours celui qui encaisse qui paye en faisant les frais de ce qu'il ne veut pas regarder en face.
Il en demeure la victime d'autant plus certaine qu'il fait tout pour ne pas le regarder en face.
Heureusement, par delà esquiver et encaisser, il existe une troisième voie, celle de la digestion. Digérer c'est "faire sien", se nourrir de ce qui nous est arrivé, même du pire»
Extrait de l’article « Esquiver ou digérer », de Renaud PERRONNET – EVOLUTE CONSEIL/Connaissance de soi