23/10/2025
Féminicide à Lille : une adolescente de 15 ans tuée dans une chambre d’hôtel, le cri d’une société en faillite
Lundi 20 octobre 2025, dans une chambre d’hôtel de Lomme, près de Lille, le corps d’une jeune fille de 15 ans a été retrouvé sans vie. Le jour même, son petit ami, âgé de 20 ans, s’est présenté de lui-même au commissariat central de Lille pour confesser le meurtre. Ce mercredi 22 octobre, il a été mis en examen pour homicide volontaire par conjoint et placé en détention provisoire.
Le procureur de la République de Lille, Samuel Finielz, a confirmé que « les premières constatations médico-légales établissent que le décès est consécutif à une asphyxie due à un étouffement ». Autrement dit, la jeune fille a été étouffée à mains nues, victime d’une violence intime qui s’inscrit dans une terrible continuité : celle des féminicides et violences conjugales qui ne cessent d’endeuiller le pays.
Une victime parmi tant d’autres, mais une histoire singulière
La jeune fille, dont le prénom n’a pas été rendu public, était placée sous assistance éducative depuis 2022, sur décision d’un juge des enfants du tribunal judiciaire de Lille. Elle vivait sous la protection de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) depuis octobre 2023. Comme tant d’adolescentes livrées à une société indifférente, elle faisait régulièrement des fugues, tentant de trouver ailleurs ce que le système ne parvient plus à offrir : de la sécurité, de la stabilité, de l’amour.
Son compagnon, âgé de 20 ans, n’était pas connu pour des faits de violence. Il a déclaré aux enquêteurs qu’il entretenait une relation amoureuse avec elle. Une relation déséquilibrée, illégale par la différence d’âge et par la position de vulnérabilité de la jeune fille, mais surtout révélatrice d’un effondrement collectif : celui de la capacité des institutions à protéger les mineures fragiles.
Un féminicide de plus, dans un pays qui s’habitue à l’horreur
L’affaire a provoqué un choc à Lille, mais aussi une colère sourde. Une adolescente de 15 ans, victime de la société avant d’être victime d’un homme, vient s’ajouter à la longue liste des femmes et jeunes filles tuées par leur compagnon ou ex-compagnon.
Depuis des années, les chiffres s’accumulent. En 2024, plus de 120 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, selon le ministère de l’Intérieur. En 2025, la tendance ne semble pas s’inverser. Derrière les statistiques, ce sont des vies volées, des destins brisés — et trop souvent, des cris ignorés.
Malgré les discours politiques et les « plans d’action » successifs, la réalité reste brutale : les moyens alloués à la prévention, à l’éducation affective, et à la protection des femmes restent dérisoires. Les services sociaux, débordés et sous-financés, manquent cruellement de personnel. Les associations, qui accompagnent ces jeunes femmes, tirent la sonnette d’alarme depuis des années — sans être entendues.
Une enfance en danger, une société coupable
L’histoire de cette adolescente pose une question fondamentale : comment une jeune fille de 15 ans, placée à l’ASE, a-t-elle pu se retrouver seule dans une chambre d’hôtel avec un homme adulte ?
Ce drame met en lumière les failles béantes de la protection de l’enfance. Les éducateurs et travailleurs sociaux alertent depuis longtemps sur l’explosion des situations à risque. À Lille comme ailleurs, les foyers sont saturés, les suivis insuffisants, les enfants « placés » parfois livrés à eux-mêmes.
Les fugues se multiplient, souvent pour échapper à la violence institutionnelle, à la solitude, ou à l’absence de repères. Et c’est dans cette brèche que se glissent les prédateurs, les manipulateurs, ou parfois de simples jeunes hommes immatures, incapables de mesurer la gravité de leurs actes.
Mais à la fin, la société reste responsable. Car derrière chaque féminicide, il y a un enchaînement d’abandons collectifs.
La justice face à l’irréparable
Le suspect, désormais mis en examen pour homicide volontaire par conjoint, encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Une instruction a été ouverte, sous la direction du juge d’instruction du tribunal judiciaire de Lille, pour déterminer le déroulement précis des faits et les motivations du jeune homme.
Mais, comme souvent, la justice interviendra trop tard. Les tribunaux jugent des morts ; ils ne protègent pas les vivantes. Et tant que les politiques publiques continueront de traiter les violences faites aux femmes comme des « faits divers », rien ne changera.
Un miroir social
Ce féminicide, au-delà du drame individuel, est le miroir d’une société malade.
Une société qui abandonne ses enfants à la rue, ses adolescentes à des relations destructrices, ses femmes à la peur.
Une société qui s’émeut un jour et oublie le lendemain.
Une société où les discours ministériels se succèdent, pendant que les jeunes filles meurent dans l’indifférence.
Il ne s’agit pas seulement de punir un coupable, mais de regarder en face les racines du mal : la pauvreté, le désengagement de l’État, le sexisme systémique, et le manque de moyens pour celles et ceux qui œuvrent au quotidien pour protéger les plus fragiles.
Un cri pour la vie, contre l’indifférence
Nous refusons de traiter ce drame comme une simple ligne dans la rubrique des faits divers.
Nous refusons d’oublier que cette jeune fille de 15 ans aurait dû être à l’école, en sécurité, entourée.
Nous refusons que les violences faites aux femmes et aux enfants soient normalisées sous le poids des habitudes.
Parce que chaque féminicide est un acte politique. Parce que chaque silence est une complicité.
Parce qu’une société qui ne protège pas ses enfants n’a plus de morale.