26/10/2025
Cette nuit, il a fallu que j'écrive....
Difficile pour moi de trouver le sommeil.
après avoir déposé cela, je me suis assoupie quelques heures et un "mauvais rêve" m'a réveillé.
MAMAN,
Hier on a fêté tes 96 ans.
Et aujourd’hui… le pont de bascule est arrivé.
Celui qu’on redoutait, qu’on repoussait sans vouloir y croire.
Tu n’as pas reconnu ton petit-fils.
Tu l’as appelé "Monsieur" et à la fois, tu étais heureuse qu'il soit près de toi tu lui as dit.
Ton "autre petit-fils"💫 , tu n'en as plus parlé depuis le jour de l'accident, surement pour ne pas rajouter de la peine à ma peine, mais j'aurais tellement aimé que tu continues de me parler de "LUI"
Tu n’as pas prononcé le prénom de tes arrière-petites-filles.
Ni celui de ton chat.
Tu as demandé à faire la sieste dans ton fauteuil.
Tu as bavardé un moment avec ton ami imaginaire…
Puis tu t’es endormie.
Quand tu t’es réveillée, désorientée, tu m’as dit :
« Madame, vous pouvez m’aider à me relever ? »
C’est dur, maman.
Tellement dur.
C'est dur de ne plus voir tes yeux pétiller.
C'est dur de ne plus t’entendre dire des bêtises.
C'est dur de te voir décrocher un peu plus chaque jour.
Tu as demandé à rentrer “à la maison”.
On t’a ramenée à l’EHPAD.
Et on ne va pas se mentir : c’est un mouroir, comme tous les autres.
Des couloirs de la mort où les gens s’effacent doucement.
Tu es revenue un instant à la réalité.
En colère. Et lucide à la fois.
Tu savais que tu ne pouvais plus rester seule, que nous travaillons tous.
Et là, avec ta voix ferme, tu m’as dit :
« Emmène-moi chez le véto, là-bas il me fera une piqûre, il ne me laissera pas souffrir. »
C’est dur, maman.
C'est dur de t’avoir entendue dire ça.
C'est dur aussi de m’être surprise à te répondre :
« Maman, si tu veux partir, laisse-toi aller. Ne lutte plus. »
C’est dur d’attendre le téléphone,
de craindre d’entendre : “c’est fini.”
C’est dur de penser qu’un jour tu ne seras plus là.
Que je serai orpheline de père et de mère.
Et déjà mamange de mon plus jeune garçon.
C'est dur de penser que je n’aurai plus d’épaule sur laquelle me reposer.
C'est dur de se réveiller d'un cauchemar , en pleures, où tu rentres de ton périple en Jordanie avec le sourire alors que ton mari, ton fils t'attendent sur le quai de la gare, non pas avec des banderoles mais avec le regard triste et fermé et t'annoncent
"Mamie est partie avec toi pendant ton voyage"
C'est dur maman de réaliser que cela peut arriver à tout moment.
Alors oui, beaucoup vont penser : " Hé c'est bon , elle a bien vécu, elle a 96 ans et puis tu ne vas pas faire ton c**a mou, il y a plus grave ! , t'as perdu un enfant et ton "petit frère" se bat contre ce foutu crabe, tu fais ce que tu peux, et tu as fait ce que tu as pu " .....
Oui, je sais tout ça....
Mais ça reste MA MAMAN
Aujourd’hui, j’ai une pensée pour toutes les personnes qui accompagnent un proche atteint d’Alzheimer ou d’une autre maladie dégénérative cognitive
Une pensée particulière aussi pour M., celle qui veille sur son mari avec tant de douceur parmi tant d'autres
Pendant ce temps, au Parlement, on débat de la loi sur l’aide à mourir.
Et moi, je me demande :
Pourquoi ne pas élargir le débat à ces situations-là ?
Quel est le sens de vivre dans ces conditions ?
On parle souvent du “business” de la dépendance.
Mais si on se penchait sur le coût de la santé mentale des accompagnants, ( dépression, burn-out, absentéisme, désengagements professionnels....)
Sur ce qu’on perd, sur ce qu’on porte…
peut-être que le regard changerait.
Et vous… qu’en pensez-vous ?