26/10/2025
Rubrique "Je témoigne en anonyme"
Je m’appelle Rodrigue*, j’ai 37 ans et je travaille dans une entreprise ici à Port-Gentil. Il y a encore un peu plus de 5 ans, tout semblait aller bien : j’avais un bon poste, des collègues, une vie sociale. Puis un jour, j’ai commencé à me sentir étrange. D’abord de petites choses : l’impression que les gens chuchotaient derrière mon dos, des pensées qui me traversaient l’esprit sans en comprendre l’origine, des voix faibles parfois quand tout était calme. Ensuite, je me suis mis à avoir du mal à dormir, je devenais méfiant sans raison apparente, je m’isolais, j’avais du mal à suivre une conversation ou à me concentrer au travail. Je voyais des images ou des sensations que les autres ne semblaient pas voir. Ces signes, je ne savais pas ce que c’était. Mais bien sur que j'ai pensé que ça m'arrivait à moi aussi. Que j'étais entrain de perdre la tête. Que je finirai nu à la route.
Mais je n'osais pas en parler. Rien que certaines réactions face à mes comportements "étranges" suscitaient des regards, des questions ou des allusions moqueuses qui me mettaient mal à l'aise. Et puis quand on sait avec quel type de phrase on nous éduque sur ces sujets depuis l'enfance, on comprend. Bref, je sentais le poids du jugement si j'osais en parler. Et quand au bout de plusieurs mois j'ai essayé, je me suis senti jugé, comme si j’avais une “anormalité” que personne ne veut voir. Les soins spécialisés sont rares, coûteux et souvent pas adaptés car très généralistes. Je dérivais d’un médecin généraliste à un tradipraticien, puis à un “guérisseur”, sans vraiment trouver d’aide ciblée. Chaque rendez-vous manqué, chaque explication absente, renfonçait l’idée que j’étais seul.
Puis par des recherches, j’ai découvert un psychiatre consultable à distance. J’ai commencé à parler de ce que je vivais sans avoir à craindre la honte directe. J’ai compris que je ne devenais pas fou, que ce n’était pas ma faute, que c’était une maladie qui pouvait se prendre en charge. Diagnostic posé, enfin de la clarté. En parallèle, j’ai appris l'existante et rencontré des jeunes de mon âge au Gabon et ailleurs qui font face à des défis similaires, et même des moins jeunes. Nous partageons nos histoires, nos peurs, nos progrès. Aujourd’hui je ne suis pas “guéri” au sens où tout est parfait, mais j’avance. Je suis moins seul, j’ai des outils et je reprends confiance.
Mon message est que cette épreuve ne définit pas qui nous sommes. Il est essentiel d’avoir des solutions adaptées aux problèmes qu'on rencontre et pas des amalgames confus ou des jugements impertinents. Parce que dites moi à quoi ça sert de dire à une personne malade qu'on lui a jeté un mauvais sort? Qu'elle se sente encore plus seule et perdue qu'avant? Et quel mauvais sort, Qui? Quand? Pourquoi?
Il y a par contre de l’espoir quand on abandonne un temp soit peu ses préjugés. Et pour cela, il suffit parfois d’un petit effort, d'un mot, d’une rencontre, d’un soutien pour redonner du sens à sa vie.
*Le prénom a été changé ainsi que la photo d'illustration générée.
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