25/09/2022
La régulation du secteur pharmaceutique, problèmes et perspectives.
De nombreuses réflexions dans les écrits de ces dernières décennies pour poser les problèmes et proposer des solutions face la situation de crise généralisée, régulière et dynamiquement croissant que connait le pays depuis déjà bien longtemps, incitent à la déduction que le cadre légal utilisé dans les diverses secteurs de la vie nationale haïtienne est en grande partie responsable de ces anomies et situations délicates. Par cette faiblesse du cadre légal ci-énoncé, nous entendons la disponibilité de textes de loi adapté aux situations nécessiteuses ainsi que leur mise en application effective quand il revient de faire valoir ce que de droit. Sachant que la régulation est le fait pour les choses d’être régler ou encore d’assurer le fonctionnement d’un processus en se basant sur les règles, nous entamerons donc cette analyse avec la prémisse que notre système pharmaceutique dispose d’un cadre légal ainsi que des institutions régulatrices autour desquels nous aurons à argumenter.
Partant d’une première observation, le système sanitaire haïtien, compte parmi ceux du pays sollicitant le plus les dispositions normatives dans ses différents secteurs depuis la loi organique de l’institution mère, le MSPP, jusqu’aux secteurs nécessitant un cadre spécifique tels le secteur des marchés publics de santé, celui de la formation et de l’exercice des professions de la santé et tout aussi celui du secteur pharmaceutique.
Nous intéressant au secteur pharmaceutique haïtien, nous trouvons que celui-ci est théoriquement fort à ce jour de la loi de 1955 portant sur la pharmacie et les médicaments, d’une Direction de la Pharmacie et du Médicament et de la Médecine Traditionnelle (DPM/MT), et d’autres institutions pouvant être mobilisés au besoin. Mais pratiquement faible dans le fond, car cette dite loi est presque non applicable de par sa désuétude mais aussi, malheureusement non appliquée de par la faiblesse ou le désintéressement des institutions de contrôle et de régulation concernées. Et comme il faudrait s’y attendre dans les conditions normales de cause à effet, des problèmes s’en occasionnent et des conséquences s’en découlent.
En première représailles, citons que l’objectif de la loi de 1955 qui était de remettre le contrôle de la pharmacie, donc la régulation de la pratique et du secteur aux pharmaciens n’est à ce jour, encore pas atteint. Malgré la présence de celle-ci ainsi qu’une direction des médicaments au sein du MSPP, on eut assisté à plusieurs reprises ces dernières années, à des évènements regrettables. Dans le début des années 2000, il y a eu une épidémie d’insuffisance rénale liée au di-éthylène glycol témoignant du manque flagrant de contrôle des pharmacies et de la surveillance des médicaments en Haïti.
Outre cet exemple du di-éthylène glycol, en guise d’autres conséquences du manque de régulation, beaucoup d'établissements pharmaceutiques ne respectant pas les normes préalablement établies pullulent çà et là et fonctionnent sans autorisations. Les médicaments sont vendus sans prescription dans les pharmacies. N’importe qui importe les médicaments dans n’importe quelle condition car le contrôle frontalier est inefficace, la perception de taxes douaniers et le contrôle qualité sur ces produits importés laisse à désirer, N’importe quelle firme pharmaceutique est apte à livrer ses médicaments sur le territoire. La circulation de médicaments de mauvaises qualités se fait partout dans le pays, des médicaments sont vendus partout dans les rues par n’importe qui, dans les bus ou en dehors d'établissement pharmaceutiques réglementés, les médicaments sont à portée de mains augmentant les risques d’automédication, la population devient donc de plus en plus vulnérable face à la consommation irrationnelle de médicaments inefficaces, périmés. L’absence d'harmonisation des prix devient une source d'insécurité liée spéculation du médicament.
Dans un article écrit par André PATRICK en 2020, ont eu à lire en titre : « Haïti : la loi de 1955 sur la pharmacie, exemple d’une loi oubliée, ou l’exception de la règle ? ». Cette interrogation traduit non seulement la pertinence du problème, mais aussi malheureusement, sa persistance depuis déjà de nombreuses années. Parmi les obstacles à l’application de la loi voire la régulation effective du secteur, nous pouvons citer d’une part, le manque de coordination entre les instances concernées, les peines non proportionnelles aux fautes commises, la retenu de rigueur dans les sanctions, les intérêts cachés, le manque de ressources, de volonté politique et la corruption, le retrait ou le manque d’implication ou encore le manque d’innovation dans les approches de la Direction de la Pharmacie et du Médicament et de la Médecine Traditionnelle (DPM/MT) pour s’ériger en tant qu’institution de référence en matière de régulation dans le secteur. Et d’autres part, certains aspects non règlementé tels que : les médicaments essentiels, les contrefaits, les dons de médicaments, les médicaments de rues, les laboratoires de fabrication de médicaments, l’importation/l’exportation, la publicité, les AMM, les BPF, la médecine traditionnelle, l’ordre des pharmaciens, les droit de substitution, les essais cliniques sur le territoire nationale, etc…
Les uns toujours plus effrayants que les autres, les inquiétudes ne cessent de croître face au désordre enregistré dans ce domaine. L’ensemble de ces problèmes identifiés constituent une véritable tragédie et suscitent des questions sur l’avenir de la pharmacie en Haïti. Faut-il remplacer la loi existante, la révisée ou faut-il tout simplement veiller à son application? Faut-il renforcer les institutions de régulation et contrôle ou refonder le système tout entier ? Comment aborder la question du monopole dans les activités commerciales du secteur? Il y aurait tant d’autres questions a posées si vraiment nous voulons entreprendre des actions correctives.
Fort heureusement pour notre secteur pharmaceutique, la situation peut changer. Pour cela, la volonté politique affirmée et confirmée des autorités est plus que nécessaire. La législation en vigueur doit être actualisée et appliquée (étapes : Révision, Actualisation, Soumission, Vote, Divulgation, Application), les institutions doivent être renforcés (MSPP, DPM/MT, etc…) et la création de l’ordre des pharmaciens doit devenir indiscutablement une réalité. Veiller à la stricte application de la loi permettra une meilleure coordination entre les différentes instances, de réduire l’influence du secteur Privé et des ONGs, d’augmenter les activités d’inspections et de régulation, et de légiférer dans le secteur en adéquation aux besoins et aux problèmes de la population et du secteur.
En toute dernière analyse, malgré ces difficultés, une chose est sûre, la pharmacie en Haïti n’est pas orpheline et sans avenir comme on pourrait le croire. Il suffit d’un regard plus attentif et bienveillant des autorités Haïtiennes et d’un engagement plus consciencieux de toutes les parties: pharmaciens, importateurs, médecins et la population pour écrire une nouvelle et plus belle page dans l’histoire de la pharmacie en Haïti.
par Sthevendz JEAN BAPTISTE